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Chapitre 5 : Transport et stockage de l’oxygène

Chapitre 5 : Transport et stockage de l’oxygène

Site: Université Alioune DIOP de Bambey
Cours: CHIMI 5121 : Chimie bio inorganique
Livre: Chapitre 5 : Transport et stockage de l’oxygène
Imprimé par: Visiteur anonyme
Date: lundi 3 juin 2024, 13:01

1 Hémoglobine et Myoglobine

L’Oxygène est un thème récurrent à cause de son rôle dans la respiration et sa production dans la photosynthèse. Ces deux cas fournissent des exemples d’une gamme de réactions rédox, de transferts d’électrons, de transferts d’atome, et de processus photochimiques biologiquement importants. Pour assurer un approvisionnement en O2, trois types de protéines sont concernés, ils lient et transportent l’oxygène. Il s’agit de la famille des hémoglobines-myoglobines, les hémocyanines et hémérythrines. Ils sont appelés communément les transporteurs d’oxygène. Chacune de ces protéines utilise un atome métallique, ou une paire d’atomes métalliques dans des protéines qui se sont développées pour être utilisées par un type d’organisme particulier. Dans ces protéines, il y a un équilibre fragile dans lequel la molécule d’O2 se lie à un centre contenant du fer ou du cuivre, sans subir de transfert électronique irréversible, ni de réaction d’oxydo-réduction conduisant au clivage de la liaison O—O et aux réactions d’oxydation concomitantes.

Le transporteur et distributeur d’oxygène le plus connu et le plus répandu est l’hémoglobine (figure 1).

L’hémoglobine est présente dans les globules rouges du sang. Il est utilisé par les vertébrés pour transporter l’oxygène des poumons ou des branchies vers les tissus où l’O2 doit être utilisé dans un processus qui le réduit en CO2.  Les vertébrés stockent l’oxygène dans la myoglobine. Cette molécule a un site coordinant de l’O2 semblable à celui de l’hémoglobine. La myoglobine fournit de l’oxygène aux muscles pour entretenir l’effort. Dans l’hémoglobine (Hb) et la myoglobine (Mb), le site de liaison de l’oxygène est un complexe fer-porphirine qui subit un changement de structure à la suite de la liaison d’O2.

Un second type de transport d’oxygène est l’hémocyanine (figure 2). On le trouve dans les escargots (mollusques) et les crabes (arthropodes).

L’O2 est lié à deux ions Cu+ reliés directement à la protéine. Les interactions entre l’O2 et les sites métalliques transforment les Cu+ en Cu2+ et l’O2 en O22-.

Le troisième type de transporteur d’Oxygène est l’hémérythrine (figure 3).

On le trouve dans certains vers marins. Le site de fixation de l’oxygène de l’hémérythrine est constitué de deux ions ferreux voisins. Ils sont directement liés aux atomes donneurs de la protéine plutôt que sur le macrocycle de l’Hème. L’O2 est lié à un des Fe comme un hydroperoxyde (HO2-). Curieusement, certains organismes qui utilisent l’hémérythrine pour transporter l’oxygène, se servent d’une protéine totalement différente, la myoglobine, pour stocker l’Oxygène.

            O2 se fixe à une porphyrine de fer dans l’hémoglobine et la myoglobine, à une paire d’ions cuivre liés à la protéine dans l’hémocyanine et à l’un des deux atomes de fer liés à la protéine dans l’hémérythrine.

La protéine hélicoïdale de l’hémoglobine (Hb) joue un rôle régulateur intéressant dans le fonctionnement de ce transporteur d’oxygène. Les spires de cette protéine agissent comme des ressorts qui peuvent répondre à la tension générée lorsque l’oxygène se fixe à l’une des porphyrines de fer et que la protéine transmet cette tension aux autres sites. Cette interaction a pour résultat d’augmenter l’affinité pour O2 du deuxième site. Ce phénomène, appelé coopérativité, permet à l’hémoglobine de fixer et de libérer O2 plus facilement.  Nous voyons que la fixation de O2 peut être une combinaison de la complexation sur le site métallique et de l’altération de l’environnement protéinique.

