« Chère insaisissable » : les aventures d’une courtisane libérée

Avec cette pièce Sophie Tellier met à l’honneur Liane de Pougy une mondaine et femme libre célèbre au début du siècle dernier à Paris.

Publié le 17 mai 2024 Mis à jour le 17 mai 2024 à 11:09

Née le 2 juillet 1889, Anne-Marie Olympe Chassaigne, enterrée quatre-vingt-une années plus tard sous le nom de Sœur Anne-Marie de la Pénitence, fut entre-temps Princesse Ghika, mais surtout la sulfureuse Liane de Pougy. Un nom un peu oublié, mais qu’elle utilisa longtemps. C’est ce parcours de grande courtisane à la charnière des XIX et XXe siècles que fait revivre Sophie Tellier dans un spectacle dont elle est aussi l’auteure. Jean-Luc Revol est à la mise en scène de cette « Chère insaisissable ».

Pour le père d’Anne Marie, officier de cavalerie, comme pour sa mère, élevée elle aussi dans la rude tradition militaire espagnole, un pensionnat religieux ne pouvait que « bien former » la demoiselle. La suite de l’histoire leur montra une autre réalité. C’en est alors fini des relations familiales, après sept ans passés au couvent de Sainte-Anne-d’Auray, dans le Morbihan.

Mademoiselle Chassaigne, sans abandonner tout à fait ses convictions religieuses – elle sera d’ailleurs à la fin de sa vie « Laïque consacrée » – a mené tambour battant une vie de courtisane, à l’instar de sa rivale La belle Otero, personnage sans doute plus connu aujourd’hui.

Mais dans les années 1910, Liane de Pougy est une très jolie jeune femme qui apprend vite à monnayer ses charmes. Pas en se livrant à une quelconque prostitution, mais en poussant la porte du monde des femmes « entretenues » par la haute et très haute société masculine. Les hommes ont à cette époque tous les pouvoirs. Domestiques, économiques, culturels… Liane, refusa de n’être « qu’un objet sexuel dans une société machiste », précise Jean-Luc Revol.

Chansons et piano

Liane de Pougy, raconte par petites touches la comédienne, s’est servi de son rang, acquis dans les alcôves, pour gagner son indépendance. C’est ainsi qu’elle devint danseuse de cabaret, comédienne, écrivaine, tout en osant, sans complexe, affirmer sa bisexualité. C’est en fait sa liberté que conquit et défendit celle qui épousa à 17 ans l’enseigne de vaisseau Joseph Pourpe, dont elle divorça deux ans plus tard.

Avec au piano les musiciens et comédiens Luc-Emmanuel Betton ou Djahiz Gil, Sophie Tellier a nourri la pièce de courtes chansons empruntées aussi bien à Joséphine Baker, Boris Vian, Barbara, Juliette, etc. Des airs qui ponctuent avec légèreté et humour cette vie hors du commun. Des musiques de Reynaldo Hahn et Erik Satie sont aussi au programme. « Quel est le prix à payer pour conquérir sa liberté », se demande Sophie Tellier. Sans doute Liane de Pougy n’était-elle pas dupe, quand elle disait et écrivait : « Ce n’est pas moi que je vends, c’est du rêve. » D’ailleurs son premier roman était titré « L’insaisissable ».

Amie de Sarah Bernhardt, cette dernière lui aurait donné des cours d’art dramatique lui conseillant cependant de « n’ouvrir la bouche que pour sourire »… Liane de Pougy fréquenta des femmes de lettres comme l’américaine Natalie Clifford Barney. Elle fut l’amie du dramaturge Henri Meilhac, de Charles de Mac-Mahon mais aussi de Jean Cocteau, de Marcel Proust. Ce monde suranné défile en toile de fond dans ce charmant spectacle.

Jusqu’au 30 juin, le Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs Paris 6e. Téléphone : 01 45 44 57 34 ; www.lucernaire.fr.

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