PORTRAIT. « C’est courageux » : Gaël Fickou, centre du XV de France et président d’un club de rugby
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PORTRAIT. « C’est courageux » : Gaël Fickou, centre du XV de France et président d’un club de rugby

À 29 ans, Gaël Fickou cumule les rôles : il est à la fois le joueur le plus expérimenté du XV de France (83 sélections) et président du club de son enfance, celui de La Seyne-sur-Mer (Var). Il a repris l’USS, qui évolue en Nationale 2, avec son frère aîné Jérémie en 2019. En quatre ans, le duo a accumulé les succès sportifs et a mis l’accent sur la dimension sociétale du club.

Gaël Fickou, ici face à la Namibie au Vélodrome jeudi 21 septembre, est le vice-capitaine du XV de France depuis janvier 2020.
Gaël Fickou, ici face à la Namibie au Vélodrome jeudi 21 septembre, est le vice-capitaine du XV de France depuis janvier 2020. | PHOTO : NICOLAS TUCAT / AFP
  • Gaël Fickou, ici face à la Namibie au Vélodrome jeudi 21 septembre, est le vice-capitaine du XV de France depuis janvier 2020.
    Gaël Fickou, ici face à la Namibie au Vélodrome jeudi 21 septembre, est le vice-capitaine du XV de France depuis janvier 2020. | PHOTO : NICOLAS TUCAT / AFP

Après la victoire historique contre la Namibie (96-0), jeudi dernier dans le cadre de la Coupe du monde de rugby, Gaël Fickou, le centre du XV de France (29 ans, 83 sélections), s’est présenté devant les médias avec un sourire en coin. Malgré la grave blessure de son capitaine Antoine Dupont, il tentait d’évacuer le négatif. Dans cette quête de la positive attitude, le joueur du Racing 92 était bien aidé par son plaisir de retrouver le Vélodrome, lui le fan de l’Olympique de Marseille depuis son plus jeune âge.

« C’est mon stade préféré dans le monde entier, avouait-il. Je suis d’ici. C’est toujours particulier pour moi de jouer là. J’adore cette région. » Avant de monter dans le bus des Bleus, Gaël Fickou a pris le temps de jeter un œil sur le résultat de son club de cœur. Ce jeudi soir, l’OM venait d’arracher le nul sur la pelouse de l’Ajax d’Amsterdam (3-3), en Ligue Europa. « C’est correct », livrait-il en guise d’analyse, avant de prendre la direction du lieu de résidence des Tricolores, à Aix-en-Provence.

« J’ai appris à me contenter de choses simples »

Gaël Fickou a vu le jour à une soixantaine de kilomètres de Marseille, à La Seyne-sur-Mer (Var). De son enfance à la cité Berthe, il a conservé sa passion pour l’OM et aussi un attachement profond à ce coin de France, bordé par la Méditerranée. « J’ai passé 18 ans de ma vie là-bas,  nous confiait-il, courant avril, au centre d’entraînement du Racing 92, pour évoquer la sortie de son autobiographie Derrière l’armure (Solar, 2023). J’ai de nombreux traits de caractère, que je revendique, qui viennent de mon quartier : ne jamais abandonner, être solidaire et respectueux… Dans une cité, c’est primordial. J’ai appris à me contenter de choses simples. Aujourd’hui, je n’ai pas besoin d’avoir une très belle voiture. Les trucs trop guindés, ce n’est pas moi. Ce n’est pas que je ne les apprécie pas, mais ce n’est pas là où je me sens le plus à l’aise. »

Gaël Fickou préfère être au milieu des siens, dans son cocon. Depuis qu’il a quitté La Seyne-sur-Mer, en 2012, pour signer au Stade Toulousain (2012-2018), il a gardé un lien immuable avec sa famille, restée dans le Var. Avec son grand frère Jérémie (33 ans), ils sont associés dans plusieurs affaires, notamment des restaurants.

Gaël Fickou, le centre du XV de France, est vice-président de l’Union sportive seynoise depuis l’été 2019. | PHOTO : ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP
Gaël Fickou, le centre du XV de France, est vice-président de l’Union sportive seynoise depuis l’été 2019. | PHOTO : ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

À l’été 2019, ils se sont lancés dans une nouvelle entreprise : reprendre le club de leurs débuts, l’Union sportive seynoise (USS), alors en difficulté financière et qui vivotait en Fédérale 2. « On se devait de rendre au rugby ce qu’il nous a donné, avance Jérémie Fickou. Il a changé nos vies. On a envie de transmettre ses valeurs aux jeunes, et aussi l’envie de réussir et de s’impliquer. »

Pour redresser l’USS, 600 licenciés aujourd’hui, les deux frères se sont réparti les rôles : Gaël, vice-président, garde un œil sur tous les domaines et met son image en avant : Jérémie, président, finalise les contrats et gère la structure au quotidien. « C’est un vrai binôme, pose Olivier Remini, président de Fortil, l’un des plus gros partenaires du club. Ils ont une relation particulière, ils sont fusionnels. Quand  ils étaient jeunes, ils dormaient ensemble sur le même canapé. Depuis, ils sont connectés. »

Le lien est désormais entretenu via la messagerie électronique WhatsApp, avec un groupe pour le sportif et un autre pour l’administratif. Gaël et Jérémie Fickou sont en contact permanents, le nombre de coups de fil à la journée est conséquent. Toutes les décisions sont prises à deux.

