Plusieurs dizaines de meurtres résolus après les aveux explosifs d'un ex-tueur à gages | JDM
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Plusieurs dizaines de meurtres résolus après les aveux explosifs d'un ex-tueur à gages

Frédérick Silva, nouveau collaborateur de la police, a vidé son sac sur son passé de tueur à gages



L’ex-tueur à gages Frédérick Silva, qui collabore maintenant avec la police, pourrait permettre aux autorités de résoudre plusieurs dizaines de meurtres liés au crime organisé québécois et commis depuis une vingtaine d’années. 

• À lire aussi: Crime organisé: le tueur à gages Frédérick Silva devient délateur

• À lire aussi: Un tueur à gages écope de la prison à vie pour trois meurtres

C’est ce que notre Bureau d’enquête a pu apprendre de plusieurs sources fiables au sujet des confessions du tueur de Terrebonne qui fait maintenant trembler des piliers de la mafia montréalaise, des Hells Angels et d’autres organisations criminelles.  

On peut voir Frédérick Silva avec Leonardo Rizzuto et Stefano Sollecito sur cette photo prise lors d’une opération de surveillance policière à l’aéroport Trudeau, le 27 mars 2015. Photo courtoisie

L’impact potentiel des aveux que le nouveau témoin vedette des forces policières leur livre depuis le début de l’été est tel que nos sources nous affirment que «c’est plus gros que Gérald Gallant».

Cette comparaison fait référence au célèbre tueur à gages devenu délateur qui a avoué 28 meurtres, dont plusieurs au cours des années 1990 pendant la guerre des motards, et qui est incarné par Luc Picard dans un film très populaire cet été au box-office. 

Gérald Gallant (à droite) en 2006 sur un enregistrement de ses confessions aux policiers avec qui il a accepté de collaborer, comme Silva le fait présentement. Photo courtoisie

Un assassin occupé

Selon nos informations, Frédérick Silva a fourni des déclarations détaillées à propos de plusieurs dizaines de meurtres commis pour le compte de diverses factions du crime organisé au Québec, notamment par le clan Rizzuto, des motards Hells Angels et d’autres groupes comme la pègre libanaise ou des gangs de rue.  

Silva, qui purge présentement trois peines d’incarcération à perpétuité pour autant de meurtres dont il a été trouvé coupable plus tôt cette année, a lui-même perpétré plusieurs de ces assassinats, seul ou avec l’aide de complices. 

Toutefois, à certaines périodes où les règlements de compte s’accumulaient, le tueur était si occupé qu’il a aussi fait appel à des sous-traitants qui, agissant sous son autorité, ont exécuté certains de ses contrats de meurtre.  

Tout comme Gallant, il a été en mesure de chiffrer les montants d’argent qu’il a touchés en guise de salaire des groupes ayant commandité ces crimes. 

Le nouveau collaborateur de la Sûreté du Québec (SQ) et du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a également fourni des informations sur des criminels mêlés à des complots de meurtre auxquels Silva n’a pas participé directement, mais dont il s’est dit bien au fait.  

Et comme Gallant, celui qui a décidé de se mettre à table avec les policiers quelques jours après son 42e anniversaire de naissance a également reconnu qu’il avait fait des victimes innocentes.  

Il aurait notamment éliminé un homme qui avait eu le malheur de croiser son regard après l’un de ses assassinats et qui était ainsi devenu un témoin gênant pour lui. 

Dès son jeune âge

D’après nos sources, ses confessions ont été visionnées par plusieurs enquêteurs et hauts gradés chevronnés parmi l’élite de la lutte contre le crime organisé au sein de la SQ et du SPVM, ainsi que par d’éminents juristes.  

Ces derniers ont découvert que Silva, qui a grandi à Montréal dans le secteur de la rue Jarry, s’exprime de façon claire, structurée et cohérente, malgré son niveau d’éducation scolaire marginal et son intégration dans le monde criminel dès le jeune âge.  

À 19 ans, l’ex-tueur, qui se disait propriétaire d’une entreprise de rénovation, a écopé de sa première peine de pénitencier quand il a été condamné à quatre ans à l’ombre pour vol à main armée.  

Son casier judiciaire recèle plusieurs autres condamnations, notamment en matière de violence, d’armes et de stupéfiants. 

Avec le chef de la mafia

Silva a été filmé en mars 2013 par les policiers lors du projet d’enquête Magot. Photo courtoisie

Mais c’est véritablement en 2013, durant le projet d’enquête Magot, que les policiers ont commencé à observer Silva en compagnie de gros noms du crime organisé. Et pas les moindres. 

Des documents judiciaires auxquels notre Bureau d’enquête a eu accès le montrent l’après-midi du 27 mars 2015 avec Leonardo Rizzuto, fils du défunt parrain de la mafia Vito Rizzuto, et Stefano Sollecito, qui était alors considéré par la police comme le chef intérimaire de la mafia montréalaise.

Ils sortaient du terminal de l’aéroport Trudeau et faisaient l’objet d’une filature. Chacun trimbalait un bagage ou une mallette.  

Les policiers les ont filmés jusqu’à ce que le trio s’engouffre à l’intérieur d’une Honda Accord noire avec Silva comme conducteur. 

