« Moi aussi »
de Judith Godrèche
Film français, 17 mn

Depuis ses débuts, le mouvement #MeToo a été porté au fil des mois et des années par les prises de parole d’actrices abusées, comme Adèle Haenel. Celles-ci ont à leur tour libéré la parole d’autres femmes, d’hommes aussi. Judith Godrèche a révélé le 7 février les abus sexuels dont elle a été victime de la part de Benoît Jacquot et Jacques Doillon.

Dans la foulée, elle a créé une adresse électronique « pour pouvoir accueillir la parole de toutes celles et de tous ceux qui m’écrivaient « Moi aussi », explique-t-elle.En 15 jours, j’ai reçu 5 000 témoignages. J’ai fait à toutes ces personnes la promesse d’un projet qui leur rende hommage. » C’est Moi aussi, le court métrage diffusé mercredi 15 mai lors de la cérémonie d’ouverture de la section cannoise Un Certain Regard. Il sera diffusé samedi 25 mai à 20 h 40 sur Culturebox, dans l’émission « C’est ce soir ».

Contre toute attente, ce film ne donne pas la parole aux unes et aux autres. Il montre une foule de femmes et d’hommes réunis sur une avenue parisienne un jour de mars, un millier de personnes parmi les milliers de témoins qui ont écrit à Judith Godrèche. C’est tout juste si des extraits quasi chuchotés révèlent, anonymement, les violences subies. « J’avais 8 ans, 14 ans, 25 ans, entre 6 et 12 ans… » « L’agresseur était le directeur de l’école, un ami de mon père, un inconnu dans la rue, mon oncle, mon frère… »

Une foule muette

Dans cette foule muette, circule une jeune femme en robe blanche, presque le sosie de Judith Godrèche – sa fille en réalité, l’actrice Tess Barthélémy à qui elle a confié son propre rôle dans sa série autobiographique Icon of the french cinema diffusée sur Arte. Elle danse dans cette assemblée, se débat, fait écho aux gestes qui se diffusent comme des vagues parmi ces anonymes : les deux mains posées sur la bouche pour évoquer l’impossibilité de parler ou d’être écouté, les bras qui s’enserrent soi-même pour dire l’isolement et le repli sur soi, etc.

Le parti pris du silence, référence à l’héroïne de La Leçon de piano, déconcerte de prime abord. Avant d’imposer la puissance de la multitude, non pas abstraite, mais incarnée au contraire par ces corps et ces visages souriants ou douloureux, âgés ou jeunes, tous concernés par des abus sexuels. En découlent une forte émotion et la compréhension de l’ampleur du désastre. Le court métrage s’achève sur des chiffres éloquents. Une femme sur cinq et un homme sur quatorze déclarent avoir subi des violences sexuelles, à 81 % avant l’âge de 18 ans. 160 000 enfants sont violés chaque année.

• Non ! * Pourquoi pas ** Bon film *** Très bon film **** Chef-d’œuvre