29 avril 1974-29 avril 2024 : votre quotidien d’informations générales « Le Sahel » a cinquante ans. L’âge de la maturité ! Quel chemin parcouru ? Quelles épreuves traversées ?
14 jours seulement après le coup d’Etat ayant déposé le Président Diori Hamani, le Lieutenant-Colonel Seyni Kountché, qui venait de le renverser, voulut marquer d’une empreinte indélébile le changement survenu au Niger : « Le Temps du Niger », quotidien qui tenait les Nigériens informés de la vie de la Nation, s’appellera désormais « Le Sahel». Tout un programme !
Il faut en référer à la définition du mot « Sahel » pour comprendre le changement de paradigme ainsi opéré : selon l’encyclopédie en ligne Wikipédia, ‘’Le Sahel (de l’arabe سَاحِل, sāḥil, « rivage » ou « côte ») désigne une bande de l’Afrique marquant la transition, à la fois floristique et climatique, entre le domaine saharien au nord et les savanes du domaine soudanien, où les pluies sont substantielles, au sud. D’ouest en est, il s’étend de l’Atlantique à la mer Rouge. La définition de la zone couverte est très variable selon les auteurs. Ainsi pour certains, le Sahel comprend tous les territoires bordant le Sahara : il y a donc un Sahel septentrional et un Sahel méridional. C’est ce dernier qui est cependant désigné quand on ne lui ajoute pas de qualificatif’’.
On mesure à cette définition l’ambition du Conseil Militaire Suprême (CMS) : favoriser l’intégration des pays de cet espace pour en booster le développement. Pour ce faire, le Président Kountché se fera le chantre de la lutte contre la désertification et surtout celui de la promotion de l’autosuffisance alimentaire. Ce visionnaire savait qu’il fallait, pour cela, éclairer nos peuples sur nos défis communs et mobiliser les énergies pour atteindre l’objectif fixé.
La sécurité alimentaire, le ‘’Sahel vert’’, l’unité nationale, le développement économique et social étaient le crédo du CMS ; ce crédo servira de socle à la ligne éditoriale du « Sahel ». Pour longtemps !
Certes, depuis le N°001 du 29 avril 1974 jusqu’au N° 10.714 que vous avez sous les yeux, « Le Sahel» a connu de nombreuses mutations humaines, techniques et même sociétales. L’équipe rédactionnelle était constituée à l’origine de quatre ou cinq journalistes « hérités » de son prédécesseur « Le Temps du Niger». Aujourd’hui, la rédaction du « Sahel » comprend environ vingt-cinq journalistes…
En quittant « la Maison de l’information » sise place du Grand marché ‘’Habou Béné’’ de Niamey (actuel siège de l’USTN) pour s’installer dans l’immeuble Air Afrique puis dans un immeuble de trois niveaux sis place du Petit marché ‘’Habou Ganda’’, «Le Sahel » a fait sa mue. Au plan technique, la pagination du « Sahel » qui oscillait entre 4 et 6 pages quotidiennes, a ensuite été portée à huit pour se stabiliser autour de 16-20 pages, au gré des moyens techniques et financiers voire de l’actualité.
Les procédés d’impression ont aussi évolué : ronéotypie, typographie, Offset dans toutes ses composantes. L’Imprimerie Nationale du Niger (INN, qui imprimait le journal) ayant été privatisée, le journal a dû être imprimé par le repreneur Nouvelle Imprimerie du Niger et Nouvelles Techniques d’Impression (NTI) avant de se résoudre, devant le coût exorbitant, à se doter de sa propre presse…
Le prix et le tirage du «Sahel» ont naturellement évolué. Le prix de l’exemplaire du « Sahel » est passé de 25 francs CFA en 1974 à 250 actuellement après avoir été longtemps fixé à 150 francs. Le tirage est passé de 2.000 à 5.000 exemplaires.
Comme toute entreprise humaine, « Le Sahel » a eu ses jours de gloire et ses heures sombres.
