Jean-Michel Jarre et son fils, David : «C’est le bon moment pour nous raconter»
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Jean-Michel Jarre et son fils, David : «C’est le bon moment pour nous raconter»

David Jarre, 45 ans, et Jean-Michel Jarre, 74 ans.
David Jarre, 45 ans, et Jean-Michel Jarre, 74 ans. © François Rousseau
Benjamin Locoge , Mis à jour le

Pour le père, c’est la musique, pour le fils, la magie. D’un coup de baguette, le second est en train de se faire un prénom.

I l fait 40 degrés, ce 6 avril 2017, à Masada, en Israël. Jean-Michel Jarre a accepté de donner un concert géant au pied de la citadelle pour rappeler l’importance de l’eau dans notre écosystème. Le musicien enchaîne les interviews face aux médias locaux avec une politesse infinie, tentant de faire passer son message au milieu de questions étranges. «Jouerez-vous de la harpe laser ce soir?» Le maître des sons a préparé un show dont il a le secret, mêlant projections, effets visuels et classiques de son répertoire. Mais Jarre est avant tout un homme heureux.

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Pour ce premier concert en Terre sainte, il a emmené Gong Li, sa nouvelle compagne. Discrète, la comédienne, qui ne parle pas français, est l’objet de toutes ses attentions. Pourtant, dans le minibus qui transporte l’artiste et son entourage, une voix résonne plus fort que les autres. Celle de David, monté à bord en cours de route et véritable boute-en-train. Très drôle, David, fils du couple formé autrefois par Jean-Michel Jarre et Charlotte Rampling, est un moulin à paroles. Les vannes fusent et font rire l’assemblée. Il chambre son père comme ses accompagnateurs, faisant baisser la pression à quelques heures de l’entrée en scène.

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La magie, David l’a rencontrée très jeune

Jean-Michel Jarre

Cinq ans plus tard, père et fils se retrouvent pour leur première séance photo commune depuis des lustres. David a intégré l’émission de Michel Drucker où, un dimanche sur deux, il officie en tant que magicien. Jean-Michel vient de sortir «Oxymore », un nouvel album brillant, complètement barré et jubilatoire, tentant, à sa manière, de réinventer la musique électronique. «C’est le bon moment pour nous raconter », estime Jean-Michel, qui se réjouit que David prenne la lumière. Le fils sourit. « J’ai toujours souhaité prendre mon temps. Je ne voulais pas arriver à la télévision sans un projet à proposer. » Il n’empêche! Drucker se félicite d’avoir embarqué ce membre de sa famille élargie dans son «Vivement dimanche».

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«La magie, reprend Jean-Michel, David l’a rencontrée très jeune. C’est devenu son truc immédiatement. Il a découvert l’illusionniste Vadini à l’âge de 12 ans. Depuis, il n’a plus arrêté.» David a grandi au sein d’une famille aimante et recomposée. Quand Jean-Michel rencontre Charlotte, en 1976, l’actrice britannique est déjà mère de Barnaby, né de son union avec l’acteur Bryan Southcombe. Lui a une fille, Émilie, avec Flore Guillard. David naît en 1977. Le couple se marie l’année suivante et s’installe à Croissy-sur-Seine, en grande banlieue parisienne, à la demande de Charlotte.

«Nous avons vécu une enfance féerique, estime David. Le premier magicien que j’ai rencontré, c’est mon père! Il a inventé son propre monde. Enfant, j’ai été bercé par les heures passées dans son studio. Quand je rentrais de l’école, je n’avais qu’à traverser le jardin pour le retrouver. Souvent, ma mère répétait à la maison aussi. Leurs métiers respectifs représentaient pour moi un mélange de jeu, d’amusement et d’énormément de travail. Mais c’est grâce à la rencontre avec Vadini que j’ai compris qu’il existait un autre moyen de s’exprimer, une autre forme de féerie: l’illusion.»

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Nos parents nous ont transmis cette idée que tout est possible

David Jarre

Jean-Michel et Charlotte élèvent leurs trois enfants de manière assez stricte. «Nos parents nous laissaient une grande liberté, mais à l’intérieur d’un cadre bien défini, estime David. On devait faire nos devoirs et bien travailler. En revanche, ils nous ont toujours laissés libres pour tout ce qui touchait aux loisirs. » La chance de David, Émilie et Barnaby a été d’avoir eu des parents présents. Contrairement à bon nombre de leurs contemporains, le compositeur d’«Oxygène» et l’actrice de «Stardust Memories» travaillent à domicile.

La famille se retrouve chaque soir à 20 heures pour dîner tous ensemble. «Ces soirées à table restent des souvenirs merveilleux, explique David. Ils nous racontaient leurs projets. Mon père parlait de ses enregistrements, ma mère évoquait ses films. Ça dérivait volontiers sur la politique, l’histoire… Souvent, on grandit avec des croyances limitantes, avec des phrases telles que “Ah, ce monde-là n’est pas pour toi” ou “Tu n’y arriveras jamais”… Nos parents nous ont évité un tel écueil. Ils nous ont transmis cette idée que tout est possible, que si tu travailles dur, tu pourras atteindre tes rêves.»

Avec Charlotte, on est restés proches, on passe tous les Noëls ensemble

Jean-Michel

En 1986, Jean-Michel se produit à Houston devant un million de spectateurs, un concert diffusé en mondovision. Mais dès son retour en France, il redevient le père «copain». «Je suis ami avec mes enfants, confirme l’intéressé. Mais je pense avoir su faire preuve d’autorité. Demandez à David.» Celui-ci acquiesce: «Un père ami, oui, mais pas un pote. Quand il fallait que ça file droit, ça filait droit. Avec ma mère, ils n’ont jamais cherché à nous inclure dans leurs vies médiatiques. Je suis allé sur quelques tournages, j’ai vu beaucoup de ses concerts. Mais pas tous.»

