Crise agricole : « le pouvoir ne sait plus trop à qui s’adresser, et le mal-être reste entier »
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Crise agricole : « le pouvoir ne sait plus trop à qui s’adresser, et le mal-être reste entier »

L’association Parlons Climat publie ce mercredi 15 mai 2024 une analyse des tenants et aboutissants de la colère agricole qui s’est exprimée en ce début d’année. Attentes, représentation de la profession, rapport aux transitions environnementales, place dans la société… Lucas Francou Damesin, cofondateur de l’association, décrypte ces résultats. Alors que l’examen du projet de loi d’orientation agricole débute à l’Assemblée nationale.

L’association Parlons Climat analyse les tenants et aboutissants de la colère agricole qui s’est exprimée en ce début d’année.
L’association Parlons Climat analyse les tenants et aboutissants de la colère agricole qui s’est exprimée en ce début d’année. | GUILLAUME SALIGOT / OUEST-FRANCE
  • L’association Parlons Climat analyse les tenants et aboutissants de la colère agricole qui s’est exprimée en ce début d’année.
    L’association Parlons Climat analyse les tenants et aboutissants de la colère agricole qui s’est exprimée en ce début d’année. | GUILLAUME SALIGOT / OUEST-FRANCE

L’association Parlons Climat étudie les rapports de la population sur les enjeux de transition écologique. Son objectif : mieux comprendre les attentes et préoccupations. Elle publie ce mercredi 15 mai 2024 une analyse inédite des tenants et aboutissants de la colère agricole qui s’est exprimée en ce début d’année.

Une analyse faite à partir de sondages auprès d’agriculteurs avant la crise (en juin 2022 et novembre 2023) avec les instituts Ifop et BVA, d’entretiens réalisés après le mouvement en avril 2024, ou encore d’une étude des représentations médiatiques en analysant les Journaux télévisés de 20 h de TF1. Lucas Francou Damesin, cofondateur de l’association, décrypte ces résultats.

Lucas Francou Damesin, cofondateur de l’association Parlons Climat. | LUCAS FRANCOU DAMESIN
Lucas Francou Damesin, cofondateur de l’association Parlons Climat. | LUCAS FRANCOU DAMESIN

Selon votre analyse, quelles sont les principales attentes des agriculteurs français ?

Dans nos deux études réalisées avant les mouvements, la question du contexte économique et des revenus est la principale inquiétude. 53 % des répondants y font référence. Les agriculteurs citent l’augmentation des coûts, les prix de vente insuffisants… Ils évoquent ensuite les normes et les politiques publiques (35 % des répondants), le contexte climatique (25 %), et le manque de considération et de reconnaissance (19 %).

Quel est leur regard sur le changement climatique et les transitions à mener ?

Les trois quarts d’entre eux se disent déjà victimes du changement climatique, et 85 % nous disent que la transition environnementale est une opportunité ou une nécessité. Il y a un soutien à cette transition, contrairement à l’image que peut avoir parfois la société. Mais la manière de la mener est différemment appréciée, beaucoup d’agriculteurs se sentent infantilisés ou méprisés. Ils ont souvent l’impression de ne pas être considérés dans leur rôle d’expert du vivant, que leurs connaissances ne sont pas prises en compte.

Vous pointez également le sentiment de beaucoup d’agriculteurs d’être mal représentés. Qu’en est-il exactement ?

En novembre 2023, 87 % des agriculteurs interrogés nous disaient que leur point de vue était mal représenté dans le débat public. Le monde agricole n’est pas homogène, il y a de grandes différences entre petites et grandes exploitations, selon les régions, entre ceux qui exportent ou non, etc. Et beaucoup d’agriculteurs ont le sentiment que le syndicat majoritaire ne représente qu’une partie d’entre eux, surtout les grandes cultures. Ces réponses concordent avec ce qu’on constate sur le terrain : le taux de participation aux élections des Chambres d’agriculture est faible, ou des collectifs en dehors des syndicats se créent, comme on a pu le voir lors de la dernière crise autour de Jérôme Bayle en Occitanie.

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Comment cela s’est-il traduit lors de la crise agricole en début d’année ?

Le mouvement s’est déroulé en différentes phases. La première est atypique, puisqu’elle se fait plutôt en dehors des syndicats, en Occitanie, avec des revendications qui tournent autour de l’élevage ou du GNR (Gazole non routier). Le gouvernement négocie alors une sortie de crise avec le leader Jérôme Bayle, ce qui est assez inédit dans l’histoire de la représentation agricole. Le mouvement est ensuite repris par les syndicats majoritaires, et on voit apparaître de nouvelles demandes. Comme celle sur le plan Ecophyto et les pesticides, un enjeu important pour seulement 4 % des agriculteurs qui nous avaient répondu en novembre 2023.

Plus largement, les agriculteurs ont-ils le sentiment de trouver leur place dans la société ?

Ils se sentent peu estimés et incompris. Un des agriculteurs interrogés nous a dit qu’il préférait ne plus faire visiter sa ferme, car il estime que le monde agricole et les citoyens ne se comprennent plus. Beaucoup ont le sentiment d’être invisibilisés dans la société. Ils demandent de la reconnaissance, par le revenu et par l’écoute. Et une direction claire et de la stabilité dans les décisions publiques, pour envisager l’avenir. Aujourd’hui, le pouvoir politique ne sait plus trop à qui s’adresser pour répondre à la crise, du fait de la diversité des attentes. Et le mal-être agricole reste entier.

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