C’est ainsi que, d’un côté, « Le Sahel » a vu naître et prospérer un ‘’billet’’ appelé « Propos d’Arbi ». Animé de 1981 à 1985 par le talentueux Amadou Ousmane, ce billet quotidien était autant attendu que redouté des dirigeants, petits et grands, qui prenaient des libertés avec les droits des autres. Le premier lecteur des « Propos d’Arbi » était le Général Seyni Kountché ! Il alimentait parfois Amadou Ousmane en « tuyaux » et, surtout, agissait en conséquence pour réparer les torts ou les travers dénoncés dans la rubrique. Qui, pour faire bonne mesure, tressait des lauriers aux agents ou simples citoyens qui se distinguaient par des actes constructifs ou courageux. Mais, ce billet, qui a même inspiré nos confrères du Gabon (avec l’avènement de « Moi, Makaya »), a dû « dépasser les bornes » puisque le Président Kountché y mit un terme !
D’un autre côté, certaines grandes « plumes » du «Sahel » sont passées de l’écriture journalistique à l’écriture romanesque voire à l’essai ou aux œuvres de recension. Ainsi, pour ne considérer que les grands anciens, Ibrahim Issa avait-il écrit «Grandes eaux noires» ; Idé Oumarou avait écrit les romans « Gros plan » couronné du Grand prix d’Afrique noire et «Le Représentant» ; Diado Amadou avait écrit « Maimou ou le drame de l’Amour » ; Sahidou Alou avait composé d’innombrables poèmes comme «Le carnaval des vautours», «Cette nuit-là » ou encore «La foire aux inutiles » ; leurs lointains « successeurs » comme Idimama Kotoudi avaient commis «Transition à la nigérienne » et Aboubakari Kio Koudizé un recueil.
Le plus prolixe de tous restera Amadou Ousmane puisqu’après le roman «Quinze ans, ça suffit » et «Le Nouveau Juge », il éditera « Kountché par ses proches» et « Le petit livre bleu » de Kountché en référence au « Petit livre rouge » du grand timonier Mao Tsé-toung ou du « Livre vert » du Guide Mouammar Kadhafi ; Amadou Ousmane proposera enfin à ses lecteurs un recueil de ses chroniques judiciaires et deux tomes des « Propos d’Arbi » avant de rendre l’âme des suites d’une opération du cœur.
Autre fait saillant à mettre à l’actif du « Sahel » : les nombreux voyages d’études qu’il a accueillis dans sa rédaction ; en effet, des journalistes du Burkina Faso, des îles Comores, de Djibouti ainsi que des générations d’étudiants en presse écrite de l’ex-Institut de Formation aux Techniques de l’Information et de la Communication (IFTIC) – comprenant autant des Nigériens que des Camerounais, des Gabonais, des Tchadiens et autres nationalités – s’y sont « bousculés ». Pour s’inspirer de notre expérience. Et que dire des chercheurs de tous poils qui consultent nos archives dont l’aide leur est indispensable ?
Hélas, comme tout organe de presse publique, « Le Sahel » n’est pas exempt de préventions. Régime après régime, les hommes politiques se plaignent de censure quand ils sont à l’opposition mais sont prompts à caporaliser le journal lorsqu’ils arrivent au pouvoir. Faut-il en rire ou en pleurer ? Je crois plutôt que c’est un hommage rendu à notre rôle dans la société !
A cet égard, deux anecdotes sont très parlantes. Le 4 mai 1974, le ministre en charge de l’Information publie en page Une du « Sahel » un curieux communiqué : « le culte de la personnalité est interdit à la presse écrite et parlée, ainsi qu’aux écrivains, poètes, artistes et griots » !
Le 9 mai suivant, c’est un courrier du chef de service de la Main d’œuvre paru dans « Le Sahel » qui provoque l’occupation de ce service par 300 chômeurs en furie que les autorités ont calmés. Alors, utile ou pas utile, « Le Sahel » ?
Vivement donc le prochain cinquantenaire. Pour mieux conter le roman du « Sahel ».
Par Sani Soulé Manzo (ONEP)