Fonds Marianne : ce qu'il faut savoir de l'affaire qui embarrasse Marlène Schiappa
Accéder au contenu principal
Gestion controversée

Fonds Marianne : ce qu'il faut savoir de l'affaire qui embarrasse Marlène Schiappa

Une enquête judiciaire, un rapport de l'inspection générale de l'administration et une commission sénatoriale… L’affaire du Fonds Marianne et les soupçons de favoritisme dans l’attribution de ses crédits à des associations "amies" a pris des proportions embarrassantes pour Marlène Schiappa. Au point de menacer l'avenir politique de la secrétaire d'État à l'Économie sociale et solidaire, à l’initiative de ce fonds de lutte contre le séparatisme islamique créé après l’assassinat de Samuel Paty.

La secrétaire d'État à l'économie sociale et à la vie associative Marlène Schiappa devant la commission du Sénat, le 14 juin 2023.
La secrétaire d'État à l'économie sociale et à la vie associative Marlène Schiappa devant la commission du Sénat, le 14 juin 2023. © Bertrand Guay, AFP
Publicité

La secrétaire d'État à l'Économie sociale et solidaire, Marlène Schiappa, a été entendue, mercredi 14 juin, par une commission d’enquête du Sénat pour clarifier son rôle dans la gestion controversée du Fonds Marianne qu'elle a lancé en avril 2021 pour lutter contre le "séparatisme".

La ministre a été auditionnée pendant plus de trois heures. Si elle a assuré vouloir assumer sa "responsabilité" dans la gestion controversée de ce fonds, elle a aussi voulu se défausser sur son administration sans convaincre les sénateurs. "C'est extraordinaire ce que vous dites !", "On ne distribue pas de l’argent public sans faire un petit rapport (... ), là il n'y a rien de rien de rien", a-t-on par exemple pu entendre dire le rapporteur Jean-François Husson et le président Claude Raynal.

France 24 fait le point sur cette affaire qui vient bousculer le gouvernement.

À voir Fonds Marianne : Marlène Schiappa peine à convaincre la commission d'enquête du Sénat

  • Quels sont les faits reprochés à Marlène Schiappa ?

En avril 2021, Marlène Schiappa est alors ministre déléguée à la Citoyenneté, attachée au ministère de l'Intérieur. Elle lance le Fonds Marianne, initialement doté de 2,5 millions d'euros, six mois après l'assassinat de Samuel Paty. Il vise à financer des associations défendant "les valeurs de la République" en apportant, sur les réseaux sociaux, des "contre-discours" à l'islam radical.

Deux ans plus tard, alors que Marlène Schiappa est désormais secrétaire d'État à l'Économie sociale et solidaire et de la Vie associative, plusieurs médias critiquent les conditions d'attribution des subventions du Fonds Marianne et leur utilisation.

D'après les enquêtes publiées fin mars 2023 par des journalistes de l'hebdomadaire Marianne et de France 2, le principal bénéficiaire du fonds, l'Union des sociétés d'éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), a bénéficié d'une dotation de 355 000 euros (dont une grande partie a été déjà versée) qui aurait seulement alimenté un site Internet et des publications peu suivies sur les réseaux sociaux. Quelque 120 000 euros ont aussi été utilisés pour salarier deux de ses ex-dirigeants.

Le site Mediapart a aussi révélé que plusieurs personnalités de gauche avaient été dénigrées dans des contenus mis en ligne par une autre structure financée par le fonds, "Reconstruire le commun", qui a obtenu 330 000 euros.

Enfin Sébastien Jallet, l'ex-directeur de cabinet de Marlène Schiappa, a révélé le 7 juin, que la ministre était en tout état de cause intervenue pour écarter une association pourtant validée par le comité de sélection, sans dévoiler son nom. Il s'agit de SOS Racisme, selon son président Dominique Sopo, lequel avait présenté une demande de subvention de 100 000 euros.

Au cœur de cette affaire, l’une des questions centrales est désormais de savoir si la ministre est intervenue d'une manière ou d'une autre dans le processus de sélection des associations bénéficiaires du fonds Marianne. C’est ce que devront éclaircir les différentes enquêtes.

  • Justice, administration, Sénat : plusieurs enquêtes en cours 

Dans la foulée, entre avril et mai 2023, le fonds a fait l'objet de plusieurs signalements à la justice, dont deux, adressés par la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, et la cheffe des députés de La France insoumise (LFI), Mathilde Panot.