 L’hémoglobine se trouve essentiellement à l’intérieur des globules rouges du sang (13,5 à 17,5 gr/dL chez l’homme et 12,5 à 15,5 gr/dL chez la femme). L’Hb humaine est constituée de 4 chaînes identiques deux à deux : deux chaînes de α de 141 acides aminées chacune et deux chaînes de β acides aminées chacune. Chacune de ces chaînes est associée à un groupement prosthétique : l’héme.

L’O2 se comporte comme un π accepteur puissant dans son interaction avec le Fe2+. Dés lors, il n’est pas surprenant que d’autres ligands π accepteurs soient capables de se lier au fer de l’hémoglobine ou de la myoglobine. Les complexes avec le NO, CO, CN-, RCN, N3- et SCN- ont été étudiés. Ces ligands fortement liants peuvent totalement altérer la fonction de l’hémoglobine, allant jusqu’à causer un résultat fatal.

Les polypeptides jouent un rôle important dans l’hémoglobine. Le complexe de la porphyrine du fer sans les polypeptides est oxydé irréversiblement en Fe3+ par l’O2 formant un μO2- stable qui ne peut pas fonctionner comme un transporteur d’O2.

Cette dimérisation oxydante improductive des porphyrines de fer est potentiellement un défaut fatal pour leur fonction biologique. Toutefois, elle est protégée dans l’hémoglobine ou la myoglobine par les chaînes polypeptidiques qui entourent et protègent le site Heme.

La structure du dioxymyiglobine, la forme libre de l’oxygène dans la myoglobine, est illustrée sur la figure 4.

Il faut remarquer que le site actif de la porphyrine est entrelacé par la chaîne polypeptidique. La poche de protéine dans laquelle l’hème est piégé, est formée par les résidus d’aminoacides ayant des groupements latéraux apolaires qui la rendent hydrophobe. Ces mêmes groupements bloquent l’accès des molécules plus grandes au Fe et ainsi la formation d’une espèce pontée Fe—O2---Fe.

Les groupements hydrophobes empêchent aussi la solvatation des ions produits lors de l’oxydation du complexe du fer. Le résultat étant que le complexe du Fe2+ puisse survivre assez longtemps pour lier et libérer l’O2. Ceci est une illustration typique du contrôle délicat de l’environnement de la réaction que la protéine peut exercer.

Le déoxy Mb est un complexe pentacoordiné du Fe2+ High spin avec 4 des positions de coordination occupés par les N de la porphyrine et la 5éme position est occupée par un N de l’imidazole du résidu histidine qui couple l’heme à la protéine (figure 5).

Cette pentatcoordination de l’heme du complexe du Fe2+ est toujours High spin t2g4eg2. L’ion ferreux high spin est plus grand que la cavité de la porphyrine et ainsi se met à 0,4Å au dessus du plan de la porphyrine (4).

 

Dans les complexes porphyrines du fer(II) High spin, tels que l’hémoglobine et la myoglobine, le macrocycle de la porphyrine est plissé et tordu, alors que l’ion Fe(II) low spin qui est plus petit peut s’insérer confortablement dans le cycle.

Quand le O2 complète la sixième coordination, le complexe devient low spin (t2g6) et l’ion Fe2+ se contracte un peu et descend dans le trou du plan. Ce changement structurel a été clairement mis en évidence par la diffraction des rayons X.

 

            Les protéines hélicoïdales associées à l’hémoglobine et la myoglobine facilitent la fixation coopérative de O2 et empêchent la formation de dimères oxo non fonctionnels.

