Publicité

Judith Godrèche : «J'ai l'impression d'avoir l'énergie d'une enfant qui a besoin d'une sorte de réparation»

Judith Godrèche lors du talk Kering x Women In Motion. (Cannes, le 17 mai 2024.)
Judith Godrèche lors du talk Kering x Women In Motion. (Cannes, le 17 mai 2024.) Vittorio Zunino Celotto / Getty Images for Kering

L’actrice et réalisatrice est présente au 77e Festival de Cannes pour présenter son court métrage Moi aussi, dédié aux victimes de violences sexuelles. Et a abordé ses combats dans un talk Kering x Women In Motion, le 17 mai.

«Ça fait déjà six mois?» : quand on lui rappelle quand est sortie Icon of French Cinema, la série dont elle est l’auteur et l’interprète principale, dans laquelle elle évoquait sa relation, adolescente, avec un réalisateur de quarante ans son aîné, Judith Godrèche n’en revient pas. Comme si le temps avait passé en un claquement de doigts. Depuis, l’actrice et réalisatrice, qui a porté plainte contre Benoît Jacquot et Jacques Doillon, accompagne la parole des victimes de violences sexuelles. Après un discours poignant lors de la cérémonie des César, elle poursuit son combat sur grand écran avec Moi aussi, court-métrage présenté le 15 mai au Festival de Cannes.

Invitée de l’un des talks Women In Motion, programme mis en œuvre par Kering pour mettre en lumière les femmes qui façonnent le monde culturel actuel, la Française s’est exprimée sur ses luttes, ses espoirs et ses projets. Avec sincérité.

Futures générations

Pour réaliser Moi aussi, Judith Godrèche a recueilli 5000 témoignages en 15 jours. Et c’est plus d’un millier d’hommes et de femmes qu’elle a ensuite filmés dans une rue parisienne, faisant enfin entendre leur voix : «Je sentais une invisibilisation, ces personnes avaient besoin d'être entendues, comme pour valider leur parole.» Dans le court-métrage, une jeune femme en blanc se fraye un passage dans la foule et danse : il s’agit de Tess Barthélémy, 19 ans, la fille de la réalisatrice, qui «représente la jeunesse. La question que je soulève avec ce film, c'est que j'espère qu'un jour, quand on demandera aux jeunes s'ils ont été abusés, ils diront “non”.»

Être entendue

Son combat, Judith Godrèche l’a porté jusqu’à l’Assemblée nationale : jeudi 2 mai, les députés ont voté à l'unanimité pour la création d'une commission d'enquête chargée d'étudier les «abus et violences» dans le cinéma, l'audiovisuel, le spectacle vivant, la mode et la publicité. Une victoire qu’elle avait accueilli les larmes aux yeux dans l’hémicycle, et sur laquelle elle revient plus globalement : «J'ai l'impression d'être mieux entendue. Quand on est dans l’action, on a une énergie qui vient de très loin, de l'enfance peut être. J'ai l'impression d'avoir l'énergie d'une enfant qui a besoin d'une sorte de réparation.»

Du chemin reste encore à faire, notamment concernant les relations hommes - femmes : «Il y a des hommes qui ont besoin de se déconstruire, et on les accueille à bras ouverts», note-t-elle, même si elle estime que «les hommes n'ont pas besoin qu'on les tienne par la main, de la même manière que les femmes n'en ont pas besoin non plus.» Plus que les empoignades, elle prône l’écoute : «Aujourd’hui, il n'y a pas de conversation, pas de dialogue, il n'y a que du conflit», déplore-t-elle. «On s’exprime, et on apprend ensuite qu'on est fâché avec quelqu’un qu'on ne connaît pas.» D’autant que ses prises de positions l’exposent plus que jamais aux critiques : «On attend des victimes qu'elles soient des personnes parfaites, infaillibles. Ceux qui ne veulent pas que ça change vous attendent avec une kalashnikov, guettent le faux pas.»

Tout un monde

La parole de Judith Godrèche, longtemps réprimée, a ceci de remarquable qu’elle est advenue via un travail de créatrice, de réalisatrice avant tout. Une étape qu’elle a mis du temps a franchir : «Je me suis toujours demandé si j'étais légitime, parce que la place de réalisateur, c’était la place de l'autre. Et dans le fond, qui étais-je pour pouvoir imaginer que moi, égérie, muse, femme-enfant, enfant-femme, je pouvais prétendre à prendre la place du père?» Aujourd’hui, elle ne sait si elle repassera un jour devant une caméra, admettant que son «désir d’actrice est une question compliquée» et que si la profession a salué son courage après sa prise de parole aux César, c’est le «silence» côté propositions. Une situation que celle qui a longtemps vécu aux États-Unis analyse ainsi : «En France, on met les gens dans les cases. Quand on parle, on est directement une activiste. Comme si on ne pouvait pas accepter qu'une femme, c'est tout un monde.» Un monde fait d’ombres et de lumières, de blessures et de guérison. Dans le cas de Judith Godrèche, un univers en pleine expansion.

Judith Godrèche : «J'ai l'impression d'avoir l'énergie d'une enfant qui a besoin d'une sorte de réparation»

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
Aucun commentaire

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

À lire aussi

Qui était vraiment Jacques de Bascher, le grand amour de Karl Lagerfeld ?

Qui était vraiment Jacques de Bascher, le grand amour de Karl Lagerfeld ?

La série événement Becoming Karl, disponible ce vendredi 7 juin sur Disney+, met en lumière le dandy explosif Jacques de Bascher. Pour Madame Figaro, son grand ami Philippe Heurtault, qui le photographia pendant toute la décennie 1970, livre en exclusivité le portrait de ce sulfureux personnage.