► November Ultra, la douceur soul

Nimbée de lumière bleue, November Ultra ouvre son chant de la douceur à l’envol avec un vertigineux nombre d’octaves pour interpréter Partir quand même. La chanson écrite par Françoise Hardy et composée par Jacques Dutronc a captivé le public du Printemps de Bourges, muet, recueilli et impressionné lors du concert Messages personnels, hommage de la jeune chanson française à son inspiratrice, Françoise Hardy, 80 ans.

La caresse et la force de sa tessiture, la justesse de son phrasé, sa diction impeccable et son empathie rayonnante rendent Mélanie Pereira, alias November Ultra, unique. Sa voix aux nuances multiples évoque la souplesse de beaux textiles. Caressante comme de la soie, onctueuse comme du velours, enveloppante comme du coton, elle peut se déployer et claquer au vent comme une toile de jute.

On l’admirera encore en duo avec Zaho de Sagazan, interprétant Tous les garçons et les filles. Sans grands effets, juste leurs timbres mêlés avec intensité dans un duo grave et mélancolique aux accents de triomphe, assises, main dans la main et les yeux dans les yeux, leur sensibilité déchaîne l’ovation. Révélation féminine aux Victoires de la musique 2023, un an avant que Zaho de Sagazan ne remporte le titre à son tour, l’artiste, que ses amis appellent Nova, chantait jusque-là en anglais. Après ce tournant artistique, on espère l’entendre bientôt dans la langue de Molière.

► Sage, la musique partageuse

« C’est toi qui a fait tout ce bruit ? », s’amuse Sage, meneur de jeu et concepteur de Messages personnels après le triomphe de sa camarade. Chanteur, guitariste, pianiste, arrangeur, leader du groupe Astral Bakers, Ambroise Willaume dit Sage orchestre bien plus que ses concerts. Orfèvre recherché de la French pop, il modèle le son des succès de Clara Luciani, Clara Ysé, Woodkid, Albin de la Simone… et fédère les talents de cette nouvelle génération.

« On se connaît tous dans la vie, par des amis ou des collègues communs. On a tous travaillé sur les albums des uns et des autres, explique Sage. Dans l’hommage à Françoise Hardy, il y a un côté grand groupe qui se réunit sur scène. Je voulais que tous soient chanteurs et musiciens pour ouvrir des possibles. C’est pourquoi il me fallait Pauline (P.R2B), qui apprend un instrument tous les six mois », ajoute-t-il en riant.

► P.R2B, le rock intense

Pauline Rambeau de Baralon, alias P.R2B, dégage sur scène un tonus explosif. Compositrice, guitariste, chanteuse, elle secoue, fait danser, taper dans les mains. Ce soir-là, elle mène L’Anamour de Gainsbourg sur un rythme effréné avec riffs de guitare, distorsions sonores, voix vibrante et un jeu de jambes twist évoquant Little Richards. À Bourges, où elle est née, elle est chez elle : « Ma grand-mère est là ce soir ! », lance cette multi-instrumentiste surdouée, diplômée de La Fémis, option réalisation.

Musique et cinéma, P.R2B poursuit ses deux rêves. Un premier album, Rayons gamma, sorti en 2021, la réalisation de courts métrages, la composition de bandes originales, dont la musique du film Les Meutes de Kamal Lazraq, présenté à Cannes en 2023… P.R2B joue aussi du saxo, formant avec Voyou à la trompette un brillant duo de chanteurs musiciens.

► Voyou, la chanson espiègle

Moi vouloir toi, avec cette chanson plus audacieuse qu’il n’y paraît, écrite par Louis Chedid pour Françoise Hardy, Voyou fait des étincelles en donnant la réplique à P.R2B. Allongeant les vocalises, alternant chant et trompette, Thibaud Vanhooland montre une belle décontraction.

Comptant déjà deux albums son actif, Les Bruits de la ville (2019) et Les Royaumes minuscules (2023), le Lillois s’inscrit dans l’héritage d’Alain Souchon, celui de la chanson espiègle et lettrée, intimiste et poétique. C’est lui qui, en conférence de presse, plaisantera et se fera gentiment chahuter.

Puissant dans un solo de trompette joué façon musique western d’Ennio Morricone, mélancolique et sobre à la guitare acoustique en une bossa-nova chaloupée, Même sous la pluie, écrite par Françoise Hardy avec la guitariste brésilienne Tuca, et même silencieux mais attentif, présence amicale lors du tour de chant de ses camarades, Voyou sait se déployer avec aisance dans plusieurs registres.

► Alex Montembault, la voix d’or

En 2022, le rôle de la serveuse Marie-Jeanne dans Starmania, mis en scène par Thomas Jolly, révélait Alex Montembault. Un garçon pas comme les autres, Le monde est stone… Portant avec sensibilité et expertise les morceaux de bravoure signés Michel Berger et Luc Plamondon, le jeune artiste non binaire a conquis la France entière lors de la tournée fleuve de l’opéra-rock. Après deux ans sur la route dans un marathon de dates, Alex Montembault se lance en solo.

Enfant, c’est Véronique Sanson qui le bouleversait le plus, et son timbre renversant l’inscrit bien dans sa filiation. Tout en retenue et en maîtrise, il impressionne dans L’Attente, chanson venue de l’album Message personnel. Aigus vertigineux et redescente dans les graves, chant qui se développe, s’ouvre, palpite… et tant de souffle dans un simple murmure au final ! Une voix d’exception se confirme et s’affirme, affranchie de Starmania, et prête à voler de ses propres ailes.

► Solann, la pop romantique

Benjamine de la chanson française, Solann n’était pas de l’hommage à Françoise Hardy, mais ouvrait la scène le lendemain aux concerts de Clara Ysé, Thomas de Pourquery et Yamê, comme elle l’a fait au Zénith de Paris en mars pour Pierre de Maere et Zaho de Sagazan. Sans avoir encore sorti d’album complet, Solann Lis-Amboyan bouleverse déjà avec une poignée de chansons romantiques, sombres et fortes. « Chanter, pour moi, c’est assez thérapeutique », confie la jeune fille, qui a écrit et enregistré ses premiers titres pendant le confinement avant de les poster sur les réseaux sociaux, où sa génération l’a plébiscitée. Sur scène, sa frêle silhouette enveloppée de bleu, sa longue chevelure, sa robe frôlant le sol, son ukulélé la transforment en Mélusine, mystérieuse et romanesque.

Fragile d’aspect, puissante par son chant, ses rythmes s’ouvrant à l’electro et ses paroles provocantes, Solann manie l’étrangeté avec art. « Je me sens comme un agneau qui dit pardon au loup/D’avoir été trop lent à lui offrir son cou », chante-t-elle dans Rome, proclamation féministe qui clame au refrain que « c’est une chienne qui a élevé Rome ». Petit corps, Monstrueuse, Les Ogres… Avec des titres cinglants, Solann dénonce et épate. Jeune, brillante et en colère, elle porte une belle promesse artistique tout en gardant, aux prémices de son envol, de la distance. « Tous les artistes que je connais sont des gens en colère mais très gentils », sourit la jeune artiste, débutante mais fine mouche.