Silva (à gauche) a aussi été filmé par la police lors du projet Magot en compagnie de l’influent chef de gang Gregory Woolley en décembre 2014. Photo courtoisie

Les mêmes documents judiciaires montrent également Silva avec l’influent chef de gang Gregory Woolley, en train de se faire « une poignée de bras de fer et [une] accolade », alors qu’ils sortaient du Café Bistro Empire, sur la rue Jean-Talon Est, l’avant-midi du 1er décembre 2014.

Aucune des personnes observées par la police en compagnie de Silva n’a cependant été arrêtée pour meurtre à la suite du projet Magot. 

Il n’a pas demandé un sou à l’État

Frédérick Silva n’a réclamé aucune compensation financière en échange de sa collaboration avec les policiers, contrairement à la quasi-totalité des criminels qui acceptent de retourner leur veste. 

Tout ce que l’ancien tueur à gages a demandé aux autorités, c’est qu’elles assurent sa protection, ainsi que celle de sa famille, selon ce que notre Bureau d’enquête a appris de plusieurs sources fiables. 

Craignant pour sa sécurité et celle de ses proches, Silva a consenti à collaborer avec une brigade spéciale d’enquêteurs de la Sûreté du Québec et du Service de police de la Ville de Montréal, au début de l’été. 

Le 30 juin dernier, les policiers ont mené une délicate opération visant à aller chercher Silva au Centre régional de réception, l’un des trois pénitenciers fédéraux situés à Sainte-Anne-des-Plaines où il était détenu pour meurtres. 

Les policiers l’ont escorté hors du pénitencier et l’ont fait monter à bord d’un hélicoptère de la SQ pour l’amener en lieu sûr, dans un endroit gardé secret. 

Fausses identités

Silva faisait partie des dix criminels les plus recherchés au Québec lorsqu’il a été appréhendé à l’hiver 2019 dans un condo du Vieux-Montréal où il se terrait. 

Le revolver que Silva a abandonné sur les lieux de sa tentative de meurtre à l’encontre du mafioso Salvatore Scoppa en 2017. Photo courtoisie

Il était alors soupçonné d’au moins quatre meurtres, ainsi que d’une tentative de meurtre commise aux dépens du redoutable chef mafieux Salvatore Scoppa, un rival du clan Rizzuto qui avait été atteint à un bras par l’un des projectiles tirés par Silva, le 21 février 2017 à Terrebonne. 

Entre 2017 et 2019, Silva a passé la plupart de son temps à vivre en fugitif, sans mettre les pieds à son ancienne résidence de Terrebonne, d’après nos informations.  

Il a vécu sous plusieurs identités d’emprunt, dont David Guérard et Michael Vincinni, ayant même le culot de faire une demande de passeport aux autorités canadiennes avec une photo de son visage, mais sous un faux nom.  

Il s’est aussi laissé pousser les cheveux et la barbe en espérant tromper la vigilance des forces de l’ordre qui le traquaient.   

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D’autres célèbres tueurs à gages qui se sont mis à table 

GÉRALD GALLANT

Photo d'archives
  • Arrêté en Suisse en 2006, l’ex-tueur à gages des Rock Machine et du gang de l’Ouest a avoué 28 meurtres commis entre 1978 et 2003, en plus de faire condamner 11 complices ou commanditaires de ses crimes.
  • Condamné à l’incarcération à perpétuité en 2009, il reçoit seulement 50 $ par mois de l’État pour payer sa cantine en détention, et ce, jusqu’en 2034 où il sera admissible à une libération après 25 ans à l’ombre.

YVES « APACHE » TRUDEAU

Photo d'archives
  • Premier membre des Hells Angels à devenir délateur, il admet avoir tué ou participé aux meurtres de 43 personnes, entre 1970 et 1985, et dénonce plus de 40 complices à la police.
  • En échange de sa collaboration, il est condamné pour homicides involontaires et bénéficie d’une peine réduite de sept ans d’incarcération, en 1986.

DONALD LAVOIE

Photo courtoisie
  • Né à Chicoutimi comme Gérald Gallant, il admet en 1981 avoir participé à 27 meurtres comme tueur attitré de la « famille Dubois », une redoutable organisation criminelle à Montréal, durant les années 1970.
  • Libéré après huit ans de détention, ses témoignages à l’encontre de ses anciens acolytes ont provoqué la chute du clan Dubois.

SERGE QUESNEL

Photo d'archives
  • Ex-tueur à gages des Hells Angels dans la région de Québec, condamné en 1995 pour cinq meurtres.
  • Il était devenu le délateur le mieux payé par l’État, avec une allocation non imposable de 500 $ par semaine pendant 15 ans, soit 390 000 $ jusqu’en 2010.

RÉAL SIMARD

Photo d'archives
  • Tueur à gages de la mafia montréalaise, il s’avoue l’auteur de cinq meurtres et une tentative de meurtre, en 1984.
  • Libéré après dix ans de prison, ses déclarations contribuent notamment à faire condamner son ex-patron, Frank Cotroni.

Si vous avez de l’information sur cette affaire contactez Félix Séguin en toute confidentialité: felix.seguin@protonmail.com et 514-618-6784 (cellulaire, Signal).

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