La stratégie coloniale de Bonaparte | Cairn.info
CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 À l’avènement du Consulat, les nouveaux dirigeants français étaient tous par définition des hommes ayant grandi ou fait leurs premiers pas politiques sous l’Ancien Régime. Ils connaissaient parfaitement l’importance stratégique et économique des colonies. La tâche qui les attendait était colossale à tout point de vue. Pour le sujet qui est le nôtre ici, leurs schémas demeuraient ceux d’une France « mondiale » à l’économie liée aux activités et échanges maritimes. Il n’est donc pas étonnant que le nouveau pouvoir se soit emparé sans attendre des questions coloniales : il en allait de la puissance politique et économique de la France dans le monde. On ne saurait non plus exclure que les hommes d’affaires ayant soutenu la « révolution de Brumaire » aient recherché un rapide « retour sur investissement ». Pour que le gouvernement ait les mains libres aux colonies, l’article 91 de la Constitution de l’an VIII stipulait que leur régime serait « déterminé par des lois spéciales ». L’unité administrative entre la France et ses possessions d’outre-mer, chère au Directoire [1], était rompue. Sur ces bases, le Premier Consul échafaudait un grand projet américain. Au départ, il n’avait pas l’intention de reprendre pied aux Antilles par la force et résista bien aux pressions purement mercantiles du « lobby » [2]colonial, puissant dans son entourage, visant à un prompt rétablissement de l’esclavage. Par la suite cependant, son approche des problèmes se durcit : son magistère ne devait pas être remis en question par quelques généraux noirs et, puisque l’intérêt économique du pays passait par une reprise en main des colonies, il ferma les yeux sur les moyens d’y parvenir, laissant le champ libre, en les appuyant de son autorité, aux héritiers du club de Massiac.

I. Les premières mesures

2 Le 25 décembre 1799, les consuls adressèrent une proclamation aux « citoyens de Saint-Domingue », preuve que c’est le sort de cette île qui les mobilisait et les inquiétait le plus. S’ils y confirmaient l’abolition de l’esclavage, Bonaparte, Cambacérès et Lebrun lançaient aussi une sorte d’avertissement à Toussaint Louverture dont les engagements successifs auprès de « puissances ennemies » n’avaient pas été oubliés :

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« Citoyens, une constitution qui n’a pu se soutenir contre des violations multipliées est remplacée par un nouveau pacte destiné à affermir la liberté. L’article 91 porte que les colonies françaises seront régies par des lois spéciales. Cette disposition dérive de la nature des choses et de la différence des climats. Les habitants des colonies françaises situées en Amérique, en Asie, en Afrique ne peuvent être gouvernés par la même loi. La différence des habitudes, des mœurs, des intérêts, la diversité du sol, des cultures, des productions exigent des modifications diverses […]. Les consuls de la République, en vous annonçant le nouveau pacte social, vous déclarent que les principes sacrés de la liberté et l’égalité des Noirs n’éprouveront jamais parmi vous d’atteinte ni de modification. S’il est dans la colonie de Saint-Domingue des hommes malintentionnés, s’il en est qui conservent des relations avec les puissances ennemies, braves Noirs, souvenez-vous que le peuple français seul reconnaît votre liberté et l’égalité de vos droits » [3].

4 Pour porter cette proclamation à Saint-Domingue, Bonaparte désigna le général Michel, le colonel Vincent (ancien de la colonie, très lié à Louverture) et le mulâtre Raimond (abolitionniste convaincu qui avait déjà rempli des fonctions de commissaire du Directoire de 1796 à 1798). Leur mission consistait à rétablir l’autorité de la métropole, avec l’accord de Toussaint Louverture et en collaboration avec le dernier représentant réel du pouvoir central sur place, Roume de Saint-Laurent. En même temps qu’il dépêchait des commissaires, Bonaparte ordonna l’envoi d’une armée de 4 000 hommes à Saint-Domingue. Une flottille sous les ordres de l’amiral Lacrosse se prépara à appareiller de Brest. Mais le mauvais temps et la présence de la marine anglaise conduisirent à l’annulation de l’opération. On devait donc pour l’heure compter sur le sens politique et la bonne volonté de Toussaint Louverture.

5 Toujours dans le système antillais, la situation de la Guadeloupe fut aussi étudiée. Juste avant le coup d’État, le Directoire y avait dépêché trois agents, Jeannet-Oudin (un neveu de Danton), Baco de La Chapelle et le général Laveaux. Ils étaient arrivés sur place le 12 décembre 1799 et avaient constaté que le pouvoir avait échu à deux « rebelles », les généraux Paris et Pélardy, le général Desfourneaux, en principe seul dirigeant de la colonie ayant été renvoyé en métropole [4]. La situation ne pouvait guère être reprise en main et, après de nombreuses chamailleries, Jeannet et Baco décidèrent de se débarrasser de Laveaux, à leurs yeux trop proches des Noirs et des Mulâtres. Au début de 1801, l’opération allait être menée à bien et la Guadeloupe placée entre les mains d’agents décidés à ramener le calme, c’est-à-dire dans leur esprit à faire rentrer les non-Blancs dans le rang, voire même à rétablir l’esclavage. Informé de cette situation, Bonaparte allait nommer un nouveau capitaine général pour la Guadeloupe : ce fut (encore) Lacrosse, le conseiller d’État Lescallier devenant préfet colonial et Coster, commissaire de police. Lescallier avait déjà séjourné dans l’île en 1792-1793 et y avait pratiqué une politique « très révolutionnariste » qui lui donnait « une réputation d’ami de l’égalité, de la liberté » [5]. Coster avait fait ses preuves comme intendant colonial aux Indes. Après son arrivée dans l’île, plusieurs colons le soupçonnèrent d’avoir fait partie de la société des Amis des Noirs et d’avoir ainsi gardé « ses idées abstraites et métaphysiques qui ont fait tant de malheur » [6]. Quoiqu’il en soit, ces nominations procédaient surtout de la volonté de Bonaparte d’affirmer son autorité sur la colonie, sans trancher entre les solutions datant de l’Ancien Régime ou celles de la Révolution, à l’exception des règles sur l’esclavage dont l’abolition était confirmée. Les instructions de Lacrosse étaient à cet égard très claires : « La culture est la force unique de la prospérité coloniale. Ceux qui s’y livrent doivent jouir de la liberté ; la constitution française la leur assure ».

