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Jean-Jacques Rousseau - Les Confessions (1765)

 Comparer les deux épisodes que raconte Rousseau en se souvenant de sa vie (autobiographie) : (1) Episode du peigne cassé   J'étudiais un jour seul ma leçon dans la chambre contiguë à la cuisine. La servante avait mis sécher à la plaque les peignes de mademoiselle Lambercier. Quand elle revint les prendre, il s'en trouva un dont tout un côté de dents était brisé. A qui s'en prendre de ce dégât ? personne autre que moi n'était entré dans la chambre. On m'interroge : je nie d'avoir touché le peigne. M. et mademoiselle Lambercier se réunissent, m'exhortent, me pressent, me menacent : je persiste avec opiniâtreté ; mais la conviction était trop forte, elle l'emporta sur toutes mes protestations, quoique ce fût la première fois qu'on m'eût trouvé tant d'audace à mentir. La chose fut prise au sérieux ; elle méritait de l'être. La méchanceté, le mensonge, l'obstination, parurent également dignes de punition ; mais pour le coup ce ne fut pas

Faites l'analyse du portrait de Irène (La Bruyère)

Irène se transporte à grands frais en Epidaure, voit Esculape dans son temple, et le consulte sur tous ses maux. D’abord elle se plaint qu’elle est lasse et recrue de fatigue ; et le dieu prononce que cela lui arrive par la longueur du chemin qu’elle vient de faire. Elle dit qu’elle est le soir sans appétit ; l’oracle lui ordonne de dîner peu : elle ajoute qu’elle est sujette à des insomnies, et il lui prescrit de n’être au lit que pendant la nuit : elle lui demande pourquoi elle devient pesante, et quel remède ; l’oracle répond qu’elle doit se lever avant midi, et quelquefois se servir de ses jambes pour marcher : elle lui déclare que le vin lui est nuisible ; l’oracle lui dit de boire de l’eau ; qu’elle a des indigestions, et il ajoute qu’elle fasse diète. « Ma vue s’affaiblit, dit Irène. — Prenez des lunettes, dit Esculape. — Je m’affaiblis moi-même, continue-t-elle, et je ne suis ni si forte ni si saine que j’ai été. — C’est, dit le dieu, que vous vieillissez. — Mais quel moyen de

POËME SUR LE DÉSASTRE DE LISBONNE

ou examen de cet axiome : TOUT EST BIEN.  Ô malheureux mortels ! ô terre déplorable ! Ô de tous les mortels assemblage effroyable ! D’inutiles douleurs, éternel entretien ! Philosophes trompés qui criez : « Tout est bien » ; Accourez, contemplez ces ruines affreuses, Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses, Ces femmes, ces enfants l’un sur l’autre entassés, Sous ces marbres rompus ces membres dispersés ; Cent mille infortunés que la terre dévore, Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore, Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours Dans l’horreur des tourments leurs lamentables jours ! Aux cris demi-formés de leurs voix expirantes, Au spectacle effrayant de leurs cendres fumantes, Direz-vous : « C’est l’effet des éternelles lois Qui d’un Dieu libre et bon nécessitent le choix ? » Direz-vous, en voyant cet amas de victimes : « Dieu s’est vengé, leur mort est le prix de leurs crimes ? » Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants Sur le sein maternel écrasés et

Traité sur la Tolérance : commentaire littéraire

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    Analyser la critique de cet ordre religieux dans cette image   ***   VOLTAIRE, Traité sur la Tolérance à l’occasion de la mort de Jean Calas (1763) “Lettre au Jésuite Le Tellier” CHAPITRE XVII Lettre écrite au Jésuite Le Tellier1 par un bénéficier2, le 6 mai 1714  Mon révérend père, J’obéis aux ordres que Votre Révérence m’a donnés de lui présenter les moyens les plus propres de délivrer Jésus et sa Compagnie3 de leurs ennemis. Je crois qu’il ne reste plus que cinq cent mille huguenots4 dans le royaume, quelques-uns disent un million, d’autres quinze cent mille ; mais en quelque nombre qu’ils soient, voici mon avis, que je soumets très-humblement au vôtre, comme je le dois. 1° Il est aisé d’attraper en un jour tous les prédicants5 et de les pendre tous à la fois dans une même place, non-seulement pour l’édification publique, mais pour la beauté du spectacle. 2° Je ferais assassiner dans leurs lits tous les pères et mères, parce que si on les tuait dans les rues, cela pourrait caus

Micromégas - Voltaire (1752)

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  Charles Monnet, Micromégas et le nain Saturnien rencontrent des Terriens , 1778. CHAPITRE I. VOYAGE D’UN HABITANT DU MONDE DE L’ÉTOILE SIRIUS DANS LA PLANÈTE DE SATURNE. Dans une de ces planètes qui tournent autour de l’étoile nommée Sirius, il y avait un jeune homme de beaucoup d’esprit, que j’ai eu l’honneur de connaître dans le dernier voyage qu’il fit sur notre petite fourmilière ; il s’appelait Micromégas, nom qui convient fort à tous les grands. Il avait huit lieues de haut. Quelques géomètres, gens toujours utiles au public, prendront sur-le-champ la plume, et trouveront qu’il faut absolument que le globe qui l’a produit ait au juste vingt-un millions six cent mille fois plus de circonférence que notre petite terre. Rien n’est plus simple et plus ordinaire dans la nature. Les États de quelques souverains d’Allemagne ou d’Italie, dont on peut faire le tour en une demi-heure, comparés à l’empire de Turquie, de Moscovie ou de la Chine, ne sont qu’une faible image des