« Quand ça coince avec un joueur, Gaël prend son téléphone »

Malgré son agenda de rugbyman professionnel, le Racingman se libère du temps pour la gestion de son club. « Il donne son avis sur le recrutement et le plan de jeu, pointe Jérémie Fickou. C’est pour ça qu’on a été la première défense du championnat la saison dernière (sourire) . Quand on voit que ça coince avec un joueur, Gaël prend son téléphone. »

Avec Marc Andreu, les négociations ont été fluides. L’ancien ailier international (7 sélections entre 2010 et 2013), né à Fréjus (Var), a signé à La Seyne-sur-Mer après avoir quitté La Rochelle et le rugby pro, en 2020. « Je connaissais Gaël de l’équipe de France, j’ai dit oui avec plaisir », rembobine l’ancien Castrais, qui souhaitait, lui aussi, effectuer un retour aux sources.

Les échanges peuvent parfois être moins cordiaux. Et les situations plus délicates à gérer. « Par moments, je dois négocier des contrats, développe Gaël Fickou. Cela m’est arrivé d’annoncer à des mecs avec qui j’ai grandi qu’on ne les gardait pas. Ou alors qu’on devait diminuer leur salaire par deux. Ce n’est pas facile. Je me dis que pour Jacky (Lorenzetti, ancien président du Racing 92), ça ne doit pas être simple tous les jours (sourire) . Mais j’apprends plein de choses pour mon après-carrière. »

Gaël Fickou, début septembre lors de l’arrivée du XV de France à Rueil-Malmaison, avant la Coupe du monde de rugby. | PHOTO : ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP
Gaël Fickou, début septembre lors de l’arrivée du XV de France à Rueil-Malmaison, avant la Coupe du monde de rugby. | PHOTO : ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

L’ancien joueur du Stade Français essaie de revenir à La Seyne-sur-Mer au moins une fois par an. Quand il est de passage l’été, il lui arrive de suivre quelques séances de la préparation physique de l’équipe fanion.

Curieux, touche-à-tout et volontaire, Gaël Fickou a vite pris ses marques dans son nouveau costume. « C’est un président humble et acteur, pose Olivier Remini, proche du club de longue date. Quand ça merde, il ne tire pas sur les autres, il prend ses responsabilités. Un peu trop parfois, il doit se protéger. C’est courageux. Ce qui me fait halluciner, c’est son intelligence générale. Son temps d’apprentissage est très court. Cette jeunesse donne du romantisme à son entreprise. » « Avec Jérémie, ils s’engagent beaucoup et mettent énormément d’énergie, étaie Marc Andreu. C’est remarquable ce qu’ils font. »

Sous la présidence des Fickou, La Seyne-sur-Mer, plus vieux club du Var (créé en 1902), a grimpé les échelons pour aujourd’hui évoluer en Nationale 2, le quatrième niveau en France. En plus du sportif, les deux frères ont voulu étendre leur engagement au-delà des terrains.

Après avoir restructuré l’école de rugby et s’être appuyés sur des joueurs du cru, ils proposent désormais de l’aide au devoir pour une trentaine de jeunes, quatre fois par semaine, grâce à leur association Mêlée Crampons. Ils ont aussi emmené plusieurs petits Seynois au Stade de France, en mars dernier, pour voir un match des Bleus face au pays de Galles, lors de la dernière journée du Tournoi des 6 Nations.

« Ils incarnent parfaitement la mixité historique du club »

Dans une ville populaire, les Fickou ont aussi mis en place la gratuité pour les rencontres de l’équipe première. « On a baigné dans le milieu associatif, affirme Jérémie. Notre image sociétale est importante et on voulait la redonner au club. On vient d’un quartier, on le revendique et on est fiers. »

« Ils sont venus accentuer ce qu’il y avait déjà, enchérit Olivier Remini. Le rugby est à la fois très populaire, mais aussi assez élitiste. Ils incarnent parfaitement la mixité historique du club. La Seyne, c’est la zone la plus populaire du bassin toulonnais. L’USS est un parcours d’intégration. Au stade, désormais, il y a tous les types de population. »

Gaël et Jérémie Fickou ont réussi leur mission sur ce volet. Mais ils ont aussi fait face à des moments délicats. Cet été, le club a eu du mal à boucler le budget pour la saison 2023-2024, à la suite de plusieurs désistements de partenaires. Selon Midi Olympique, il a été abaissé de 1,8 million d’euros à 1,2 pour éponger la perte.

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« Pour eux, cette charge est stressante, souligne Olivier Remini, qui les côtoie régulièrement. C’est une exposition qui est compliquée à gérer. Il y a beaucoup de risques pour très peu d’intérêts personnels. Ce sont des mandataires sociaux, avec une association de 600 adhérents. C’est dur, mais ils se battent. » « Avec Gaël, quand on se lance dans un truc, on se donne à 200 %, embraie Jérémie Fickou. On pense que dans quatre ans, avec ce qu’on met en place actuellement, le club pourra s’autofinancer. Une fois que ce sera le cas, on pourra partir tranquilles. »

Pour, sans doute, se lancer dans un nouveau projet.

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