Changarnier Nicolas Anne Théodule 1793-1877
p. 266-268
Plan détaillé
Texte intégral
1Né à Autun en Saône-et-Loire le 26 avril 1793, alors que son père est incarcéré comme suspect à Mâcon au chef-lieu du département, Nicolas Anne Théodule Changarnier est issu d’une famille d’hommes de loi dont l’histoire semble avoir décidé de ses sympathies royalistes. Son père, Nicolas Changarnier, né le 25 février 1756 de Pierre Changarnier notaire et procureur et de Claudine Savery, est reçu avocat au parlement de Dijon en 1778 et exerce ses fonctions à Autun avant la Révolution ; il épouse Marie-Françoise Caillery, fille de Lazare Caillery originaire de Luzy dans la Nièvre et de Jeanne Blochet. Lors de la mise en place des institutions révolutionnaires, Nicolas Changarnier père est élu procureur syndic de la municipalité d’Autun, puis juge au tribunal de district avant d’être nommé Commissaire du roi auprès de ce tribunal. Arrêté au début de l’année 1793 et écroué à Mâcon durant la majeure partie de l’année 1794, il retrouve des fonctions de juge au tribunal civil du département au lendemain du 9 Thermidor. De nouveau inquiété sous le Directoire au printemps 1797, il est cependant élu député aux Cinq-cents le 22 Germinal an V mais il n’y siège qu’un court instant car son élection est cassée au lendemain du coup d’État du 18 Fructidor an V. Il exerce encore des fonctions judiciaires sous le Consulat comme magistrat de sûreté auprès du tribunal d’Autun et est candidat, non élu, au Corps législatif en 1809. Membre du conseil municipal d’Autun à la fin de l’Empire, il est destitué durant les Cent-Jours et réintégré dans ses fonctions en juillet 1815.
2A cette date son fils Nicolas-Théodule, qui a quitté Autun où il a fait ses premières études pour des études de droit à Paris, entre dans une compagnie des gardes du roi Louis XVIII. Formé à Saint-Cyr, il entame une carrière militaire qui peut-être explique son célibat et qui le conduit à participer en 1823 à la campagne d’Espagne en qualité de lieutenant. En 1825 il est promu capitaine et il appartient en 1830 au 1er régiment de la garde royale. La conquête de l’Algérie lui fournit l’occasion d’un rapide avancement : lieutenant-colonel en 1836 après l’expédition de Constantine, colonel en 1837, il gagne dans la lutte contre les Kabyles des grades de général de brigade (1840) puis de division en 1843. Éloigné quelque temps de l’Algérie pour un différend avec Bugeaud, il y revient en 1847, après une tentative infructueuse d’élection en Saône-et-Loire en 1846 contre Eugène Schneider. Sa présence aux côtés du duc d’Aumale lui vaut l’intérim du prince au lendemain de la révolution de Février, dans l’attente de la nomination de Cavaignac comme gouverneur général de l’Algérie.
3De retour en France en mars 1848, ses sympathies royalistes ne l’empêchent pas d’offrir ses services au gouvernement provisoire mais il refuse l’ambassade à Berlin à laquelle l’a fait nommer Lamartine. Ses préoccupations sont d’une autre nature : il apporte son concours à ce gouvernement le 16 avril 1848 en faisant disperser, apparemment de sa propre initiative, la manifestation populaire parisienne destinée à obtenir le report des élections à la Constituante. Envoyé en mai 1848 en Algérie pour remplacer Cavaignac à la tête du gouvernement général, il est élu député à la Constituante le 5 juin à la faveur d’une élection partielle à Paris. De retour à Paris au lendemain des journées de juin, il siège à l’Assemblée parmi les représentants des forces conservatrices. En 1849 il retrouve un siège à la Législative à la faveur d’une élection multiple qui le fait opter pour le département de la Somme. Déjà chargé par Cavaignac du commandement des gardes nationales de la Seine qu’il réorganise, ses états de service lui valent au lendemain de l’élection présidentielle la faveur du prince et le commandement des troupes de la 1ère division militaire de Paris. Ses rapports avec l’Assemblée sont alors difficiles, cette dernière contestant en avril 1849 son indemnité de commandant des gardes nationales de la Seine. C’est pourtant au titre de son double commandement qu’il est l’organisateur de la répression de la manifestation organisée sur les boulevards parisiens le 13 juin 1849 pour protester contre l’expédition de Rome.
