«Mont-Rouge» : le crime était presque parfait | Le Devoir

«Mont-Rouge»: le crime était presque parfait

Pierre Marc Drouin auteur de la série policière Mont-Rouge.
Photo: Marie-France Coallier Pierre Marc Drouin auteur de la série policière Mont-Rouge.

« La culture du silence peut gangrener une communauté entière », prévient Pierre-Marc Drouin, le scénariste de In Memoriam et de la nouveauté attendue cet automne à TVA, Les armes, à propos de Mont-Rouge. La nouvelle série policière qu’il signe pour Radio-Canada, par ailleurs réalisée par Jim Donovan, a été pensée à la manière d’un whodunit à la Broadchurch. « On a une galerie de personnages dans un milieu clos et on se demande qui a commis le crime », souligne-t-il.

Écrire une série de ce genre lui a notamment permis d’aborder en même temps des thèmes sociaux qui lui sont chers, comme les différences entre les classes et la culture du silence. « Mont-Rouge porte sur la propension que l’on a à se dire : “OK, je suis témoin de quelque chose de répréhensible, mais je préfère regarder ailleurs plutôt que d’intervenir ou de dénoncer.” »

Bienvenue au Nouveau-Brunswick, dans un village paisible qui célèbre la fin de la saison touristique. En pleines festivités, un homme, lui aussi a priori sans histoire, est sauvagement assassiné près du Manoir Murray, véritable moteur de l’économie locale, où il vient justement d’investir une somme d’argent astronomique.

La victime, Tim Coffman, est donc un riche homme d’affaires incarné par Frank Schorpion (Monica la mitraille), visiblement aimé de tous, à en croire l’onde de choc qui s’abat sur Mont-Rouge à l’annonce de son décès. Qui pouvait à ce point lui en vouloir pour commettre l’irréparable et aller jusqu’à maquiller le crime en accident ? La policière locale Manon Daigle, interprétée par Karène Chiasson, se voit confier l’affaire aux côtés de l’inspecteur aux homicides dépêché sur place depuis Moncton, Luc Doiron, à qui Normand Daneau prête ses traits.

« Au début, ça a l’air du meurtre d’un homme riche, mais c’est bien plus que ça », prévient Pierre-Marc Drouin. Plus on avance dans la série, plus les téléspectateurs se rendent compte que tout le monde a regardé ailleurs pour pouvoir maintenir un certain ordre en place. « Personne ne dénonce personne pour que les magouilles financières, les querelles ignobles ou les inégalités puissent continuer », indique le scénariste. Et de poursuivre : « Plus on avance dans la série, plus on se rend compte que la victime était quelqu’un qui aurait pu être tué par beaucoup de gens différents… »

Photo: Marie-France Coallier Pierre-Marc Drouin est aussi le scénariste de la série In Memoriam.

De fait, Tim Coffman était très influent et avait beaucoup de pouvoir au sein de la communauté de Mont-Rouge. Agnès Murray, la propriétaire, jouée par Monique Spaziani, était, par exemple, son ex-conjointe, tandis qu’André Roy, le maire Armand Saulnier à l’écran, était son discret partenaire d’affaires. « Tellement de choses reposaient sur Tim Coffman que beaucoup de gens ont préféré taire les choses, confie Pierre-Marc Drouin. Si n’importe qui ayant été témoin de n’importe quoi de mal avait eu le guts de le dénoncer, ça aurait prévenu d’autres malheurs. » Le scénariste ne mâche pas ses mots pour décrire le personnage, qui sort tout droit de son imagination. « Il est toxique, mais il est présenté comme un héros dans le village », dit-il.

Évidemment, l’enquête est mise à mal puisque personne ne veut parler. « Mais quand ça sort, ça explose. C’est comme une marmite en ébullition qui prend de l’ampleur au fil de la série. » Au bénéfice du suspense. Selon le scénariste, l’aspect cosmétique de la saison touristique vient également renforcer la notion d’illusion dans Mont-Rouge. « On maintient la culture du silence pour les apparences. On veut montrer que tout va bien, alors que non », souligne-t-il. La fin de la saison touristique, au moment où débute la série, permet ainsi au village d’enlever son masque.

Pour s’inspirer et s’imprégner de l’atmosphère des Maritimes, Pierre-Marc Drouin n’a pas hésité à se rendre sur place, à Moncton et à Shédiac, pour des repérages de tournage. « Ça m’a beaucoup aidé pour l’écriture », dit-il. Lui qui s’intéresse beaucoup à la culture acadienne, entre autres parce qu’il est déjà allé au Nouveau-Brunswick pour Le siège — il en est à son quatrième projet hors Québec —, voit d’un bon oeil cette coopération entre les provinces canadiennes. « Je trouve qu’au Québec, on tient un peu la culture acadienne pour acquis », fait-il remarquer. Pour y remédier, la production de la série a fait appel à une distribution en grande partie de la région — Tanya Brideau, Florence Brunet, Gabriel-Vincent Deslauriers, Josiane Benoit, Carlo Weka, Matthieu Girard, Mélanie Léger, Annik Landry, pour ne citer qu’eux. « Si je peux collaborer avec eux et les aider à s’exprimer, c’est très beau, car c’est une occasion pour la francophonie de s’exprimer artistiquement », se réjouit-il.

Quoi qu’il en soit, Mont-Rouge serait un lent glissement vers quelque chose de sombre, de troublant, de sale, estime le scénariste. À bas les apparences, à bas le silence, donc. « Au début, on ne se doute pas à quel point on peut descendre », met en garde Pierre-Marc Drouin.

Mont-Rouge

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