6 Même si Lacrosse devait, aux termes des instructions, protéger la propriété, certains aspects de la politique consulaire se heurtaient aux intérêts des notables et petits propriétaires de l’île : le rappel des émigrés (annoncé sur l’île le 2 juin 1801) pouvait être une source de conflit avec ceux qui exploitaient leurs terres depuis leur départ ; le commerce de l’île faisait la part trop belle aux Américains et Lacrosse allait mettre en place une politique douanière plus stricte. D’un autre côté, à l’égard des Noirs, des mesures allaient être prises contre les « empoisonneurs » de troupeaux (il s’agissait la plupart du temps d’épizootie dont la société coloniale esclavagiste rendait souvent à tort les Noirs responsables) et les sanctions contre le vagabondage allaient être accrues. On en restait donc au statu quo pour les cultures, l’essentiel pour Lacrosse étant de « rétablir l’ordre » sur l’île [7]. Pour atteindre cet objectif, il tenta de diminuer l’influence des chefs noirs et de réduire le nombre de soldats en baissant sensiblement la solde. L’île ne devait pas succomber à une tentation « louverturienne », car au même moment le général de Saint-Domingue proclamait sa propre constitution.

7 Cette politique ne manqua pas de susciter des « murmures », les nouveaux propriétaires comme les anciens esclaves prenant conscience que la politique consulaire était certes républicaine, en ce qu’il n’était pas question par exemple de rétablir l’esclavage, mais qu’elle s’accompagnait également d’une remise au goût du jour de certaines pratiques de l’Ancien Régime, avec au bout du chemin le retour de l’Exclusif. À l’été 1801 toutefois, et vue de la métropole, l’affaire de la Guadeloupe paraissait être réglée.

II. Le « lobby colonial » à l’œuvre

8 Si la Société des Amis des Noirs et son opposée, la Société de l’hôtel de Massiac, avaient été emportées par la Révolution, les intérêts qu’elles avaient défendus s’agitaient encore. On les avait déjà vus à l’œuvre sous le Directoire, les restaurateurs de l’autorité de la métropole (avec comme corollaire le rétablissement de l’esclavage) se retrouvant plutôt à droite (avec un homme comme Vaublanc) et dans les milieux issus de l’administration coloniale de l’Ancien Régime (Barbé-Marbois) ou de la Marine (Villaret-Joyeuse) [8]. Dans le camp des Amis des Noirs, l’amiral Truguet, ancien ministre du Directoire et un des conseillers maritimes de Bonaparte, militait pour le maintien du système de 1794. Selon lui, les vrais républicains, sans même questionner les bienfaits de l’abolition, devaient se donner pour mission de restaurer le commerce colonial en considérant cette avancée comme. Dans plusieurs notes au Premier Consul, il fustigea ceux qui, dans l’océan Indien, continuaient à se livrer à la traite et à asservir d’autres hommes. Il défendait Toussaint Louverture et, plus tard, allait s’opposer à l’expédition confiée au général Leclerc. Malheureusement pour lui, Truguet était de plus en plus seul dans l’entourage consulaire. Ses deux principaux appuis, Grégoire et Volney, avaient, comme idéologues, pris le chemin de la disgrâce (pour des raisons de politique intérieure déconnectées des affaires d’outre-mer), rejoignant les rangs de plus en plus épais des « Brumairiens mécontents » (Roederer).

9 Le « lobby colonial » avait pratiquement le champ libre, mais se heurtait au pragmatisme du Premier Consul. Dans les jours qui avaient suivi Brumaire, Cambacérès, alors ministre de la Justice, et Forfait, ministre de la Marine et des Colonies, avaient commandé aux bureaux de la place de la Concorde un projet d’assouplissement du décret du 16 pluviôse an II. Il n’était certes pas question de revenir sur l’abolition, mais simplement de permettre d’« importer » dans les colonies des hommes non libres de pays où l’esclavage subsistait, après quoi on leur accorderait, moyennant un dur labeur, un statut progressif pouvant aller, après plusieurs années, jusqu’à la citoyenneté. Le dossier de Saint-Domingue était bien sûr le plus sensible. Les colons pétitionnaient. Deux anciens conventionnels de l’île, le blanc Dufaÿ et le noir Belley, soutenus par l’influent amiral Ganteaume, opinaient pour une intervention armée. Forfait réunissait des groupes de travail qui étaient en réalité des groupes de pression. Sollicités par le Premier Consul, l’ex-conventionnel Serres et l’ex-constituant Monneron proposèrent un rétablissement pur et simple de l’esclavage dans toutes les colonies. Barbé-Marbois, dernier intendant de Saint-Domingue sous l’Ancien Régime, appuyait ses anciens administrés blancs dans toutes leurs prétentions. Cambacérès, très lié aux hommes d’affaires profitant du commerce colonial, en rajoutait. Talleyrand, quant à lui, voulait le retour à une exploitation des colonies copiée sur l’Exclusif. Dans un tel contexte, nous pensons qu’il n’est nul besoin de disserter ici sur le rôle joué par Joséphine dans les affaires coloniales. La légende qui veut qu’elle soit intervenue en faveur d’une reprise en main des colonies ne résiste pas à l’analyse historique, quand bien même elle est encore très ancrée aux Antilles. Certes, elle présenta de nombreux colons à son époux et se préoccupa du sort de sa mère, restée en Martinique. Mais elle n’eut pas besoin de persuader Bonaparte d’adopter des solutions que ses propres analyses lui dictaient. Aucun document – autre que quelques placets pour des individus connus aux Antilles ou quelques phrases des peu sûrs Récits de la captivité de l’empereur Napoléon à Sainte-Hélène du général de Montholon – ne vient corroborer le rôle qu’on lui prête parfois. « L’entourage créole » de Bonaparte ne fut qu’une toile de fond sur laquelle s’inscrivirent les prises de position bien plus décisives d’hommes autrement influents.

