Russie : Stalingrad, 80 ans après, le récit d’une guerre urbaine

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Il y a 80 ans se déroulait la bataille de Stalingrad, l’un des tournants de la Seconde Guerre mondiale. Cet évènement historique qui fit plus de 2 millions de morts a décidé de l’avenir du régime nazi, et a surement permis à la Russie d’inventer des techniques de guérilla urbaines qui permettent aujourd’hui son avancée en Ukraine.

Stalingrad, une bataille qui a changé le cours de l’histoire

80 ans plus tard, Stalingrad a encore des choses à nous dire. On ne parle évidemment pas de la colline du crack ni de cette charmante station de métro du 18ème arrondissement de Paris, mais de cette fameuse bataille qui s’est déroulée il y a 80 ans à l’été 1942 et qui s’est poursuivie jusqu’à l’hiver. Cette bataille est essentielle parce qu’elle fut le véritable tournant de la Seconde Guerre mondiale. Avant elle, les Allemands étaient entrés en Union Soviétique comme dans du beurre. Juste avant la bataille, la rapidité de l’offensive ne laissait guère de doute sur une victoire totale de l’Allemagne nazie sur la Russie. Stalingrad a donc scellé le sort du monde.

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On se demande alors pourquoi cette ville de moyenne importance a eu paradoxalement autant d’importance. D’abord parce qu’elle ouvrait pour l’armée allemande les portes pour les champs de pétrole du Caucase. Ensuite une partie de l’équipement militaire soviétique y était conçu. Enfin, à cause de son nom. Hitler la voulait pour cela afin de mettre symboliquement Staline à terre, avant peut-être de le capturer et de le ramener dans son Berlin réinventé comme la Rome de César. Elle n’était cependant qu’un petit point dans l’immense bataille qui se déroulait depuis les faubourgs de Léningrad jusqu’aux plaines du Caucase. La ville résistera en partie grâce à La Volga et aux ravitaillements que permit le fleuve. A partir du 17 juillet 1942, elle vit s’affronter la 6ème armée allemande dirigée par le maréchale Von Paulus avec la 62ème armée soviétique dirigée par le général Tchouikov. Sur le papier, l’issue ne faisait guère de doute. Comme à leur habitude, les Allemands attaquèrent avec l’aviation, la Luftwaffe, puis ce furent les blindés puis l’infanterie. Le tout devait être plié en une semaine ou deux. A l’inverse, la bataille s’acheva par la capitulation de l’armée de Friedrich Von Paulus encerclé le 2 février 1943. Elle fit au total près de 2 millions de morts.

 

Une stratégie urbaine que les Russes utilisent aussi dans le Donbass

Les Allemands ont donc perdu pour plusieurs raisons. D’abord parce que les Russes ont su casser leur dynamique de conquête en les attirant dans un combat urbain atroce auquel ils n’étaient pas habitués. Stalingrad, c’était la première fois qu’une ville devenait le champ de bataille. Les villes champs de bataille, c’est malheureusement devenu presque la norme en 2022. Mais le principal tournant et enseignement, ce fut le moment où Staline qui jusqu’ici déplaçait ses armées comme des pions sur un échiquier et menait la vie dure à ses généraux, comprit qu’il fallait lâcher la bride. Symétriquement, Hitler lui se mit à intervenir pour influencer la stratégie. Ainsi, il limogea son chef d’État-major, Hadler car celui-ci pensait que la priorité était de prendre Moscou. Rétrospectivement c’était absolument logique. S’il Hitler avait décidé de prendre Moscou, cela aurait été le début de la fin pour Staline. Il serait allé plus loin que Napoléon et les Allemands pourraient voir les clochers du Kremlin à la jumelle.

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Pourtant, Hitler ordonna de prendre Stalingrad coûte que coûte, et Staline laissa Tchouikov faire. Pendant toute la bataille, il fut le général le plus libre d’Union Soviétique. Il inventa l’infiltration par petits commandos, le corps à corps dans les maisons, l’usage de la fumée des bombardements pour se déplacer en plein jour, la résistance dans les friches industrielles et la guerre psychologique par voie de snipers. On se souvient tous du fameux « Stalingrad » de Jean-Jacques Annaud. S’il est un autre enseignement qu’on peut tirer aujourd’hui de la bataille de Stalingrad, c’est que les Russes savent apprendre de leurs erreurs. On peut le voir sur le terrain en Ukraine, en particulier dans le Donbass. Après un départ totalement raté, ils se sont mis à une guerre méthodiquement mais rudement efficace faite de corps à corps dans des zones industrielles et urbaines. Churchill disait que les Américains finissent toujours par bien faire les choses après avoir essayé tout le reste. Au regard de l’histoire de cette bataille décisive qui fut le tournant de la Seconde Guerre mondiale, il pourrait dire la même chose des Russes. A Stalingrad, on est passé tout près d’une victoire allemande qui, sans doute, aurait changé la face du monde.

Régis Le Sommier

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