Elles travaillent le plus souvent dans l’économie informelle et n’ont pour la plupart pas de compte bancaire. Autant dire qu’à Dakar, au Sénégal, les jeunes femmes ont peu de chance d’obtenir un crédit auprès des banques traditionnelles pour monter leur entreprise. Ne reste alors que les usuriers et leur taux exorbitants. Pour permettre aux jeunes femmes de devenir entrepreneuses, le créateur du microcrédit Muhammad Yunus vient de conclure un nouveau partenariat avec le Crédit agricole à travers la fondation Grameen Crédit agricole.

Le programme est déployé auprès de 2 500 jeunes femmes de deux quartiers populaires de Dakar pour accélérer le lancement de 250 entreprises. « Elles reçoivent toutes un accompagnement financier, avec une formation au départ et un soutien tout au long pour affiner leur démarche. À terme 250 projets seront sélectionnés », explique Véronique Faujour, déléguée générale de la Fondation Grameen Crédit agricole.

Seules 15 % ont accès au crédit

Les prêts peuvent aller jusqu’à 5 000€ pour chacune des « start-up » accompagnées. Si les crédits alloués ne sont pas à taux zéro, « le taux sera supportable pour l’emprunteur, nous sommes en train de le calculer », précise-t-elle. La fondation ne fait ainsi ni bénéfices, ni pertes, « l’argent est réinjecté dans d’autres projets en économie circulaire ». Le dispositif, d’une enveloppe de 500 000 €, devrait durer trois ans. Agriculture, textile, digital, artisanat… les domaines sont très variés.

Si Dakar a été choisi pour le dispositif, c’est parce que « le taux de chômage des femmes âgées de 18 à 24 ans est de 40 % contre 13 % pour les hommes du même âge, explique Véronique Faujour. En Afrique subsaharienne, 74 % des femmes travaillent dans l’économie informelle, la plupart n’ont pas de compte bancaire. Seules 15 % des entrepreneuses peuvent prétendre à un crédit dans les banques traditionnelles ».

« L’entrepreneuriat peut changer le monde »

Il est pourtant possible de prêter aux pauvres et d’être remboursé. Muhammad Yunus le démontre depuis 1976 à travers la Grameen Bank. L’économiste qui a créé le premier organisme de microcrédit a permis à des millions de personnes de sortir de la misère au Bangladesh. Le prix Nobel de la paix en 2006 multiplie aussi depuis 2008 les partenariats avec des groupes mondialisés pour financer des projets d’entrepreneuriat social.

Convaincu que « tous les êtres humains sont entrepreneurs dans l’âme » et que « l’entrepreneuriat est la meilleure solution pour aboutir au zéro chômage », il milite pour que les pauvres puissent accéder au crédit afin de monter leur entreprise. Un mécanisme qui doit selon lui aller de pair avec le social business : « L’entreprise, plutôt que de chercher à maximiser ses profits, va répondre à des problèmes sociaux comme la pauvreté. Pour ce faire, l’entreprise ne reverse aucun dividende et réinvestit ses profits dans son activité. »

Interrogé sur la multiplication de ses partenariats avec les grands groupes, il assume : « si les entreprises veulent m’utiliser, qu’elles n’hésitent pas ! Je me sers également d’elles pour la bonne cause… »

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Muhammad Yunus, « le banquier des pauvres »

Muhammad Yunus a créé le premier organisme de microcrédit, la Grameen Bank, en 1976. Il est surnommé « le banquier des pauvres », son initiative qui a sorti des millions de personnes de la misère, en particulier des femmes, lui a valu le prix Nobel de la paix en 2006. Son idée : en prêtant, sans intérêt et sur la seule base de la confiance, de quoi acheter une machine à coudre ou un vélo, on permet à des individus pauvres de créer leur entreprise.

À 83 ans, l’économiste bangladais qui promeut le social business, a été condamné début janvier 2024 à six mois de prison pour avoir enfreint le droit du travail. Celui qui revendique son innocence se dit victime d’un « harcèlement permanent » de la première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina.