Au Niger, la "télé-irrigation" pour économiser l’eau
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Au Niger, la "télé-irrigation" pour économiser l’eau

Une équipe installe le système de "télé-irrigation" sur une exploitation. Toutes les images ont été fournies par Abdou Maman Kané.
Une équipe installe le système de "télé-irrigation" sur une exploitation. Toutes les images ont été fournies par Abdou Maman Kané.
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Au Niger, un entrepreneur a mis au point un système de "télé-irrigation", permettant à chaque agriculteur de gérer l’arrosage de son exploitation à distance, via son téléphone portable. L'objectif : pallier les défauts des systèmes d’irrigation classiques, notamment en optimisant l'utilisation de l'eau et en polluant moins.

C'est Abdou Maman Kané, qui a imaginé ce système de "télé-irrigation", qu'il commercialise au Niger depuis février 2013, via sa société Tech-Innov. Environ 200 exploitations – individuelles ou collectives – l'utilisent actuellement dans le pays.

Un maraîcher teste le système de "télé-irrigation" pour la première fois, en utilisant son téléphone portable.

"Grâce à la 'télé-irrigation', les agriculteurs peuvent arroser des surfaces plus importantes"

J'ai imaginé ce dispositif car les systèmes d’irrigation généralement utilisés au Niger présentent trois inconvénients majeurs, auxquels j'ai donc souhaité apporté une réponse.

Premièrement, comme les agriculteurs n'utilisent souvent aucune machine pour irriguer leurs champs, on estime qu'ils sont contraints de consacrer les deux tiers de leur temps à cette activité, ce qui est énorme.

Deuxièmement, 50 à 60 % de l'eau peut être gaspillée, car les seaux et les tuyaux qu'ils utilisent sont parfois de mauvaise qualité. Sans compter que de l'eau est souvent absorbée inutilement au niveau des rigoles.

Troisièmement, des pompes à fuel sont utilisées pour faire remonter l’eau se trouvant dans le sous-sol, afin d’irriguer les champs. Le problème, c'est que le fuel pollue et coûte cher aux agriculteurs. Par ailleurs, il faut démarrer et arrêter ces pompes manuellement, alors qu'elles peuvent se trouver jusqu'à 70 mètres de profondeur. Il est donc nécessaire de descendre sous terre, souvent en utilisant une corde, ce qui peut être dangereux : certains sont déjà morts par asphyxie – car il y a parfois du gaz dégagé au niveau des nappes phréatiques – ou encore en chutant.

"On utilise l’énergie solaire pour alimenter la pompe"

Le dispositif de "télé-irrigation" comprend quatre éléments, qu'on fournit à chaque agriculteur.

On lui fournit une pompe qu’il peut utiliser en surface ou en profondeur, selon l’endroit où se trouve l’eau. Pour alimenter cette pompe, on installe des panneaux solaires dans 95 % des cas. Et c’est l'énergie éolienne qui est utilisée dans 5 % des cas. On met également en place un système d'irrigation adapté à ce qui est cultivé. Par exemple, si certaines plantes requièrent uniquement de l'eau à la racine, on utilise un système fonctionnant au goutte-à-goutte, si elles ont aussi besoin d'être aspergées au niveau des feuilles, on a recours à autre système, etc. Enfin, on installe un boîtier entre la pompe et le panneau solaire, qui contient une carte SIM.

Par ailleurs, lorsqu’on installe ce dispositif, on réalise toujours une étude pour déterminer la quantité d'eau nécessaire à chaque parcelle.

Une équipe installe une pompe, l'un des éléments du dispositif de "télé-irrigation" sur une exploitation.

Panneaux solaires, permettant d'alimenter la pompe.

"En composant un numéro sur son portable, on peut irriguer les champs à distance"

Une fois que tout est mis en place, lorsqu'un agriculteur souhaite irriguer son exploitation à distance, il lui suffit de taper "142" sur son téléphone portable. Il est alors identifié auprès d'un serveur de notre entreprise. Deux cas de figure se présentent ensuite. Si l'agriculteur est illettré – c'est le cas de la majorité d'entre eux au Niger – le serveur envoie directement un signal au boîtier, pour que la pompe se mette en marche toute seule, durant un temps précis. L’appel est gratuit. En revanche, si l'agriculteur est lettré, il peut indiquer durant combien de temps il veut que la pompe fonctionne par exemple et l’appel est facturé 200 francs CFA [soit 30 centimes d’euro, NDLR].

Le sytème est piloté à distance, via un téléphone portable.

"On peut collecter des données météorologiques et hydrologiques en temps réel"

La "télé-irrigation" présente également un dispositif optionnel, permettant de collecter des données météorologiques et hydrologiques en temps réel, tels que la température, le taux d’humidité du sol, la pluviométrie, la radiation solaire, la vitesse du vent… Cela permet à l'agriculteur de connaître au mieux les besoins de son exploitation, à chaque instant.

 

 

Région de Tahoua au Niger.

Grâce à ce système, les agriculteurs gaspillent donc nettement moins d'eau. Ils peuvent utiliser l'eau économisée pour irriguer des surfaces plus importantes, et ainsi produire davantage. Comme les pompes sont alimentées par des énergies renouvelables, elles polluent nettement moins et coûtent moins cher aux agriculteurs. En pilotant le système à distance, ces derniers passent également moins de temps à irriguer leurs champs, et peuvent donc se consacrer à d'autres activités.

 

"Il est possible d'avoir un retour sur investissement au bout d'un an"

Le principal point noir reste le prix du dispositif, puisqu'il coûte un million de francs CFA [soit 1524 euros, NDLR]. Du coup, la plupart des agriculteurs l'achètent grâce à l'aide d'ONG ou aux prêts de nos banques partenaires. Mais il est possible d'avoir un retour sur investissement au bout d'un an. En fait, tous les éléments du dispositif sont produits en Europe, donc ils coûteraient moins cher si la production était locale…

Environ 200 exploitations – individuelles ou collectives – utilisent le système de "télé-irrigation" au Niger.

Grâce à son invention, Abdou Maman Kané a été lauréat du Grand Prix mondial Hassan II pour l’eau, décerné lors du septième Forum mondial de l’eau, organisé en Corée du Sud en avril 2015. Son entreprise a également reçu le 3e prix de la Jeune entreprise africaine, décerné lors du New York Forum Africa, qui s’est tenu au Gabon fin août.

Cette initiative a été relevée par notre équipe dans le cadre du projet des "Observateurs du climat" de France 24. Si vous aussi, vous connaissez une initiative permettant de lutter contre le réchauffement climatique près de chez vous, n’hésitez pas à nous contacter à obsduclimat@france24.com !

 

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