2 Modélisation du cobalt comme liant le O2

Beaucoup de recherche ont été menés sur les interactions entre l’O2 et des complexes métalliques afin de comprendre la fonction des transporteurs d’O2. Les résultats des investigations ont permis de mettre en évidence des fonctions biologiques mais aussi de comprendre la fonction oxydante de l’O2.

Parmi les éléments du bloc d, le cobalt est le meilleur modèle. Comme les complexes du fer2+, les complexes du Co2+ réagissent avec l’O2 par transfert d’électron.

[LCo]2+  +   O2   -------------->       [LCo3+O2-

Le produit est formellement un complexe de Co(III) avec l’ion superoxyde O2-. Il réagit très facilement avec un deuxième complexe de Co(II) pour donner le complexe ponté de l’ion peroxyde O22-.

[LCo3+O2-] + [LCo]2+   ----------->   [LCo3+O22-CoL3+]

La structure de [(NH3)5Co O2  Co(NH3)5] (figure 6) a été déterminé, la longueur de liaison OO est de 1,47Å , ce qui est proche de la distance OO dans le peroxyde qui est de 1,49Å.

Le complexe du Co2+ avec un ligand comme le salen, une base de Schiff chélatante et une base comme la pyridine, réagissent avec O2 de façon rapide et réversible ce qui fait penser aux réactions de Mg et Hg.

[Co(salen)py] + O2 <======>  [CoO2(salen)py]

Salen ou 2{[2-(2-hydroxybenzylidène amine)éthylimine méthyl)]}

L’étude aux rayons X du complexe révèle une distance OO de 1,26Å qui est entre O2 (1,21Å) et O2- (1,34Å).

            Le Cobalt n’est pas un transporteur d’oxygène dans la nature mais ses complexes sont souvent utilisés dans la modélisation du transport de l’oxygène.

3 Modélisation du transport de l’O2 par des complexes du fer

Les premières tentatives de synthèse de modèle d’ion porphyrine transportant l’O2 ont été contrariées par la formation d’oxyde de dimère de porphyrine avec un pont μ-O. Cette difficulté a amené à préparer des porphyrines substituées qui empêchent la dimèrisation avec la formation d’un pont μ-O et donc peuvent avoir une coordination réversible de l’O2.

Trois approches ont été réalisées avec succès :

1)      L’introduction de groupements volumineux sur le cycle de la porphyrine ce qui empêche le rapprochement nécessaire pour la formation de dimère oxo pontant (comme dans le système biologique lui-même) ;

2)      L’utilisation de basse température pour ralentir la réaction de dimérisation ;

3)      Le blocage de complexe de la porphyrine à la surface en utilisant du gel de silicium.

Le premier cas est similaire à ce qui se passe dans l’organisme avec l’Hg et la Mg.

Les gènes stériques empêchent la formation des dimères et sont ainsi appelés les piquets de défense des porphyrines. Ces piquets sont un ensemble de substituants de blocage qui s’élèvent d’un côté du cycle plan. La coordination de macroligands comme le n-alkylimadazole ne peut se faire uniquement que sur le côté libre. Un imidazole (Im) est σ-donneur qui favorise la coordination d’un π accepteur liés en trans. Cela donne au complexe une affinité à O2 similaire à celle de Mg et les substituants de blocage créent une poche pour O2 et empêchent la formation du [Fe(porph)(Im)2]. Les piquets empêchent aussi la réaction avec un autre Fer pour donner des composés inactifs μ-O2.

Un modèle de complexe avec des groupements bloquant est illustré sur la fig 8. Il se lie à O2 pour donner une structure similaire au composé 5.  L’angle Fe---O----O est de 136 degré et la distance O---O est de 1,25Å. Ce modèle donne des indications sur les structures des complexes de l’oxygène avec l’hémoglobine et la myoglobine. Le fait que le complexe soit diamagnétique (low spin) peut être considéré comme la preuve de fer d6 low-spin avec O2 singulet, ce qui signifierait que l’oxydation du fer et la réduction de O2 sont moins importantes que chez les complexes de Co. Il faut cependant être prudent avec cette interprétation, parce que d’autres faits expérimentaux vont dans une autre direction.

