Européennes 2024 : Manon Aubry essaie de faire entendre sa voix
Eclipsée par le focus mis par son parti sur Gaza et les polémiques, la tête de liste de LFI aux élections du 9 juin s'emploie à exister sur quelques thèmes qui lui sont chers, comme celui de la justice fiscale.
Par Hadrien Valat
Ici, Manon Aubry propose de « faire la poche des profiteurs », défendant une étude commandée par son groupe au Parlement européen qui estime que la taxation des superprofits à l'échelle des Vingt-Sept rapporterait plus de 100 milliards d'euros par an. Là, la tête de liste Insoumise pour les européennes se rend dans la Somme avec François Ruffin au chevet des ouvriers de l'usine Metex, placée en redressement judiciaire.
Si Manon Aubry « martèle depuis le début » son message sur les questions de fiscalité et de justice sociale, dixit son entourage, elle semble enfin trouver un peu d'espace pour être entendue sur ses sujets de prédilection.
« Sa difficulté est de positionner sa campagne », juge Bernard Sananès, le président d'Elabe. « Le fait que Jean-Luc Mélenchon axe la campagne sur Gaza ne lui laisse pas la place pour se faire un territoire politique », donnant « l'impression d'être sous tutelle ». « Il n'y a pas de concurrence. Ce n'est pas soit Gaza, soit les questions sociales », balaye l'eurodéputé Leïla Chaibi, cinquième sur la liste.
N'en reste pas moins que la tête de liste LFI, spécialiste de la fiscalité, passe le plus clair de ses passages médiatiques à défendre les positions géopolitiques de son parti. Non sans difficulté, comme quand elle affirme sur LCI que « la Russie n'a pas marché sur Kiev »…
« Ne pas laisser le social à Glucksmann »
Jusqu'à maintenant, Manon Aubry a aussi eu du mal à exister au milieu des autres très remuantes têtes d'affiche du parti. Jean-Luc Mélenchon était en voyage quasi présidentiel en Arménie fin avril et est aujourd'hui au Sénégal. Le même a récemment provoqué un tollé en faisant un parallèle entre le président de l'université de Lille et le criminel nazi Adolf Eichmann. François Ruffin, lui, se positionne de plus en plus ouvertement pour la présidentielle de 2027.
La présidente du groupe à l'Assemblée, Mathilde Panot, a été convoquée par la police dans le cadre d'une enquête pour « apologie du terrorisme ». Les députés LFI se sont succédé devant Sciences Po bloqué par des étudiants propalestiniens. Et Rima Hassan, la nouvelle tête de proue de l'antisionisme, en septième position sur la liste de Marion Aubry, capte fortement la lumière.
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La liste des Insoumis est créditée de seulement 6 % des voix aux européennes dans le dernier baromètre d'OpinionWay-Vae Solis pour « Les Echos ». Et la guerre à Gaza n'est citée comme enjeu du vote que par 13 % des sondés, loin derrière le pouvoir d'achat, la sécurité, l'immigration ou la santé. « On sait très bien que ce serait une erreur de laisser le social à Glucksmann », assure Leïla Chaibi.
« Potentiel de progression »
Mais la liste de Manon Aubry pâtit aussi « d'un scrutin toujours très défavorable à LFI », rappelle Bernard Sananès. La difficulté majeure de la liste Insoumise, « c'est la mobilisation de ses électeurs, jeunes et urbains », confirme Bruno Jeanbart, vice-président d'OpinionWay.
Avec un socle électoral solide, une réserve de voix mobilisable et une porosité significative entre les voix des partis de gauche, le sondeur estime cependant que LFI bénéficie plutôt d'« un potentiel de progression ». Selon lui, un score autour de 9 ou 10 % le 9 juin témoignerait d'une campagne réussie. Pas beaucoup plus haut, car « l'électorat de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, ce n'est pas l'électorat LFI », souligne le sondeur.
Hadrien Valat