Villa Windsor : le palais secret d’Edward VIII et de Wallis Simpson

Villa Windsor : le palais secret d’Edward VIII et de Wallis Simpson

L’ancien pied-à-terre parisien du duc et de la duchesse de Windsor va être réhabilité. Ils y vécurent en exil, ruminant leur aigreur au milieu des dorures.

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C'est le palais des fantômes, un bout d'histoire oublié : la villa Windsor, un hôtel particulier des années 1920, situé au nord du bois de Boulogne qui abrita un temps le général de Gaulle, de la Libération à 1946, puis Edward VIII d'Angleterre, qui fit de la résidence son palais d'exil, quand il fut contraint de déposer la couronne pour épouser Wallis Simpson, la femme qu'il aimait… Il loua la demeure de style néoclassique pour une cinquantaine de dollars par an à la Mairie de Paris, autant dire une bouchée de pain, à charge pour lui de l'entretenir.

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Le tableau ne serait pas complet sans le milliardaire Mohamed Al-Fayed, qui récupéra la maison après le passage des Windsor, toujours soucieux de se rapprocher au plus près de la monarchie britannique. L'homme d'affaires engloutit des sommes folles pour la réhabiliter et son fils Dodi a failli en faire l'écrin de ses fiançailles avec Diana, en 1997…

Et puis elle sombra dans l'oubli, perdit son éclat et devint à sa manière le château endormi des rêves et des souvenirs engloutis. Charge désormais à la Fondation Mansart, qui a remporté la concession auprès de la Mairie de Paris, de lui redonner vie et de l'ouvrir au public dès l'été 2024. « Nous allons investir environ 8,5 millions d'euros pour réhabiliter complètement la demeure, explique Albéric de Montgolfier, le président de la Fondation. On pourra à terme découvrir plusieurs expositions, dont une permanente autour des locataires célèbres des lieux et une présentation du mobilier et des arts décoratifs du début du XXe siècle. C'est la première fois que le public pourra visiter cette demeure historique. »

Trente domestiques

Il ne reste rien des meubles, des bibelots et du faste princier voulu par le duc et la duchesse dans leur palais du 16e arrondissement de Paris, hormis les éléments décoratifs qui seront rénovés. Tout ici avait été pensé pour rappeler qu'on pénétrait dans l'enceinte d'un royaume en exil, un Buckingham miniature servi par une trentaine de domestiques, dont sept valets en livrée rouge. Sans oublier le fameux majordome noir Sydney Johnson, que l'on retrouve dans la saison 5 de la série The Crown Tous étaient tenus de donner à Wallis du « Votre Altesse Royale », le titre que lui avait refusé le palais de Buckingham, à la grande fureur de l'ex-roi Edward VIII.

Dès leur arrivée au début des années 1950, les Windsor se lancent dans de gros travaux de rénovation, une façon pour la duchesse d'occuper ses journées. Elle fait appel au décorateur Stéphane Boudin, directeur de la Maison Jansen, qui conçoit une véritable bonbonnière de luxe avec marbres et boiseries, chinoiseries, plafonds peints de fresques exotiques, balustrade d'esprit rococo, grands miroirs où se reflètent lustres et candélabres… Dans le hall trône l'étendard majestueux du prince de Galles, ultime relique d'une gloire révolue.

À défaut de l'Angleterre, le couple règne sur le monde vide et futile des mondanités en conviant leur cour dans leur palais cossu sur des bristols frappés de la couronne… La cuisine dispose à elle seule de sept employés, on utilise des services et de l'argenterie rapportés des résidences d'Angleterre, sous la coupe d'une Wallis connue pour sa maniaquerie maladive – elle exigeait que les feuilles de salade soient de la même taille et de la même forme, rapporte Charles Higham, son biographe. Dans la salle à manger, les invités sont servis autour de deux tables de huit personnes, décorées de grands candélabres vénitiens en argent massif et de bouquet de fleurs rares. Après le dîner, on propose des boîtes à cigarettes gravées en argent et en or et des rince-doigts de cristal. Et il arrivait parfois que certaines soirées prennent des allures de bacchanales et finissent en parties fines, arrosées de whisky…

Dans ce palais des vanités, le duc et la duchesse reçoivent régulièrement diplomates, stars, aristocrates – comme l'empereur Hirohito et son épouse en 1971 –, hommes d'affaires et amis, dont Oswald et lady Mosley, fascistes notoires des années 1930, qui ont également trouvé refuge en France. Devant un public conquis, le duc s'exprime aussi bien en français, en espagnol ou en allemand, et fait souvent rouler la conversation sur la Seconde Guerre mondiale, répétant ses vieilles marottes, assurant que l'Angleterre aurait dû rester neutre et signer une paix séparée avec Hitler, pour laisser les Allemands et les Italiens écraser Staline… Exactement l'inverse de l'esprit de résistance incarné par son frère George VI et Churchill.

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50 millions de joyaux

Pour tromper son ennui, la duchesse se mue en icône de mode, couverte de joyaux par son époux – une collection qui atteindra 50 millions de dollars aux enchères après sa mort –, passe son temps dans les instituts de beauté, devient l'égérie des plus grandes marques de mode de l'époque, avant d'être détrônée par Jackie Kennedy dans les pages people. Elle soutient des œuvres de charité, chouchoute ses carlins, écrit ses Mémoires, pendant que le duc joue au golf, fume le cigare et jardine à ses heures perdues – il achète et aménage un moulin à Gif-sur-Yvette. Mais la grande priorité du roi déchu sera surtout de maintenir ses comptes à flot pour financer son exil. Connu pour sa pingrerie, il surveillait de près ses investissements dans des portefeuilles diversifiés et restait en contact à Londres avec ses avocats et ses conseillers pour gérer ses intérêts royaux – il avait négocié avec Buckingham une rente annuelle d'environ 100 000 dollars, qui s'ajoutait à sa fortune personnelle.

Après la mort du duc, en 1972, Wallis continue d'occuper les lieux. Telle une star hollywoodienne sur le déclin, la duchesse se fait soudain plus rare. Elle craint un attentat communiste, ne sort jamais sans son garde du corps, fait installer des alarmes sur chaque fenêtre, exige de dormir à côté d'un révolver – que son entourage finit par dénicher dans un magasin de jouets – et se soucie de préparer sa tombe dans le cimetière royal de Frogmore, près du château de Windsor, là où repose son époux. Elle perd peu à peu la tête et l'usage de ses membres, connaît une fin de vie crépusculaire et s'éteint presque dans l'oubli en 1986, à 90 ans, en alimentant toujours les plus folles rumeurs – on ira jusqu'à dire qu'elle était morte depuis des mois et qu'on l'avait congelée. Jusqu'au bout, elle a conservé près d'elle son coussin favori sur lequel était brodée sa maxime : « On n'est jamais ni trop mince ni trop riche »…

À lire : La Scandaleuse duchesse de Windsor, de Charles Higham (éditions JC Lattès, 2005, 477 p.).

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Commentaires (12)

  • Brattelle

    Il y en a d autres logés a l oeil. Edith Cresson, et tous les amis d Hidalgo qui ne payent pas cher leurs peniches de luxe sur tous les quais.

  • Brattelle

    L important ce sont les appartements de fonction qui se feront jour dans cette villa pour les amis d amis.

  • Baden48

    Par Alain (Paris)
    J'ai eu exactement la même réaction !
    On comprend pourquoi nous avons eu la révolution en 1789 !