4L’importance des attributions militaires qu’il concentre entre ses mains et sa popularité au-delà des seuls milieux conservateurs font très vite de Changarnier un éventuel obstacle aux projets politiques du Prince-Président tandis que ses contacts avec la rue de Poitiers et son rapprochement avec les députés conservateurs encouragent l’espoir qu’il devienne le bras armé de l’Assemblée. En mai 1851, à la suite d’un différend l’opposant au Prince-Président à propos de la défense de manifester sous les armes, il est privé de tous ses commandements. Arrêté lors du coup d’État du 2 décembre, il est expulsé de France. Réfugié en Belgique à Malines, il n’accepte de rentrer qu’en 1859 après l’amnistie générale et se retire sur ses terres en Saône-et-Loire. En juillet 1870 il offre, sans succès, ses services à l’Empereur et participe à la reddition de Metz qu’il tente en vain de négocier.
5Le retour à la vie politique de cet officier de haut rang à qui ses rapports complexes avec l’Empire ont coûté le maréchalat intervient en février 1871 lors de son élection à l’Assemblée nationale, au lendemain d’une élection multiple dans les départements de la Gironde, de la Somme, du Nord et de Saône-et-Loire, son département d’origine dans lequel il a figuré sur une liste concurrente de celle qui propose la candidature de Thiers. Comme en 1849 il opte pour la Somme. Agé de 78 ans, il incarne à l’Assemblée nationale, où il siège parmi les orléanistes les plus conservateurs, une autre époque. Partisan de la paix, ayant refusé toute fonction officielle à l’exception de la présidence de la commission de révision des grades, il est un adversaire précoce de Thiers qu’il accuse de couvrir les élections radicales de 1872 et 1873. Au sein des royalistes il est l’un de ceux qui maintiennent la liaison entre orléanistes et légitimistes lors des tentatives de fusion. Après le 24 mai 1873 il rejoint l’un des groupes parlementaires des droites, la réunion Pradié. Fidèle soutien de Broglie, il est partisan de la prorogation à dix ans des fonctions de Mac-Mahon et vote finalement pour le septennat, partisan de la loi des maires en 1874, il a également soutenu le gouvernement Broglie contre les légitimistes lors de l’affaire de la suspension de l’Univers à l’automne 1873. Opposant aux lois constitutionnelles, il est cependant élu sénateur inamovible dans un dernier carré de conservateurs en 1875. Il ne siège que deux années à la Chambre Haute sans grande activité politique, et meurt en 1877. Le service funèbre qui l’accompagne est célébré le 17 février à l’église Saint-Louis des Invalides en présence du maréchal Mac-Mahon qui avait été son aide de camp dans les guerres d’Afrique et son compatriote autunois.
Bibliographie
Sources et bibliographie :
S.H.A.T. dossier Changarnier ;
sur le père Nicolas Changarnier : P. Montarlot, Les députés de Saône-et-Loire aux assemblées de la Révolution, 1789-1799, Autun, Dejussieu, 1911, t. III, p. 165-171 ; sur le fils Nicolas-Anne-Théodule : Henry Manayre, Les contemporains, Paris, E. Petithenry, 3ème année, n° 74, mars 1894 ; Joseph Bard, Essai d’un plutarque militaire de la Bourgogne, Dijon, aux bureaux de l’Union bourguignonne, 1860, sp. ; Eloge funèbre du général Changarnier prononcé en la cathédrale d’Autun le 18 février 1877, par Mgr. Perraud, évêque d’Autun, Chalon et Mâcon, Autun, Dejussieu, sd., 19 p. ; A. d’antioche, Changarnier, Paris, E. Plon Nourrit et Cie, 1891, 487 p.
Auteur
Maître de conférences. Université de Dijon
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