10 Ajoutons que le ministère en charge de ces questions, celui de la Marine et des Colonies, était dominé par ceux qui, sous l’Ancien Régime, avaient géré les possessions d’outre-mer. La plupart d’entre eux étaient des partisans convaincus de l’Exclusif et du rétablissement de l’esclavage.

11 Dans un pays au passé maritime aussi riche et aux ambitions « mondiales » aussi marquées que la France de Napoléon Bonaparte, la Marine jouissait de régimes administratif, militaire et juridictionnel dérogatoires au droit commun et disposait d’institutions et de règles propres. Au sommet de son édifice pyramidal – la France napoléonienne ne connaissait pas d’autre mode d’organisation –, directement placé sous le chef de l’État, le ministre de la Marine et des Colonies concentrait dans ses bureaux de nombreuses missions et de larges compétences touchant à de très nombreux sujets. En matière militaire, il était dans son domaine le pendant de ceux de la Guerre et de l’Administration de la guerre pour les armées terrestres. Il avait autorité sur les préfets maritimes et les commissaires des relations extérieures (consuls et vice-consuls) en postes à l’étranger, pour ce qui était relatif à l’administration commerciale. Dans sa mission coloniale, il exerçait la surveillance et la direction des établissements et comptoirs français aux Antilles, en Amérique, en Asie et en Afrique. Il y veillait à l’exécution des lois, la concession des terrains et les progrès de l’agriculture et du commerce. Il surveillait les approvisionnements, levait les contributions. Le régime spécial des territoires d’outre-mer, proclamé par la constitution de l’an VIII, faisait de lui le véritable gestionnaire de ce qui, en raison des revers essuyés dans ces contrées, fut de moins en moins un empire colonial.

12 Les services centraux du ministère étaient installés depuis l’Ancien Régime à l’angle de la place de la Concorde et de la rue du même nom (actuelle rue Royale), dans le superbe immeuble construit par Gabriel, entre 1770 et 1775. L’administration centrale fut définie par un arrêté consulaire de décembre 1800 : elle était organisée, pour la Marine, autour d’un secrétariat général et de cinq divisions. À côté de ces divisions, une direction spécifique aux Colonies, dirigée par un commissaire de marine (successivement Guillemain de Vaivre – chargé des mêmes dossiers sous l’administration royale jusqu’en 1792 – et Poncet) était chargée de suivre les affaires de sa partie. L’ensemble du personnel de l’Administration centrale, des chefs de division aux commis, en passant par les chefs de bureau, les sous-chefs de bureau et personnels divers, était de l’ordre de 160 employés – dont seulement une dizaine d’officiers de marine –, ce qui était peu si on le compare aux moyens humains des administrations actuelles, mais tout à fait dans la ligne de la pratique française du temps.

13 Le ministère de la Marine et des Colonies gérait le deuxième budget de l’État (derrière celui de la Guerre et de l’Administration de la guerre), soit, selon les années, entre 15 et 20 % des dépenses [9].

14 Les locaux de la place de la Concorde connurent trois locataires aux destins ministériels contrastés : Bourdon, Forfait et Decrès [10]. Le premier était un homme de l’administration de la Marine, ancien directeur du bureau des Colonies avant d’accepter le poste d’agent maritime à Anvers où Sieyès vint le chercher, à l’été 1799, pour en faire le ministre de la Marine du Directoire. Après Brumaire, il ne conserva son portefeuille que pendant onze jours (11-22 novembre 1799). Un ingénieur sachant naviguer, Forfait, lui succéda. Il prit avec fermeté la tête d’une administration hostile au nouveau pouvoir. Il engrangea les inimitiés, mais accomplit un excellent travail, réorganisant les constructions navales, créant entre autres le conseil des prises et les préfectures maritimes. Bonaparte ne lui en sut aucun gré et le remplaça, en octobre 1801 [11].