Ces signalements ont conduit le Parquet national financier (PNF) à ouvrir une information judiciaire pour soupçons de détournement de fonds publics dans la gestion du Fonds Marianne. Les investigations portent sur les infractions de détournement de fonds publics, détournement de fonds publics par négligence, abus de confiance et prise illégale d'intérêts.

De son côté, l'inspection générale de l'administration (IGA) a été saisie par la secrétaire d'État chargé de la Citoyenneté, Sonia Backès. Les conclusions de cette enquête administrative doivent être rendues "fin juin" dans un audit sur ce dossier.

Enfin, au Sénat, dominé par l'opposition de droite, une commission d'enquête parlementaire est mise en place. Cette commission entend depuis la mi-mai les acteurs-clés de ce dossier et auditionne mercredi Marlène Schiappa.

  • Quelles sont les premières conclusions des enquêtes ?

Le rapport de l'Inspection générale de l'administration, publié le 6 juin, innocente la secrétaire d’État, notant que selon les "témoignages" recueillis, "la ministre déléguée s'est effacée du processus, une fois passé le lancement officiel" du Fonds.

Il accable en revanche le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), l'organisme gestionnaire du fonds au sein du ministère de l'Intérieur. Son patron, le préfet Christian Gravel, a démissionné dans la foulée de la publication de ce rapport. Il y est accusé de "traitement privilégié" envers l’USEPPM, qui a décroché une dotation de quelque 355 000 euros.

Dans ses conclusions, l’IGA pointe aussi un "appel à projet" qui n’a pas été "transparent, ni équitable", et évoque "une défaillance dans l'organisation du service" en charge du Fonds Marianne, "un défaut de vigilance" et "un manque de discernement de la part de son responsable".

L’USEPPM est aussi ciblée pour ne pas avoir fait une utilisation conforme des subventions. La mission a "identifié des doublements de salaires", "certains mois", pour les deux principaux porteurs du projets – dont le président de cette association Cyril Karunagaran. Ce dernier, salarié à mi-temps sur ce projet, "exerçait en parallèle une activité d'entrepreneur en province", souligne l'IGA, qui détaille aussi des dépenses "non imputables" au projet, comme ces 11 abonnements téléphoniques mobiles, au lieu de deux nécessaires.

La justice, quant à elle, a commencé à perquisitionner le domicile de plusieurs protagonistes du dossier, dont celui de Christian Gravel, mais aussi du journaliste Mohamed Sifaoui, co-responsable de la principale association bénéficiaire du fonds, et de Cyril Karunagaran.

Pendant ce temps, au fil des auditions au Sénat, plusieurs témoignages ont montré que Mohamed Sifaoui avait été reçu à plusieurs reprises, avant-même le lancement du fonds, au cabinet de la ministre. L’ex-journaliste doit être entendu jeudi par la commission d’enquête.

Devant les sénateurs, Christian Gravel a quant à lui fustigé une "commande politique" de la ministre, sous entendu que les mauvais choix viendraient d'en haut. 

  • La ministre joue-t-elle son avenir politique ?

Dimanche, la Première ministre Élisabeth Borne, interrogée dans Dimanche en Politique sur France 3 avait loué en Marlène Schiappa "quelqu'un qui a beaucoup de personnalité, qui souhaite s'investir". "Je ne pense pas que ce soit nécessaire" qu'elle quitte le gouvernement, avait-elle ensuite affirmé du bout des lèvres, semblant embarrassée de lui apporter son soutien.

Tel n'est pas l'avis de LFI qui tire à boulets rouges sur la ministre. "Démissionnez", a tonné le député Aurélien Saintoul lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale mardi à l'adresse de la secrétaire d’État, absente de l'hémicycle.   

De son côté, Marlène Schiappa a balayé des "calomnies". Elle avait notamment fait savoir le 27 avril sur Twitter que son avocate "poursuivrait pour diffamation tous ceux qui (l')imputent à tort d'une action de favoritisme". "AUCUN des lauréats du Fonds Marianne n'est mon ami, ou mon proche, ou que sais-je. Ils l'ont eux-mêmes démenti", avait-elle aussi écrit le 22 avril, soulignant n'avoir "pas validé le contenu" des vidéos contestées de "Reconstruire le commun", ni "demandé à cibler des opposants politiques".

Avec AFP

Le résumé de la semaineFrance 24 vous propose de revenir sur les actualités qui ont marqué la semaine

Emportez l'actualité internationale partout avec vous ! Téléchargez l'application France 24

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.