La fréquence d’élongation O—O est de 1107 cm-1, ce qui est plus proche de la valeur de O2- (1145cm-1) que celle de O2 (1150 cm-1). Cette différence suggère la formulation O2-, qui est un ion de spin ½, combiné à Fe3+ à spin faible, qui est aussi un ion de spin ½. Le caractère de spin faible observé pour le complexe ressemblerait aux composés modèles de cobalt. Ces indications conflictuelles montrent une fois de plus que le modèle qui consiste à attribuer des charges précises à l’ion métallique central et aux ligands est une simplification abusive.

Les modèles de transporteurs de O2 contenant du fer comprennent les porphyrines à piquets, où l’encombrement stérique empêche la formation des dimères oxo.

4 Coopérativité

La fonction de l’hémoglobine consiste à fixer O2 aux pressions partielles élevées du tissu  pulmonaire, à le transporter sans perte par le sang et à le libérer au profit de la myoglobine des tissus cellulaires. Ceci requiert que le Mb ait une plus grande affinité à l’O2 que Hg aux faibles pressions partielles.  C’est le cas, voir figure 7.

Figure 7 Les courbes de saturation d’Oxygène de Mb et Hg montrant la fraction de saturation α en fonction de la pression partielle d’oxygène à pH = 7,2.                                                                      

La forme de la courbe de Mb dans la figure peut être représentée par un équilibre simple :

Mb  + O2 ----------> MbO2

                        [MbO2]

            K =   ---------------

                        [Mb]p

p est la pression partielle de O2.                               

                                                                                     [MbO2]

La fraction de saturation d’oxygène α est : α = ---------------------------

                                                                                  [Mb] + [MbO2]

Il vient α = kp/1+Kp

La courbe du Mb est une illustration parfaite de cette équation mais la courbe de Hg ne l’est pas. La courbe du Hg est décrite par une fonction plus complexe où la dépendance de α sur la pression partielle de l’oxygène est remplacé par pn avec n compris entre 2 ou 3.

Le pH est aussi un facteur important  dans la formation de la liaison entre l’oxygène et l’Hg bien qu’il n’y a pas de groupements acides sur l’heme. Il est observé que l’Hg relâche plus facilement l’O2 quand le pH est faible. Il vient dés lors que l’O2 est libéré plus aisément dans les cellules ou le métabolisme est actif résultant d’une concentration élevé de CO2 avec des pH plus faibles. Un autre détail à considérer, les phosphates organiques de la protéine de l’Hg bien qu’éloignés de l’hème, affecte la liaison de l’hème avec l’oxygène.

La différence structurale entre l’Mb et l’Hg provient de ce que Hb est essentiellement un tétramère de Mb contenant quatre groupements hème (fig I.9), alors que Mb n’en contient qu’un. Cette différence est crucial parce qu’elle permet aux quatre unités hèmes de Hb de lier l’O2 de façon coopérative : une fois qu’un O2 est fixé à Hb, l’affinité pour d’autres est augmentée.

Lorsque Fe(II) High spin, qui se trouve à 0,4Å au-dessus du plan de la porphyrine, coordine O2, il devient low spin et se déplace jusqu’au plan en entrainant avec lui le résidu histidine de la protéine. Il en résulte que la forme de la protéine change et que les caractéristiques de fixation des autres sites sont modifiées. On attribue la dépendance par rapport au pH et au phosphate à des influences conformationnelles provenant de points modérément distants de l’atome métallique. Ce dernier changement souligne une fois de plus la sensibilité des structures à des influences sur des sites éloignés.

            Le phénomène de la coopérativité promeut le transfert de l’O2 de la protéine de prélèvement, l’hémoglobine (Hg,) à la protéine de stockage, la myoglobine (Mg).