15 Le 1er octobre 1801, Denis Decrès remplaça Forfait. Il resta douze ans et neuf mois à son poste, ce qui le place au troisième rang de la longévité ministérielle sous le Consulat et l’Empire. Né le 18 juin 1761 à Chaumont, fils d’un officier de cavalerie, ce petit noble entra dans la marine comme aspirant-garde, à l’âge de dix-huit ans. Il s’y fit remarquer lors de plusieurs campagnes et combats. Lieutenant (1786) puis capitaine de vaisseau (1793), il profita certes de la pénurie de cadres engendrée par l’émigration massive des officiers de marine, mais montra aussi de belles qualités opérationnelles. Il fut nommé chef de division (mars 1796) et, après avoir participé à la campagne d’Irlande, adjoint à l’inspecteur général des côtes de la Manche. Il fut promu contre-amiral en avril 1798, à son départ pour la campagne d’Égypte. Commandant La Justice à Aboukir, il tint son vaisseau hors du feu, ne secourut pas Brueys lorsque L’Orient fut encerclé et mit la voile vers Malte où il put se mettre à l’abri. On imagine aisément qu’un tel comportement lui créa dans le métier une vilaine réputation, faisant passer au second plan ses exploits passés. Le sort sembla d’ailleurs avoir complètement tourné pour lui lorsqu’en mars 1800, commandant Le Guillaume-Tell, il fut arraisonné (non sans s’être vaillamment défendu) et fait prisonnier par les Anglais. Rapidement libéré, il fut préfet maritime à Lorient, commandant de l’escadre de Rochefort, avant d’être appelé au ministère, preuve que Bonaparte (dont on ne peut pas dire qu’il ne connaissait pas les hommes) lui avait conservé sa confiance. Il gouverna son département d’une main de fer, maniant l’ironie blessante mieux que personne et faisant travailler ses collaborateurs jusqu’à la limite de leurs forces. Napoléon se disait « tendrement attaché » à lui (malgré les lettres dures qu’il adressa à ce ministre comme à tous les autres) : Decrès fut couvert d’honneurs, d’argent et de décorations. Il fut fait comte (juin 1808) puis duc de l’Empire (23 avril 1813), avec 80 000 francs de rente supplémentaires. Grand officier de la Légion d’honneur, il dirigea la 10e cohorte siégeant à Toulouse. Il présida encore le collège électoral de la Haute-Marne puis, comme président à vie, celui de la Seine-Inférieure. La première Restauration ne l’employa pas et il retrouva presque naturellement son portefeuille aux Cent-Jours, en même temps qu’il fut nommé à la chambre des Pairs. Après Waterloo, il vécut dans une confortable retraite qui fut tragiquement interrompue, le 7 décembre 1820 : il mourut des suites d’une mystérieuse tentative d’assassinat d’un de ses valets de chambre, crime jamais élucidé [12]. Comme Forfait, il joua un grand rôle dans les affaires coloniales.

16 Au cœur des questions débattues, Saint-Domingue et Toussaint Louverture occupaient bien sûr une place prépondérante. Indirectement, Cambacérès confirma dans ses Mémoires que les efforts des partisans de la manière forte furent dans un premier temps infructueux :

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« Les observations que je fis à ce sujet, et que le Consul Lebrun appuya, ne parurent point fixer son attention […]. Loin de vouloir perdre Toussaint, Bonaparte aurait souhaité de mettre à profit les talents et l’influence de ce nègre. Il fit tout ce qui était possible pour le maintenir dans le devoir » [13].

18 Le « lobby colonial » remporta pourtant un premier succès dans le traitement des affaires de l’Océan Indien. La situation y était inverse de celle de Saint-Domingue. Là, depuis 1794, les colons refusaient d’appliquer le décret de la Convention et c’étaient eux qui avaient des velléités d’indépendance. Le général Magallon Lamorlière, commandant en chef de l’île de France et de la Réunion, avait clairement mis en garde le Premier Consul : « Les catastrophes des Antilles, l’incertitude et la crainte des destinées futures ont fait ici sur les âmes des impressions ineffaçables et telles qu’il n’y a point d’intermédiaire, et qu’il me paraît hors d’espoir et de possibilité de conserver ou de retenir ces colonies si le décret du 16 pluviôse ou aucun mode de son exécution y sont prononcés » [14]. Poussés également par Forfait, hostile par principe au « parti de la prétendue philanthropie » [15], les consuls admirent que le statu quo était la meilleure solution aux Mascareignes. Le soutien des maîtres blancs pour conserver à la France ce qu’on appelait alors le « boulevard de l’Océan Indien » leur importait plus que les aspects philosophiques de la question de l’esclavage. La corvette L’Aurore apporta la bonne nouvelle dans les îles concernées, en octobre 1800. Elle allait être confirmée à de multiples reprises par tous les envoyés de la métropole, jusqu’à rassurer pleinement les colons. « Vous êtes au-dessus des éloges […] L’aide de camp que j’avais mandé vers vous est revenu avec des paroles ineffaçables dans le cœur des colons » écrivit plus tard avec emphase le général Magallon à Bonaparte [16].

19 Même si le « lobby colonial » connaissait un regain de puissance, les intentions du Premier Consul concernant les colonies n’étaient pas encore complètement fixées dans les premiers mois du régime consulaire. Ce ne fut qu’avec le retour de la paix avec l’Autriche puis avec l’Angleterre que son attention se porta de plus en plus sur cette question.

III. Colonies et « géopolitique »

20 Les questions coloniales s’inscrivaient dans la lutte séculaire entre la France et l’Angleterre pour la domination du continent européen et, au-delà, de l’activité sur les mers [17]. La rupture de l’équilibre européen, imputée par Londres à la France, était contraire à l’essence de la diplomatie anglaise pour qui politique et économie étaient complémentaires, sinon synonymes. Au début de la Révolution, un homme politique anglais n’avait-il pas écrit : « Il ne peut y avoir de doute que la grande cause de la guerre entre la France et l’Angleterre [a] été et [sera] toujours leurs colonies » [18] ? La déclaration de guerre de 1793 s’inscrivait ainsi dans ce que Pierre Gaxotte a appelé la « deuxième guerre de Cent Ans » [19]. Les deux puissances étaient en lutte, avec des accalmies, depuis le règne de Louis XIV : ligue d’Augsbourg (1688-1697), succession d’Espagne (1701-1713), guerre de Sept Ans (1755-1763), révolution américaine (1776-1783). Elles allaient le rester jusqu’en 1815. Pour ce nouvel épisode de l’affrontement, la cour de St James avait immédiatement commencé à mettre en œuvre une politique dont elle ne n’allait pas dévier pendant vingt ans : puisque son armée était trop faible pour agir sur le continent, elle emploierait au premier chef sa marine pour détruire les capacités d’échanges économiques de son ennemi et mettre la main sur ses colonies ; dans le même temps, elle financerait la guerre continentale, lançant dans la bataille sa « cavalerie de Saint George », soit les subsides accordés à ses alliés selon un barème précis, fonction du nombre d’hommes alignés. Les premiers traités de subsides furent d’ailleurs signés dès le premier semestre de 1793. L’offensive en direction des colonies commença sans attendre.

