Représentation du Sport féminin dans les médias français : La médaille d'or de l'invisibilité | Les Echos

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Représentation du Sport féminin dans les médias français : La médaille d'or de l'invisibilité

Du 20 juillet au 20 août 2023 aura lieu la 9ème coupe du monde de Football féminin, qui se déroulera en Australie et en Nouvelle-Zélande. La Coupe du monde de Football féminin est un événement sportif d'envergure mondiale mettant en lumière le talent et l'engagement des meilleures équipes nationales féminines de football. La 1ère édition s’est déroulée en Chine en 1991, avec seulement 12 équipes. Cette année, la 9ème édition réunira un nombre record de 32 équipes, démontrant l’important grandissante de cet évènement.

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(Microsoft Stock Images)
Publié le 27 juin 2023 à 10:20Mis à jour le 27 juin 2023 à 11:41

La France, en tant que pays hôte de la dernière édition, en 2019, a joué un rôle central dans la promotion de cet événement. Le pays a démontré son soutien envers le football féminin en offrant des infrastructures de qualité, en mobilisant des ressources logistiques considérables et en créant une atmosphère festive et accueillante pour les équipes participantes et les fans venus des quatre coins du monde.
Sur le terrain, l'équipe nationale a fait preuve de performances remarquables. Les joueuses françaises ont montré leur talent et leur détermination, atteignant les quarts de finale de la compétition après avoir renversé le Brésil. Leur parcours a été salué par les supporters et a contribué à stimuler l'intérêt pour le football féminin dans le pays.
Pourtant, un mois avant le début de la compétition, aucun diffuseur français n’avait encore acquis les droits de diffusion de la 9ème édition de la Coupe du monde, en raison d’un désaccord avec la FIFA sur les conditions financières d’acquisition de ces droits. La situation s’est résolue le 14 juin dernier avec l’achat des droits par M6 et France Télévision.
Plus encore, aucune communication d’ampleur n’a été faite – du moins aucune qui serait comparable à la communication entourant la coupe du monde de Football masculin en 2022.
Cette situation pose la question, plus générale, de la représentation du « sport féminin » dans les médias français.
Le « sport féminin » est en effet largement sous-représenté dans les médias français, ainsi que l’ont constaté le CSA, puis l’Arcom. Des initiatives ont été mises en œuvre pour remédier à cette situation, mais l’évolution demeure lente.

Le constat sans appel de l’étude menée sous l’égide de l’Arcom(1) : le sport féminin est très largement sous-représenté dans les médias

L’Arcom a étudié en détail le volume horaire de « sport féminin » par rapport au « sport masculin » sur la période 2018-2021(2) .
Le constat est édifiant.
Sur la période 2018-2021, le « sport masculin » a représenté en moyenne 71,5% des diffusions à la télévision, contre 4,5% pour le « sport féminin » (3) :

Ces chiffres sont encore plus parlants lorsqu'on s'intéresse au volume horaire(4) : 

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Une tendance positive peut cela dit être entrevue en termes de progression : le volume horaire représenté par le « sport féminin » a augmenté de 50% entre 2018 et 2021 contre « seulement » 22% pour le « sport masculin ». Autrement dit, le « sport féminin », a progressé beaucoup plus rapidement que le « sport masculin ».
Il est cependant prématuré de tirer un quelconque enseignement de ces données. D’abord, parce que ces chiffres ne peuvent pas être comparés à ceux des rapports précédents, l’Arcom ayant modifié la méthodologie entretemps (notamment en ajoutant la catégorie « mixte »). Ensuite, parce que ces quatre dernières années présentent chacune des spécificités (Jeux Olympiques en 2018 et 2021, coupe du monde féminine de football en 2019 et Covid en 2020-2021).

Les causes avancées de cette sous-représentation médiatique du « sport féminin »

Les causes derrière ce manque de représentation sont multiples :

  • Préjugés et stéréotypes de genre : pour beaucoup, le sport masculin est plus compétitif, spectaculaire et digne d'intérêt. A l’inverse, le sport féminin est moins considéré et jugé moins prestigieux.
  • Rentabilité perçue : de la même manière, certains diffuseurs et annonceurs considèrent le sport féminin comme moins rentable car moins attractif pour le public.
  • Structures médiatiques : les chaînes de télévision sont très souvent dirigées par des hommes qui, dès lors, consciemment ou non favorisent le sport masculin.

Tous ces facteurs créent un cercle vicieux où le manque de couverture médiatique a un impact sur le financement, les opportunités de carrière et la popularité du « sport féminin ». Réciproquement, le manque de financement, de professionnalisation et de popularité du « sport féminin » entraîne à son tour un manque de visibilité médiatique de celui-ci.
Pour sortir de cette spirale, de nombreuses initiatives ont été lancées afin de favoriser la représentation du sport féminin dans les médias et, plus généralement, promouvoir le sport féminin.

