Cannes 2024. Jacques Audiard casse les codes avec Emilia Perez

La première fois que l’on a entendu parler d’Emilia Pérez, beaucoup se sont dit : « C’est quoi ce truc ! ». Une comédie musicale qui raconte le changement de sexe d’un narcotrafiquant mexicain avec Zoe Saldana et Selena Gomez, tourné en studio à Paris ! Mais il nous prépare quoi Jacques Audiard ! ? Une bombe. Son film est une vraie réussite. L’histoire de la rédemption d’un homme devenue femme. Un symbole pour le réalisateur. Le film a été ovationné à la fin de la projection. Il sera en salles le 28 août.

Entretien.

D’où vous est venue cette idée folle Jacques Audiard ?

Du premier confinement. Je voulais écrire un livret d’opéra, découpé en actes avec des personnages très archétypaux. Puis au fil des conversations avec Clément Ducol, le compositeur de la musique, nous avons migré vers le cinéma et la comédie musicale. Quant à l’origine de l’histoire elle vient du roman « Écoute » de Boris Razon. Dans son livre, il évoque l’histoire d’un narcotrafiquant qui veut devenir une femme. Mais il ne lui donne aucune suite. Alors, j’ai piqué les clés de la bagnole et je me suis cassé avec !

Votre film évoque la transformation d’un homme violent en une femme qui décide de faire le bien. La rédemption passe par le corps des femmes ?

Je trouve l’idée passionnante. La violence des pères disparaîtra-t-elle dans cette espèce de magie corporelle. Il y a une parole de chanson dans le film qui parle de : « changer les corps pour changer les âmes et la société ». C’est une hypothèse à envisager.

Comment s’est passée la rencontre avec Karla Sofia Gascon (l’actrice qui auparavant était un acteur et qui a débuté sa transformation à l’âge de 46 ans) ?

C’est un agent mexicain qui m’a donné son contact. Elle est devenue une évidence. Elle m’a même convaincu de jouer le trafiquant et sa version féminine.

Vous pensez que le cinéma peut faire changer les mentalités ?

Je ne sais pas. C’est dur à dire. C’est peut-être donner beaucoup d’importance à un film. J’ai toujours été un peu fataliste.

Est-ce que vous dévoilez votre féminité à travers vos films ?

C’est vachement intime ça comme question. Mais en fait je suis une fille moi qu’est-ce que vous voulez que je vous dise… (il sourit et lève les yeux au ciel).

Votre film à créer la surprise et l’enthousiasme médiatique au festival. Comment le vivez-vous ?

Je n’ai pas trop suivi tout ça. C’est très stressant, et de plus en plus, pour moi de présenter un film à Cannes. Et pourtant, je ne suis pas un perdreau de l’année ici. (Il a reçu la Palme d’or pour Dheepan en 2015). Là, j’atterris juste après la projection officielle. Vous vous rendez compte que Zoe Saldana et Karla, qui étaient assises à côté de moi, n’avaient encore jamais vu le film !

Comment ont-elles réagi ?

Elles ont pleuré.

Vous rêvez d’une deuxième Palme d’or ?

C’est très bien une palme. (Il rit). Un prix d’interprétation pour Karla ça serait vraiment fort !