21 À son avènement, Bonaparte savait que l’opinion, d’abord hésitante, le jugerait sur ses résultats intérieurs comme extérieurs. À l’intérieur, l’œuvre fut considérable. À l’extérieur, il tenta d’entrer en conversation avec les puissances qui restaient en guerre contre la France. Ces efforts (dont la sincérité pourrait être discutée) n’aboutirent pas. Il fallut reprendre le combat afin d’aborder d’éventuelles négociations en position de force. Après sa victoire sur l’Autriche (1800) et la signature de la paix de Lunéville (1801), Bonaparte fut le pacificateur que le continent n’attendait pas. Une chaîne de traités de paix mit fin, au printemps 1802, à dix années de conflit.

22 Le 1er octobre 1801, des préliminaires de paix furent signés à Londres. Un congrès se réunit sans tarder à Amiens. Joseph Bonaparte représentait la France, lord Cornwallis l’Angleterre. Le 25 mars 1802, la paix fut signée. Outre la renonciation au titre de « roi de France » que portait le roi d’Angleterre depuis la guerre de Cent Ans, la République et ses alliés obtenaient la restitution de leurs colonies (à l’exception de Trinidad, anciennement espagnole, et de Ceylan, ex-possession batave). Malte, occupée par les Anglais, devait être rendue à l’ordre de Saint-Jean, sous la protection du roi de Naples. De leur côté, les Français renonçaient à toute ambition en Égypte, évacuaient le royaume de Naples et les États romains, reconnaissaient l’indépendance des îles Ioniennes constituées en République des Sept-Îles.

23 Complétant le dispositif de la pacification, la France et les États-Unis avaient signé à Mortefontaine, dès le 30 septembre 1800, un accord qui mettait fin à leur « quasi-guerre » commerciale et maritime. Le 25 juin 1802, la Porte signa son traité [20]. Pour la première fois depuis avril 1792, la France n’était plus en guerre avec personne. Talleyrand n’allait pas mentir lorsqu’il écrirait dans ses Mémoires : « On peut dire sans la moindre exagération que, à l’époque de la paix d’Amiens, la France jouissait, au-dehors, d’une puissance, d’une gloire, d’une influence telles que l’esprit le plus ambitieux ne pouvait rien désirer au-delà pour sa patrie » [21]. Elle pouvait se consacrer à la consolidation de ses positions continentales (Italie, Hollande, Allemagne, Suisse) et à la reconstitution de son empire colonial. Même si la paix d’Amiens n’allait être qu’une trêve, cette reconquête allait se dérouler, au moins dans un premier temps, avec la complicité du gouvernement britannique. Le grand commerce avait besoin de calme, de facteurs de production stables, de routes maritimes sûres. La paix replaçait les différends entre Paris et Londres sur le terrain de la compétition économique et en faisait, au moins pour un temps, des alliés objectifs sur le mode de gestion de leurs possessions outre-mer.

24 L’Ancien Régime avait largement péri par ses finances et la Révolution avait encore aggravé la situation avec le désastre des Assignats et, plus tard, des Mandats territoriaux. Malgré ce dernier avatar, le Directoire avait préparé le terrain en réduisant d’autorité la dette de l’État et en opérant le retour de la monnaie métallique, mais il restait pour Bonaparte à assurer un financement stable de l’État. La plupart des moyens utilisés pour procéder au redémarrage des finances publiques furent obtenus par des actes d’autorité. Il n’y eut donc pas d’« état de grâce » en matière financière. L’intérêt public prima et la « recette » miracle du redressement rapide consista aussi en une habile synthèse entre plusieurs méthodes empruntées à l’histoire financière de l’Ancien Régime comme de la Révolution. La plupart de ceux qui, avec leur accord ou non, furent mis à contribution étaient considérés comme les « profiteurs » du régime précédent : fournisseurs, banquiers, acquéreurs de biens nationaux ou encore bénéficiaires de contrats militaires. Comme beaucoup d’entre eux étaient impopulaires, personne ne pleura sur leur sort. Ainsi, Bonaparte put limiter la hausse de la pression fiscale sur les autres citoyens. En dehors de ces « cibles » faciles, il ne voulut pas jusqu’en 1806 mettre à la charge de la nation le coût de sa politique aussi bien militaire que civile. Or, il s’est très tôt avéré que les impôts existants, de l’ordre de 500 millions de francs par an, ne suffiraient pas à assurer le financement d’une grande nation. Il fallait donc trouver des moyens ailleurs.

