Exposition « Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten » à la Fondation Custodia – Société de l’Histoire de l’Art Français (SHAF)

Exposition « Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten » à la Fondation Custodia

L’actuelle exposition de la Fondation Custodia est à la fois un hommage à Ger Luijten, brutalement décédé à la veille de Noël 2022 et un bilan de l’extraordinaire activité qu’il a déployée pendant les 12 ans de son directorat à la tête de l’institution. Pendant cette période, ce ne sont pas moins de 10 000 œuvres qui sont entrées dans les collections de la fondation et qui font l’objet d’un catalogue en ligne avant son édition sur papier prévue pour l’automne prochain.

Ger Luijten a toujours eu comme politique de poursuivre l’œuvre de Frits Lugt, le fondateur de l’institution. Ainsi, affirmait-il : « Je cherche à me mettre dans la tête de Frits Lugt pour imaginer comment il aurait réagi devant une œuvre et comment elle pourrait s’insérer dans la collection existante ».

Ses collaborateurs ont choisi 150 œuvres caractéristiques de ces nombreuses acquisitions, en les présentant par technique.

Les dessins ont enrichi une collection déjà très largement fournie. Un grand (40/50cm) et puissant Triomphe de Neptune par le Maître des Albums Egmont, récent ajout au corpus de l’artiste, témoigne de la vigueur de ce maniériste, encore non identifié. Parmi les artistes nordiques –en toute logique, largement représentés ici-, certains ont fait le voyage d’Italie. Mais nous retiendrons un autre type d’expression avec l’émouvant Autoportrait de Samuel van Hoogstraten que l’on devine regarder fixement le miroir pour se portraiturer et que son maître Rembrandt a corrigé de quelques vigoureux traits de plume.

Samuel van Hoogstraten, Autoportrait à la fenêtre © Hélène Guicharnaud

Des artistes hollandais du XVIIIe siècle préfigurent une sensibilité préromantique qu’Abraham Teerlink assume pleinement avec sa grande étude (65/48 cm) inachevée de Rochers et végétation.

On retrouve avec plaisir les Français de la même époque et qui ont été le sujet de la toute récente exposition Dessins français du XIXe siècle. Plus rares sont les feuilles des Français Nicolas Delobel (1693-1763) et Hilaire Ledru (1769-1840) comme celle, bien plus tardive du Danois Harald Slott-Moller (1864-1937).

Les estampes étaient un domaine familier à Ger Luijten qui participait aux catalogues raisonnés des estampes flamandes et hollandaises, les Hollstein, au sujet desquelles il avait publié un article de référence dans La revue de l’INHA en 2010. L’immense (43/88 cm) et rare Panorama du Tibre à Rome de Willem van Nieulandt déploie son ambitieux propos sur trois feuilles gravées à l’eau-forte. Les représentations de la vie quotidienne, chère à l’art néerlandais du XVIIe siècle, tout comme savants emblèmes et allégories sont venus enrichir le fonds de l’institution.

Mettant ses pas dans ceux de son prédécesseur Frits Lugt, Ger Luijten a élargi la collection de portraits d’artistes avec portraits et autoportraits (Arthur Pond, Goya, Pieter Christoffel Wonder, Fantin-Latour).

C’est aussi en successeur de Frits Lugt qui avait réuni un ensemble de peintures que Ger Luijten a agi. Des allégories, des peintures d’histoire, religieuses, des natures mortes sont venues compléter la collection. Et également un Portrait de François Langlois, éditeur et marchand ainsi que Diane et ses compagnes découvrant la grossesse de Callisto par Jacob van Loo, qui introduit à la fondation Custodia le genre nouveau de la peinture mythologique.

Parmi quelques miniatures, on retient le Portrait de Charles-Henry Delacroix, frère d’Eugène, peint par leur oncle Henri-François Riesener au tournant du XIXe siècle.

Camille Corot Un faubourg de ville (Rochefort-sur-Mer, Charente), 1851 © Hélène Guicharnaud

Après le legs d’une soixantaine d’études à l’huile en plein air par Carlos van Hasselt qui fut aussi directeur de la fondation, Ger Luijten a poursuivi l’acquisition de ces poétiques esquisses. L’Anversois Simon Denis accompagne et peint Élisabeth Vigée-Lebrun aux Cascatelles de Tivoli que la célèbre artiste représente elle-même. Un inattendu Faubourg de Rochefort-sur-mer (1851) par Corot côtoie une tout aussi surprenante Vue du Quirinal (vers 1856-1858) par Degas dont on connaît l’habituelle aversion pour le plein air, une rare huile sur papier de Jongkind, Le quai d’Orsay à Paris (vers 1850-1852) et encore La plage de Valence (vers 1901) du Catalan Sorolla, poétique étude de ciel et de sable.

Simon Denis (Anvers 1755 – 1813 Naples), Les Cascades de Tivoli, avec Élisabeth Vigée Le Brun dessinant, 1790 © Hélène Guicharnaud

Les lettres d’artistes, chères elles aussi à Frits Lugt, n’ont pas été oubliées par son successeur. Une lettre de Goya voisine avec une d’Ingres à Calamatta ; une missive de Cézanne à Victor Chocquet avec une de Fantin-Latour à Otto Scholder tandis qu’une lettre de Gauguin à Daniel de Monfreid s’orne d’un entête gravé sur bois aux initiales de l’expéditeur.

Des livres anciens précieux tel le Musicae compendium de Descartes figurent également dans ce vaste florilège ainsi que des œuvres d’artistes contemporains comme Charles Donker et son Crabe dans une boîte (1971), Joszef van Ruyssevelt : La boule de verre (1981) ou encore Siemen Dijkstra ; Vasière d’Uithuize en hiver (2017) que s’était plu à nous faire connaître Ger Luijten.

Compte-rendu par Hélène Guicharnaud

Catalogue en ligne (édition sur papier prévue pour l’automne prochain) :

https://www.fondationcustodia.fr/Un-oeil-passionne-Douze-ans-d-acquisitions-de-Ger-Luijten

Fondation Custodia, 121 rue de Lille. M° : Assemblée nationale

Exposition jusqu’au 7 juillet 2024, tous les jours sauf le lundi de 12 à 18h.



Citer ce billet
Brice Leibundgut (2024, 13 mai). Exposition « Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten » à la Fondation Custodia. Société de l’Histoire de l’Art Français (SHAF). Consulté le 13 mai 2024, à l’adresse https://shaf.hypotheses.org/3526

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