Les initiatives mises en œuvre pour améliorer la représentation du sport féminin dans les médias

Chaque année, depuis 2014, le CSA (à présent, l’Arcom) propose une opération de communication pour encourager les chaînes de télévision et de radio à promouvoir le sport féminin en les incitant à organiser des débats et diffuser des retransmissions sportives. La dernière édition a eu lieu du 30 janvier au dimanche 5 février 2023. Le thème choisi pour l'édition 2023 est "Le sport comme remède", pour illustrer comment la pratique sportive peut aider à la reconstruction, la guérison ou l’émancipation de sportives, avec pour marraine Cléopâtre Darleux, handballeuse professionnelle.
D’autres initiatives ont été mises place par le ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques et un ensemble d’acteurs (notamment lors de l’Atelier de travail d’Impulsion Politique et de Coordination stratégique (IPCS) dédié au sport féminin), en particulier :

  • Task force composée de diffuseurs et d’ayants droit ayant pour mission de travailler sur des propositions visant à accroître le volume de retransmission et la qualité de la diffusion du sport féminin.
  • Proposition de refonte du décret relatif à la liste des évènements majeurs (Décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004 pris pour l'application de l'article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication), afin de favoriser la diffusion en clair du « sport féminin ».
    Ce décret oblige les chaines payantes à partager leurs droits d’exclusivité avec les chaines gratuites, lorsqu’il s’agit d’ « évènements d’importance majeure ». Or, la majorité de ces évènements sont aujourd’hui strictement masculins, à l’exception du basket-ball et du handball.
  • Création prochaine d’une ligue de football féminin au sein de la Fédération Française de Football.
  • Concertation avec les marques et les entreprises en vue d’identifier les leviers économiques pour augmenter l’engagement des sponsors dans le sport féminin.
  • Relance de la Conférence Permanente du Sport féminin (créée en 2017). Il s’agit d’une instance consultative placée auprès du ministre chargé des sports qui associe l'ensemble des acteurs participant au développement et à la promotion du sport féminin (article L. 142-1 du Code du sport)

Au-delà de ces initiatives, chacun, chacune peut participer à cet objectif de reconnaissance et médiatisation du « sport féminin » en regardant les différents évènements, en y assistant et en communiquant autour de ces évènements.

Et demain ?

La représentation du « sport féminin » dans les médias, bien qu’en progression, demeure très largement inférieure à celle du « sport masculin ».
Toutefois, la situation évolue, avec le nouvel engagement pris par certains médias. A titre d’illustration, M6 vient d’annoncer sur son compte twitter, diffuser, outre la Coupe du monde de Football féminin, les manifestations sportives féminines suivantes :

  • Qualifications EURO 2025 et Coupe du monde de Football féminin 2027 ;
  • Nations League 2023 et 2025 ;
  • Amicaux de l’équipe de France jusqu'en 2027.

Les initiatives et engagements envers la représentation du « sport féminin » dans les médias doivent continuer. Elles permettent en effet de briser les stéréotypes, d’inspirer les jeunes femmes et les jeunes filles et de rétablir l’équité dans le domaine du sport, en particulier du sport professionnel.
Enfin, au-delà la problématique de la représentativité du sport féminin dans les médias, doivent également être abordées et résolues des problématiques plus larges du « sport féminin ».
Le traitement du « sport féminin » dans les médias doit encore faire des progrès. Actuellement, les commentaires portent plus sur l’extra sportif – physique des athlètes notamment – que sur leurs performances. Et, lorsque leurs performances sont abordées, c’est bien souvent pour les comparer à celles des hommes.
A l’identique, la rémunération et le statut des sportives doivent encore être radicalement modifiés. Aujourd’hui le « sport féminin » n’est pas suffisamment professionnalisé, même si des progrès ont été faits en ce sens. On retiendra que le 8 juin dernier, la FIFA a annoncé qu’elle verserait à chaque participante de la coupe du monde un salaire d’au moins 30 000 dollars (soit 28 000 euros) à chaque étape du tournoi.
Cela reste loin des sommes allouées aux hommes, mais c’est un progrès indéniable.

Auteurs : Fabienne Panneau, Avocat Associé et Emilie Faucheux, Avocat. 

(1) L’Arcom est l’Autorité de Régulation de la Communication Audiovisuelle et numérique. Elle est née en 2022 à la suite de la fusion entre le CSA et l’Hadopi. « Garante des libertés de communication et d’expression dans les espaces audiovisuel et numérique, l’Arcom a notamment pour mission de veiller aux responsabilités démocratiques et sociétales des médias audiovisuels et des plateformes en ligne, de garantir le pluralisme des médias audiovisuels d’information et l’indépendance de l’audiovisuel public, d’assurer les équilibres économiques du secteur et de soutenir la création. » (https ://www.arcom.fr/larcom)
(2) Analyse du poids des retransmissions de compétitions sportives féminines à la télévision entre 2018 et 2021 – janvier 2023 (il s’agit de la cinquième édition de cette étude).
(3) Analyse du poids des retransmissions de compétitions sportives féminines à la télévision entre 2018 et 2021 – janvier 2023, p. 4
(4) Analyse du poids des retransmissions de compétitions sportives féminines à la télévision entre 2018 et 2021 – janvier 2023, p.

Proposé par DLA PIPER

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