25 La « croissance économique » était l’un de ses moyens. La problématique de Bonaparte était finalement la même que celle de Louis XIV, cent quarante ans auparavant : « Augmenter les impôts, surtout directs, est impossible dans les années 1660. […..] C’est en enrichissant le royaume par les profits du commerce qu’on fera de Louis un roi doté des moyens de sa grandeur » [22]. Comme les mesures mercantilistes de Colbert en son temps, la croissance interne fut privilégiée avec des mesures comme l’amélioration des voies de communication ou la création de la Banque de France et du Franc germinal. Simultanément, l’idée d’une croissance externe s’imposa. Et d’abord avec l’Italie voisine : « Il s’agissait d’adapter l’Italie aux conditions économiques qui naîtraient de la pacification, de la plier au rôle prévu pour elle, celui de fournisseur de matière première pour les industriels français et de débouché pour leurs produits » [23]. Comme cette région était vitale pour l’industrie (notamment lyonnaise), Bonaparte déclara sans détour : « Le Piémont est nécessaire à la France ». En 1802, il fut donc annexé et d’importants travaux de percement de routes furent entrepris dans les Alpes (notamment la route du Simplon). « Jeune encore et déjà célèbre par plus de victoires que n’en ont remporté les plus fameux capitaines dans une longue carrière, il songea à un autre genre de gloire quand il se vit à la tête du gouvernement. Il ne considérait alors la paix que comme un moyen de donner au commerce, à la navigation, à l’industrie de la France, le plus grand essor », remarqua Barbé-Marbois, ministre du Trésor public [24].

26 Les contacts diplomatiques avec l’Angleterre laissaient espérer que la France allait recouvrer la pleine possession de ses colonies, si nécessaires à son économie. Avec la paix et la libération des routes maritimes, les Britanniques semblaient disposés à accepter le retour de l’influence française aux Antilles. Dans ces conditions, l’espoir de restaurer l’« eldorado » économique des « îles à sucre » devint presque réalité. « On ne tarda pas à s’apercevoir que le génie de Bonaparte, si vigilant, si propre à concevoir et agir pendant la guerre, ne se résignerait pas pour longtemps au repos de la paix. Bientôt on le vit diriger son activité vers le commerce extérieur, et se porter avec ardeur vers la navigation et les colonies, qui, avant la Révolution, assuraient à la France des avantages que la paix ne lui avait pas fait recouvrer » écrit encore Barbé-Marbois [25].

27 La donne internationale créée par la chaîne des traités de paix permettait d’envisager la création d’un vaste empire aux Antilles, dont la « Louisiane [rétrocédée à la France par le traité franco-espagnol de Saint Ildefonse du 1er octobre 1800] pourrait devenir un centre pour le commerce nord-américain, un client de la mère patrie, un dépôt de marchandises pour les Antilles, et le lieu d’un vaste commerce avec les États-Unis », ainsi que l’avait prophétisé Barbé-Marbois dès 1789 [26].

IV. Le golfe du Mexique : un « lac français »

28 Puisque les Antilles étaient un poumon économique, l’attention du gouvernement se tourna naturellement vers elles, dans le cadre d’un ambitieux projet stratégique. De la frontière du Canada à la Nouvelle Orléans, la France avait en effet la possibilité de contrôler près d’un tiers du continent nord-américain. On se souvient que la Louisiane, occupée par les Français au cours de la première moitié du XVIIIe siècle, avait été cédée à l’Espagne à la fin de la guerre de Sept Ans. Vingt ans plus tard, Madrid avait en outre reçu les Florides de l’Angleterre [27], ce qui lui donnait une position incomparable sur la façade septentrionale du golfe du Mexique. Mais les Espagnols ne s’étaient jamais vraiment occupés de la Louisiane. En la rendant sans regret aux Français, ils avaient alimenté le « rêve » américain de Bonaparte :

29

« Napoléon considéra le système de plantations une fois restauré à partir de son ordre pré-révolutionnaire, comme une puissante arme commerciale capable de conduire les autres possessions américaines françaises et probablement la France elle-même vers une prospérité en vase clos et, par-dessus tout, maîtresse d’elle-même, estime l’historien américain Robert Paquette. La navigation française, dégradée par des années de guerre avec l’Angleterre, se régénérerait, et les possessions de la France dans les Caraïbes n’auraient plus à dépendre des États-Unis pour le bois, le bétail et la nourriture. Certainement, en Louisiane, les marchands français avaient de belles opportunités d’étendre leur commerce clandestin avec le Mexique et les autres territoires espagnols » [28].

30 Avec son ensemble américain s’étendant des Grands Lacs au golfe du Mexique, la France pouvait à la fois ranimer son commerce extérieur par l’exploitation du sucre et du café des Antilles et approvisionner ses îles à partir du continent américain. Elle pouvait en outre espérer pénétrer plus facilement l’espace commercial nord-américain puisqu’elle allait avoir des frontières avec les États-Unis et les colonies espagnoles d’Amérique centrale [29]. De la même façon que les nouvelles routes construites dans les massifs alpins devaient constituer le trait d’union entre les départements français en deçà et au-delà des Alpes pour un commerce en « vase clos » (produits manufacturés français contre les grains italiens), le projet colonial conçu par Bonaparte voulait faire du « Golfe du Mexique un lac français » [30]. Le Premier Consul faisait sienne la tradition initiée par Richelieu et développée depuis Colbert : de la prospérité du grand commerce découlerait la richesse de la métropole.

31 Mais pour y parvenir, il faudrait du temps et des moyens. À l’avènement du Consulat, la situation était loin d’être florissante, comme l’indiqua Barbé-Marbois dans une note du 11 septembre 1801 :

32

« L’état ci-joint vous donnera une idée de nos anciennes richesses et de nos pertes. Ce n’est qu’un aperçu […]. Cet état offre quelque intérêt au moment où nous négocions avec la première puissance maritime et la nation la plus commerçante du Globe. Il indique aussi le rapport qu’il y avait entre la somme de notre commerce colonial et celle du commerce colonial des autres puissances avant la perte de nos colonies. Si on faisait un semblable état de comparaison à l’époque présente, la République française et la République batave [31]n’y entreraient pour plus rien » [32].