D’autant que David possède son univers à lui. « Il nous faisait des tours tout le temps, rigole Jean-Michel. » À 15 ans, David sait son destin, lui qui hésita un temps entre la musique et la magie. À 19 ans, il monte dans un avion pour effectuer son premier gala: «Moi aussi, mon métier allait me permettre de voyager! Un Italien m’avait demandé de venir assurer une performance pour sa fête d’anniversaire, c’était une première.» Trois ans plus tard, David quitte Croissy pour s’installer dans un studio parisien, payé avec ses cachets. «Ça a toujours été important pour lui de s’assumer financièrement, relate JeanMichel. Il voulait son espace, son chez-lui. » D’autant qu’à l’époque, le couple Jarre-Rampling se sépare.

Quand mes parents se sont séparés, c’était comme apprendre que le Père Noël n’existait pas

David

La légende veut qu’ils aient attendu la majorité de leurs trois enfants pour clôturer ce chapitre de leur vie. «Ce n’est pas une histoire terminée entre Charlotte et moi, reprend Jean-Michel. Nous avons pris des chemins de vie différents, mais nous sommes restés très proches. On se voit, on s’appelle, on continue à faire tous les Noëls ensemble, avec nos petits-enfants ainsi que nos compagnes et compagnons respectifs.» David se rappelle, lui, d’une période trouble. «Jusqu’à leur séparation, je pensais que mes parents étaient un couple idéal. Or, ils étaient aussi des êtres humains… Pour moi, ça a été un peu comme apprendre que le Père Noël n’existait pas. Mon frère et ma sœur avaient déjà quitté la maison, la tempête a été intense mais courte. Enfin… vue de l’extérieur»

David avait tissé un lien avec son grand-père Maurice Jarre, l’homme qui avait abandonné Jean-Michel

Parallèlement, David a tissé un lien avec Maurice Jarre, le père de Jean-Michel, qui partit faire carrière à Hollywood en laissant derrière lui sa femme, France Péjot, et leur jeune enfant. «Entre lui et moi, le lien était quasiment inexistant, déplore Jean-Michel. David a eu envie de connaître son grand-père à l’adolescence. Eux, au moins, ont réussi à nouer une relation. » «On a tissé un lien distant, confirme David, car il vivait à Los Angeles. Je l’ai rencontré à 15 ans. Il m’a dit: “Moi, c’est Maurice. Tu ne vas quand même pas m’appeler papy!” Dès qu’il venait en France, on se voyait autour d’un déjeuner ou d’un dîner. Parfois, mon père se joignait à nous… On avait un vrai rapport grand-père-petit-fils, il était super fier que je me sois produit devant Jacques Chirac…»

A-t-il œuvré à une réconciliation entre Maurice et Jean-Michel? « On parlait sans cesse de mon père. À son sujet, Maurice n’avait que des bonnes paroles, il n’a jamais essayé de m’influencer ou d’envoyer des messages à travers moi. Il me racontait ses débuts au TNP avec Jean Vilar, ses Oscars, à Hollywood. C’était une nouvelle couche de rêve à chaque fois.»

Avec mes enfants, avec David, j’ai toujours estimé qu’il fallait maintenir le dialogue

Jean-Michel Jarre

Jean-Michel a laissé la vie œuvrer à cette rencontre entre deux hommes, restant à l’écart, sans remords ni regrets. « Je me suis construit sans lui. Ma mère a été une femme exceptionnelle, elle m’a appris la bonté avec tout ce que cela comporte de compréhension, de bienséance, de gratitude. Je savais que Maurice était vivant, qu’il était compositeur. Et on se parlait de tout et de rien – surtout de rien – de temps en temps.»

En 2009, Jean-Michel n’apprendra le décès de Maurice que trois jours après sa mort. Aujourd’hui encore, la question de son héritage – dont il a été exclu ainsi que sa demi-sœur, Stéfanie Jarre – n’est pas réglée, la Cour européenne des droits de l’homme n’ayant pas statué sur le conflit qui l’oppose à la quatrième et dernière épouse du compositeur de musiques de film.

«Avec mes enfants, avec David, j’ai toujours estimé qu’il fallait maintenir le dialogue. C’est l’œuvre de ma vie de faire en sorte que cette famille continue à exister, malgré les éloignements, les séparations… Pendant le Covid, Barnaby était coincé à Londres, on ne s’est pas vus pendant plus d’un an…»

La création, pour nous, est vitale

David Jarre

Personne, en revanche, n’a cessé de travailler. David a lancé des sessions de magie par Zoom: «Cela m’a permis de développer un nouveau rapport à l’écran et à la caméra. Qui m’a décidé à faire de la télévision…» Jean-Michel s’est attelé à la composition de cet «Oxymore» fabuleux – quatre ans après «Equinoxe Infinity» – conçu pour être écouté en binaural, procédé sonore immersif qui le rend fou. Charlotte a aussi retrouvé le chemin des studios, grâce au compositeur Léonard Lasry.

«La passion les nourrira jusqu’à leur dernier souffle, constate David. Et cette même passion leur permet de repousser ce dernier souffle. La création, pour nous, est vitale. Mais ils sont un bel exemple de pugnacité…» Et si le temps ne semble pas avoir de prise sur la famille Jarre-Rampling, cela constitue probablement leur plus beau tour de magie…

 

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