Pourquoi le commerce des esclaves a-t-il pris son essor au début du Moyen Âge ?

Les recherches sur l'histoire de l'esclavage ont beaucoup progressé au cours de la période récente, mais elles se sont surtout focalisées sur la période moderne, dominée par le commerce triangulaire et la traite transatlantique pratiqués par les Européens. Pourtant, l'esclavage a été aussi une dimension essentielle de l'histoire économique et sociale du Moyen Âge, tout particulièrement autour de la Méditerranée.

Entre le 8e et le 11e siècle, l’irruption des Arabes au Maghreb, au Sahara et aux frontières de l’Occident chrétien - conjuguée avec les invasions normandes et la poussée des Francs vers le nord et l’est de l’Europe, mais aussi vers l’Italie lombarde - ont considérablement remodelé le destin du monde méditerranéen.

La traite et le négoce des esclaves sont alors devenus des éléments essentiels dans le développement des échanges commerciaux. Bien que les chiffres soient difficiles à établir, on estime que des dizaines de milliers de personnes étaient déportées annuellement.

Rôle des esclaves en tant que force de travail

Les esclaves jouaient un rôle indispensable en tant que force de travail dans l'économie européenne. La mise en valeur des grands domaines aristocratiques reposait en partie sur leurs frêles épaules, comme le prouve une ordonnance de Charlemagne demandant instamment à ses officiers, de lui procurer des troupes d’esclaves pour les travaux agricoles.

Mais cette main d'œuvre servile était aussi une monnaie d’échange. Les marchands andalous se rendaient fréquemment dans le nord de l’Espagne pour acheter des esclaves en provenance d'Europe afin d'acquérir, en contrepartie, des produits orientaux.

Des régions "réservoirs d'esclaves" ?

Des régions entières du Maghreb, de l’Afrique subsaharienne et de l’Europe furent alors transformées en réservoirs d’esclaves. Les trafics transitaient par l’Afrique, mais aussi par l’Asie, par les fleuves russes, le Caucase ou la mer Caspienne. La pratique de l'esclavage contribua fortement aussi à l’intensification des échanges bilatéraux avec les royaumes slaves et la Russie tout au long du 9e et 10e siècle. Les esclaves, de même que les chevaux et la cire, étaient vendus contre des armes et des marchandises de luxe.

On sait que les villes côtières et les centres sahariens jouèrent un rôle capital dans la concentration et la redistribution des esclaves. Mais d'autres villes, en Europe du Nord, furent aussi fortement impliquées dans ce genre de trafic.

Réseaux concernés

L’importance stratégique des marchés de Mayence (une ville allemande située sur la rive du Rhin) est attestée par les sources latines qui la décrivent comme un centre de regroupement des captifs. Au 9e siècle, la ville de Verdun (en Lorraine) était un pôle actif de rassemblement des eunuques slaves et anglo-saxons destinés aux pays musulmans. Ils étaient transférés à travers la vallée mosane en direction de Lyon, d’où ils rejoignaient Narbonne et Arles.

Les sources arabes et latines convergent ainsi pour souligner une imbrication complexe de réseaux animés par des commerçants aux origines confessionnelles disparates. Apparemment, à cette époque, les clivages religieux ne semblent pas avoir dressé des barrières infranchissables entre les hommes qui tiraient profit de la traite des esclaves.

Bibliographie :

• Salah Trabelsi, " Réseaux et circuits de la traite des esclaves aux temps de la suprématie des empires d’Orient : Méditerranée, Afrique noire et Maghreb (VIIIe-XIe siècles)", in Fabienne Guillén (dir.) et Salah Trabelsi (dir.), Les esclavages en Méditerranée : Espaces et dynamiques économiques, Madrid, Casa de Velázquez, 2012

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