« The Burial » : le croque-mort et l’avocat | Le Devoir

«The Burial»: le croque-mort et l’avocat

Tommy Lee Jones interprète le rôle de Jeremiah O’Keefe et Jamie Foxx personnifie Willie Gary dans le film « The Burial ».
Skip Bolen / Prime Video Tommy Lee Jones interprète le rôle de Jeremiah O’Keefe et Jamie Foxx personnifie Willie Gary dans le film « The Burial ».

Lorsque Willie E. Gary, un avocat flamboyant, reçoit Jeremiah Joseph O’Keefe, un propriétaire de maisons funéraires, son premier réflexe est de refuser la cause de ce dernier, qui vient d’être floué par un rival. C’est que le juriste se spécialise en droit criminel, pas en droit des affaires, et il tient à demeurer invaincu. Qui plus est, Gary représente exclusivement des membres de la communauté noire, à laquelle il appartient. Or, Jeremiah est blanc, et dans le Sud des États-Unis, tout cela est connoté. Sauf qu’entre ces deux hommes en apparence différents en tout, une sympathie mutuelle s’installe d’emblée. Tiré d’une vraie affaire, The Burial est un récit judiciaire à la David contre Goliath dans la veine d’Erin Brockovich.

Longtemps en développement, le film s’inspire d’un article du New Yorker relatant comment l’entreprise canadienne Loewen Group, alors un géant du domaine funéraire, fit traîner la signature d’un contrat de rachat partiel de manière à acculer à la faillite l’entreprise d’O’Keefe, d’ores et déjà fragilisée.

Or, outre la saga personnelle d’O’Keefe en vue d’obtenir justice, le film lève le voile, ou plutôt le linceul, sur des pratiques parfois ignobles.

Pendant le procès en effet, toutes sortes de manoeuvres et politiques douteuses privilégiées au sein de ce qu’on appela « l’industrie de la mort », furent mises au jour. Le film se double donc d’un commentaire sur ladite industrie.

Le sous-texte du racisme, développé durant le procès, confère par ailleurs un surcroît d’épaisseur au film.

Foxx et Jones complices

Réalisé par Maggie Betts, The Burial est propulsé par une mise en scène énergique, quoiqu’impersonnelle — la cinéaste avait impressionné davantage avec son premier film, Novitiate. Le scénario relève quant à lui d’une construction classique, où tout survient tel qu’anticipé.

Et c’est là que le tonus de la réalisation de Betts se révèle déterminant, puisque tout bouge tant et si bien, que pour un peu, on en oublierait que tout bouge exactement et systématiquement dans la direction attendue.

Dans les rôles de Willie E. Gary et Jeremiah Joseph O’Keefe, Jamie Foxx et Tommy Lee Jones sont très complices. Les touches d’humour qui parsèment le film émanent, pour l’essentiel, du duo mal assorti que forment les deux acteurs avec un plaisir évident.

Le reste de la distribution est solide également. En épouses qui écoutent, encouragent et soutiennent, Jure Smolett et Pamela Reed brillent en dépit de partitions sous-écrites. En p.-d.g. sans scrupule, Bill Camp marque lui aussi des points. Quoique la confrontation finale en cour, trop manifestement calquée sur celle, emblématique, de A Few Good Men (Des hommes d’honneur), n’est pas l’apothéose promise : Raymond Loewen n’a pas l’aura du colonel Jessep, et Bill Camp n’a pas le magnétisme de Jack Nicholson.

C’est symptomatique d’un film rondement mené et interprété avec panache, mais qui évoque beaucoup d’autres productions similaires sans jamais parvenir à les égaler.

The Burial (V.O.)

★★★

Drame judiciaire de Maggie Betts. Avec Tommy Lee Jones, Jamie Foxx, Jure Smolett, Pamela Reed, Alan Ruck, Bill Camp. États-Unis, 2023, 126 minutes. Sur Prime Video.

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