33 Bonaparte apprenait ainsi que la France était privée de près de 221 millions de francs de recettes, ce qui représentait environ 4 % du « PIB » de l’époque [33]. Aussi, lorsqu’il envoya son beau-frère, le général Leclerc [34]pour reprendre le contrôle de Saint-Domingue, le Premier Consul fut on ne peut plus clair sur l’objectif premier de sa mission [35] :

34

« Il me tarde d’apprendre que vous avez rendu à la République le plus grand service qu’aient à espérer son commerce, sa navigation, et que nous puissions vous proclamer le restaurateur de notre grande colonie ».

35 L’expédition de Saint-Domingue serait donc capitale pour l’avenir économique du régime consulaire. Le général Leclerc en était lui-même parfaitement conscient :

36

« Je sens, Citoyen Consul, toute l’importance de la mission que vous m’avez confiée ; toutes mes forces physiques et morales seront employées à la faire réussir. Je suis trop heureux que vous ayez fait le choix de moi pour une expédition dont la réussite peut assurer le bonheur d’un quart de la France » [36].

37 Le choix de Leclerc pour cette mission était révélateur de la stratégie coloniale du Premier Consul. Il ne s’agissait pas d’un acte de népotisme : il fallait certes dépêcher à Saint-Domingue un excellent général et un homme de confiance, mais aussi – et même surtout – un véritable administrateur capable de ranimer l’activité commerciale de la « perle des Antilles ». Outre ses réussites militaires en Italie ou en Allemagne, Leclerc avait administré avec talent les villes de Marseille et de Lyon :

38

« Le Premier Consul avait bien choisi, estima Norvins, alors secrétaire de Leclerc. Un général qui n’eût été qu’un preneur de villes n’aurait pas suffi pour mener à bien une telle entreprise ; il fallait de plus un administrateur pour organiser la conquête et un diplomate pour traiter soit avec les possessions espagnoles du golfe du Mexique, soit avec la Jamaïque, soit enfin les États-Unis, en raison, ou des relations de bon voisinage, ou des besoins de toute nature, subsistances, commerce et crédit, que les phases quelconques de notre expédition devaient nécessairement produire » [37].

39 Dans la stratégie coloniale de Bonaparte, Saint-Domingue était donc la pièce maîtresse. Or, pour l’instant, ce n’était pas la République consulaire qui l’administrait, mais Toussaint Louverture qui, même s’il affirmait agir dans l’intérêt du gouvernement, faisait avant tout valoir ses propres ambitions. Plus le temps passait, plus le général noir en prenait à son aise avec les projets de la métropole. Il fallait le convaincre de rentrer dans le rang. De gré ou de force.

