Le journaliste de "Libé" en Italie sur la liste de Renzi aux européennes : "Mes chances d'être élu ? Assez faibles"

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Le journaliste Éric Jozsef se présente aux élections européennes, dans une coalition libérale où figure entre autres Italia Viva, la formation de Matteo Renzi, qui a dirigé l’Italie de 2014 à 2016.
Le journaliste Éric Jozsef se présente aux élections européennes, dans une coalition libérale où figure entre autres Italia Viva, la formation de Matteo Renzi, qui a dirigé l’Italie de 2014 à 2016.
AFP / Eliano Imperato

Le journaliste de "Libé" en Italie sur la liste de Renzi aux européennes : "Mes chances d'être élu ? Assez faibles"

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Correspondant à Rome pour le journal « Libération » depuis les années 1990, le journaliste Éric Jozsef se présente aux élections européennes, dans une coalition libérale qui défend l’idée d’une Europe fédérale, avec la conviction que « les États-nations ne sont pas adaptés aux enjeux modernes ».

« J’ai abandonné le plus beau métier du monde. » C’est ainsi qu’Éric Jozsef présente son changement de cap. Correspondant à Rome pour le journal Libération depuis les années 1990, le journaliste se présente aux élections européennes, dans une coalition libérale menée par l’ancienne ministre des Affaires étrangères italiennes, Emma Bonino, et où figure entre autres Italia Viva, la formation de Matteo Renzi, qui a dirigé l’Italie de 2014 à 2016.

Cette liste apparaît comme un bonheur pour les européistes les plus béats : elle défend l’idée d’une Europe fédérale, avec la conviction que « les États-nations ne sont pas adaptés aux enjeux modernes », d’après Éric Jozsef. Il faut dire qu'elle s'appelle… « Les États-Unis d'Europe ». Quatrième de la région Centre du pays, le désormais ex-journaliste de Libération, naturalisé italien mais qui se présente en tant que Français, voit son engagement comme une « urgence civique » face à la montée de l’extrême droite partout en Europe.

Marianne : Votre récent engagement politique ne remet-il pas en question la qualité déontologique de votre travail journalistique ?

Je ne crois pas. L'objectivité journalistique n'existe pas, au contraire de l'honnêteté. Libération a des orientations, au même titre que Marianne. La base pour être crédible est de raconter des faits, ce que j'ai toujours essayé de faire.

Quel est le sens de votre candidature ?

Notre liste étant actuellement créditée de 5 % d'intentions de votes dans les sondages, mes chances d’être personnellement élu sont assez faibles. Mais je n’ai pas choisi de partir à la bataille en ayant un poste assuré à l’arrivée. Je souhaite participer à l’émergence du narratif des États-Unis d’Europe et d'une république fédérale. Les États-nations européens ne sont plus adaptés aux enjeux modernes. Ils ont fonctionné au XXe siècle, mais sont désormais trop petits pour affronter individuellement les défis d’un monde globalisé.

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Il faut une puissance publique européenne pour défendre les intérêts de ses citoyens. Aucun État européen ne pèse plus de 1 % de la population mondiale. C’est uniquement ensemble que l’on peut défendre le modèle européen et retrouver de la souveraineté. Les États-Unis d’Europe sont la condition de la politique.

N'est-ce pas paradoxal d’en appeler au fédéralisme pour retrouver notre souveraineté. Un tel projet ne priverait-il pas la nation de tout pouvoir ?

C’est une illusion de penser que les États-nation européens ont encore une souveraineté. La présence de Matteo Renzi sur notre liste est très signifiante. Il sait mieux que personne que les moyens d’action d’un Etat européen sont extrêmement limités. Ils n’ont plus de capacité politique sur les grandes questions économiques, environnementales, de politique étrangère.

« Les 27 pays européens ont un budget militaire trois fois supérieur au russe. Nous sommes des nains militaires et politiques car nous ne sommes pas unis. »

En France, François Hollande a par exemple expliqué pendant la campagne présidentielle de 2012 que son ennemi était la finance. Une fois au pouvoir, il s’est heurté au fait que, si la France prend seule des mesures contre la finance internationale, les capitaux s’en vont.

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C’est donc au niveau européen que l’on peut la réguler. Sinon, on alimente les inégalités sociales. Comment une nation pourrait-elle, toute seule, réguler le capitalisme mondial ? Sur les questions de défense, les militaires le disent : l’armée française aurait tenu seulement quelques semaines face aux Russes. Or, les 27 pays européens ont un budget militaire trois fois supérieur au russe. Nous sommes des nains militaires et politiques car nous ne sommes pas unis.

Concrètement, quelle pourrait être la première mesure à prendre pour donner vie à ce projet d’États-Unis d’Europe ?

Abolir le droit de veto au Conseil européen. Il faut pouvoir décider à la majorité. Un pays comme la Hongrie, qui représente 10 millions d’habitants et 1 % du PIB européen, ne peut pas continuer à imposer ses vues de la sorte.

Votre projet vous semble-t-il électoralement prometteur, au vu du contexte politique en Europe ?

Si l’extrême droite est au plus haut dans les sondages, c’est précisément parce que l’État-nation est à bout de souffle. Et face à ce constat, son narratif consiste à rassurer, en proposant aux citoyens déboussolés le retour à un passé idéalisé qui ne reviendra pas. Et ce, alors même que nous savons pertinemment que les représentants de l'extrême droite souhaitaient auparavant quitter l’UE, avant qu'ils ne constatent grâce au Brexit que cela ne fonctionne guère.

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Nous souhaitons opposer à ces forces notre narratif des États-Unis d’Europe. C’est une urgence civique. Quand on voit qu’en France, l’extrême droite est à 40 % dans les sondages. En Italie, Giorgia Meloni est déjà au pouvoir.

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Elle avance doucement mais quotidiennement son agenda. Ils essaient de placer des proches dans toutes les administrations, et la télévision publique est devenue « télé Meloni ». Ce gouvernement veut réécrire l’histoire, il minimise les responsabilités historiques des fascistes, ils attaquent le droit à l’avortement… Face à eux, Emma Bonino, ancienne ministre des Affaires étrangères, figure morale et politique notamment à l’origine de la bataille du droit à l’avortement et du divorce, est la bonne tête de liste. Elle est une grande activiste des droits civiques et une grande européenne.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne