La pi�ce est dans un premier temps enregistr�e et diffus�e par
Radio France en d�cembre 1981, avant d'�tre publi�e au d�but de 1982. Elle sera cr��e sur sc�ne pour la premi�re fois � New York, en 1985 dans une mise en sc�ne de
Simone Benmussa, qui assurera �galement la premi�re mise en sc�ne fran�aise en 1986, sur la petite sc�ne du
th��tre du Rond-Point. C'est la derni�re pi�ce �crite par
Nathalie Sarraute, et celle qui est la plus jou�e, en France et � l'�tranger. C'est la seule qu'il m'ait �t� donn� de voir sur une sc�ne, au Lucernaire il y 7-8 ans.
Deux hommes, H1 et H2, amis de longue date. H1 vient voir H2 et lui demander pourquoi il semble l'�viter. Apr�s de grandes r�ticences, ce dernier �voque un incident mineur, dans lequel H1 aurait fait preuve de condescendance � son encontre. H1 proteste, des voisins appel�s pour juger le diff�rent ne comprennent pas o� est le probl�me, mais petit � petit, le ressenti mineur fait ressurgir d'autres �v�nements microscopiques mais qui ont laiss� des traces, chacun des deux hommes au final en veut � l'autre, sans pouvoir donner, pour �tayer leur antagonisme, que des petits faits d'une grande banalit�, sans rien de vraiment grave � chaque fois, et qui sont extr�mement subjectifs � �valuer. Mais qui au final font appara�tre une vision de l'existence, des valeurs, qui ne sont pas les m�mes, et qui rendent l'autre odieux.
C'est vraiment une pi�ce tr�s r�ussie, peut-�tre la plus aboutie de
Nathalie Sarraute, ce qui fait regretter qu'elle soit la derni�re, parce qu'au final, malgr� la paradoxe du
tropisme, si diff
icile en th�orie � faire appara�tre sur sc�ne, cela marche tr�s bien
ici. La parole oblige � traquer le presque invisible au quotidien, ce qui fait r�agir instinctivement sans forc�ment mettre des mots dessus�: le dialogue th��tral permet une analyse du ph�nom�ne. Ce qui para�t aller de soi, ce qui est le comportement ��normal�� dans une soci�t�, est en r�alit� une convention, une norme impos�e subtilement, et int�gr�e de mani�re inconsciente�: le bonheur, la r�ussite, la pertinence m�me de ces cat�gories, est discut�e dans la pi�ce. Sans en avoir l'air, � partir de quelques micro-�v�nements quotidiens, comme tout le monde en vit l'auteur analyse le ph�nom�ne. Ce qu'on appelle amiti�, ce qui lie ou s�pare les individus, est aussi examin�. Au terme du processus, exprimer leurs ressentis, aller traquer au plus profond l'authent
icit� subjective d'une interaction, met en �vidence l'incompatibilit� des deux ��amis���: ce qui rendait leur relation supportable, �tait que chacun garde pour soi l'agacement vis-�-vis de l'autre, et un sentiment de sup�riorit� li� � l'incompr�hension suppos�e de celui d'en face. Dire met en lumi�re la faille qui les s�pare, sans aucun moyen de la r�duire. C'est un constat d'incompatibilit� d�finitive.
C'est � la fois tr�s riche et complexe, sans emp�cher une grande efficacit� dramatique. La pi�ce est magistralement construite, avec une progression au niveau du d�voilement de la th�matique, tout en �tant tr�s dr�le. Une grande r�ussite.