Notes

  • [1]
    Le régime renversé était d’ailleurs revenu sur ses illusions dans ses derniers mois d’existence et avait envoyé partout des représentants pour restaurer le pouvoir de la métropole.
  • [2]
    Nous utilisons ici le terme « lobby », qui ne date que de la seconde moitié du XIXe siècle, que par commodité.
  • [3]
    Aux citoyens de Saint-Domingue, 4 nivôse an VIII (25 décembre 1799), Correspondance de Napoléon 1 er publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III (ci-après : Correspondance), n° 4455.
  • [4]
    Il avait été capturé dès le début de son voyage par les Anglais
  • [5]
    Jacques Adélaïde-Merlande, Delgrès ou la Guadeloupe en 1802, Khartala, 2002, p. 51.
  • [6]
    Ibid., pp. 53-54.
  • [7]
    Bases pour les instructions du général Lacrosse, capitaine général de la Guadeloupe, A.N., AF IV 1214.
  • [8]
    Voir Bernard Gainot, « Métropole/colonies. Projets constitutionnels et rapports de force. 1798-1802 », 1802 : Rétablissement de l’esclavage dans les colonies françaises, Maisonneuve et Larose, 2003, p. 13 et suivantes.
  • [9]
    Les dépenses de la marine représentaient 10 % du budget à la fin de l’Ancien Régime (Florin Aftalion, L’économie de la Révolution française, PUF, 1987, p. 47).
  • [10]
    Thierry Lentz, Dictionnaire des ministres de Napoléon, Christian-Jas, 1999.
  • [11]
    Marc Allegret, « Forfait », Revue du Souvenir Napoléonien, n° 338, avril-mai 1993, p. 31-32 ; Le Carpentier, « Éloge historique de M. Forfait », Bulletin de la Société Libre d’Émulation de la Seine-Inférieure, 1808, p. 33-38 ; Paul Levot, Notice biographique sur Forfait, ingénieur, ministre de la Marine, etc., Brest, Leblois, 1845 ; N.-N. Oursel, « Forfait », Nouvelle biographie normande, Paris, Picard, 1886, p. 368-369 ; Victor Silvenot, « Le principal artisan de la marine consulaire et impériale : l’ingénieur naval Alexandre Forfait », Paris Normandie, 7 novembre 1949 ; M. Vitalis, « Notice biographique sur M. Forfait », Précis analytique des travaux de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen, Rouen, 1808, p. 98-102.
  • [12]
    Amiral Dupont, L’amiral Decrès et Napoléon, Tallandier, 1991 ; Pierre Levêque, « L’amiral Decrès, un ministre courtisan ? », Revue du Souvenir napoléonien, n° 417, mars-avril 1998, p. 13-21.
  • [13]
    Mémoires inédits de Cambacérès, Perrin, 1999, t. I, p. 588-590.
  • [14]
    Lettre au Premier Consul, le 27 vendémiaire an 10, A.N., AF IV 1214.
  • [15]
    Expression tirée d’un rapport du ministre de la Marine et des Colonies, cité par Y. Benot, La Démence coloniale sous Napoléon, 1992, p. 33.
  • [16]
    Lettre au Premier Consul, le 30 pluviôse an 10, A.N., AF IV 1214.
  • [17]
    Sur l’ensemble de la politique extérieure française : Thierry Lentz, « De l’expansionnisme révolutionnaire au système napoléonien », Histoire de la diplomatie française, Perrin, 2004, p. 409-505.
  • [18]
    Lettre de John Petrie à Barthélémy Hubert, 12 novembre 1792, dans G. Pallain, La mission de Talleyrand à Londres en 1792, Plon, 1889, p. 469. Voir par exemple, Guy Lemarchand, « La Grande-Bretagne face à la France à la fin du XVIIIe siècle », Annales historiques de la Révolution française, n° 315, 1999, p. 97-126.
  • [19]
    Pierre Gaxotte, Le siècle de Louis XV, Fayard, éd. 1997, p. 191-196.
  • [20]
    Ajoutons encore les traités de paix signés avec la Régence d’Alger (28 décembre 1801), la Régence de Tunis (23 février 1802) ou le Wurtemberg (20 mai 1802). Voir les textes de tous les traités cités dans Michel Kerautret, Les grands traités du Consulat (1799-1804), Nouveau Monde-Fondation Napoléon, 2002.
  • [21]
    Mémoires du prince de Talleyrand, Calmann-Lévy, 1891, t. I, p. 286.
  • [22]
    Olivier Chaline, Le règne de Louis XIV, Paris, Flammarion, 2005, p. 192-193.
  • [23]
    André Fugier, Napoléon et l’Italie, J-B, Janin, 1947, p. 127.
  • [24]
    Barbé-Marbois, Histoire de la Louisiane, Paris, 1829, p. 182.
  • [25]
    Ibid., p. 193.
  • [26]
    Cité par Robert L. Paquette, Revolutionnary Saint Domingue in the Making of Territorial Louisiana, A turbulent time: The French Revolution and the greater caribbean, Indiana University Press, 1997.
  • [27]
    En échange de la cession de ce territoire dont elle n’avait jamais vraiment pris possession, l’Espagne recevait des garanties pour la réorganisation du duché de Parme au profit d’un infant. Le texte du traité figure dans : Michel Kerautret, Les grands traités du Consulat (1799-1804), Nouveau Monde Editions-Fondation Napoléon, p. 159-162.
  • [28]
    Robert L. Paquette, Revolutionnary Saint Domingue in the Making of Territorial Louisiana, A turbulent time: The French Revolution and the greater caribbean, Indiana University Press, 1997, p. 207-208.
  • [29]
    Une mission de Berthier échoua à convaincre Madrid de céder également les Florides espagnoles.
  • [30]
    Dolores Hernandez Guerrero, « La Révolution haïtienne et l’expansion territoriale des États-Unis », 1802 : Rétablissement de l’esclavage dans les colonies françaises, Maisonneuve et Larosse, 2003, p. 453.
  • [31]
    Cette République était alors sous contrôle de la France.
  • [32]
    Lettre de Barbé-Marbois au Premier Consul, le 24 fructidor an 9, A.N., A.F. IV 1213.
  • [33]
    Le Revenu national fut évalué en 1800 à 5,4 milliards de francs (Lesourd et Gérard, Nouvelle Histoire économique, Armand Colin, 1985, p. 15). Toutes choses égales par ailleurs, une part de 4 % du PIB dans la France de 1800 peut se comparer au poids économique de certains secteurs industriels (l’automobile représente 6,7 %, le tourisme 6,5 %) et apparaît comme bien supérieure à d’autres secteurs comme celui de l’aéronautique (1,4 %) de la France de l’an 2000.
  • [34]
    Victor-Emmanuel Leclerc (1772-1802) s’était engagé en 1791. Sa carrière fut accélérée par sa rencontre avec Bonaparte lors de la première campagne d’Italie. Il fut promu général de brigade en mai 1797 et épousa Pauline Bonaparte le mois suivant. Il ne participa pas à la campagne d’Égypte, mais combattit dans l’Ouest puis fut chargé de la réorganisation de l’armée d’Italie. Au retour de Bonaparte, il fut affecté à l’armée d’Allemagne, sous Moreau, puis à celle du Portugal devant soutenir l’Espagne dans sa guerre contre la monarchie des Bragance. Il reçut ensuite le commandement de l’armée de Saint-Domingue. Il mourut sur cette île, de la fièvre jaune, en novembre 1802.
  • [35]
    Lettre au général Leclerc, 28 brumaire an X, 19 novembre 1801, Napoléon Bonaparte, Correspondance générale publiée par la Fondation Napoléon, n° 6648.
  • [36]
    Lettre de Leclerc à Bonaparte, 23 novembre 1801, dans Paul Roussier, Lettres du Général Leclerc, Paris, 1947, pp. 54-55.
  • [37]
    Mémorial de J. De Norvins, Paris, Plon, 1896, t. 2, pp. 322-323.
Français

En 1802, la France n’est, pour la première fois depuis longtemps, plus en guerre avec personne. Le principal affrontement qui demeure se déroule sur le champ économique, face à l’Angleterre. Et pour tenir son rang, il apparait au régime consulaire que la solution la plus simple est de remettre en route l’économie des colonies, qui, pour diverses raisons, a sensiblement ralenti. Cela ouvre une porte au lobby colonial, partisan de la manière forte et du rétablissement de l’esclavage, malgré les premières prises de position de Napoléon qui semblaient pourtant privilégier le maintien des positions de la 1re République.

Pierre Branda
Directeur scientifique de la Fondation Napoléon et rédacteur en chef de Napoleonica® la revue
Thierry Lentz
Directeur général de la Fondation Napoléon
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Mis en ligne sur Cairn.info le 10/05/2024
Pour citer cet article
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