Muse de David Lynch, elle se révéla dans “Blue Velvet”, avant d'être sa Lula pour un film Palme d’Or, puis de le retrouver dans l’immense “Inland Empire”, qui ressort bientôt. Alors qu’elle est à l’affiche de “The son”, Laura Dern revisite son parcours et affiche son goût pour un cinéma radical.
- Laura Dern Actrice et productrice américaine
Nous avons rencontré Laura Dern lors de son passage à Paris. Peut-être que Bob, de Twin Peaks, s’est invité à notre rendez-vous, car la prise de son de cet entretien a été altérée. Nous avons préféré conserver ce qui pouvait l’être et faire un nouvel enregistrement de la traduction, avec Xavier Combe, certains passages de l’original étant inaudibles. Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée.
Enfant de la balle, fille des acteurs Bruce Dern et Diane Ladd, Laura Dern est entrée dans le métier à l’âge de six ans, en mangeant dix-neuf glaces devant la caméra de Martin Scorsese, pour le besoin d’une seule scène. C’est le début d’une carrière marquée par un engagement sans faille, le parcours d’une actrice inclassable qui depuis cinq décennies de cinéma s’est frayée un chemin auprès des plus grands auteurs tels David Lynch, Alexander Payne, Robert Altman, Peter Bogdanovich, Paul Thomas Anderson ou Clint Eastwood. Aussi à l’aise dans les films indépendants que dans les superproductions, elle a incarné tour à tour la paléobotaniste de Jurassic Park, la sulfureuse Lula de Sailor et Lula, la vice-amirale de Star Wars, la redoutable ponte de la Sillicon Valley Renata Klein de la série Big Little Lies ou encore l’avocate compatissante et manipulatrice de Marriage Story, prestation qui lui a valu l'Oscar du meilleur second rôle. Toujours en quête d’héroïnes plus complexes, elle a trouvé son pygmalion idéal en la personne de David Lynch, maestro de l’étrange dont elle habite les obsessions depuis le somptueux Blue Velvet. Ils se sont retrouvés à trois reprises, pour Sailor et Lula, Inland Empire et la troisième saison de Twin Peaks, nous offrant par là l’un des plus beaux duos réalisateur-actrice qu’Hollywood a enfanté.
Le 28 février 2022, Laura Dern était à l’affiche de The Son de Florian Zeller, cinéaste français qui fut oscarisé pour The Father en 2020. Aux côtés de Hugh Jackman et Vanessa Kirby, elle incarne Kate, une mère désemparée par la dépression de son fils adolescent. Une partition poignante qui nous a donné l’occasion de revenir sur la carrière d’une actrice qui illumine le cinéma américain depuis les années 1980.
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Une actrice polymorphe, au service de ses personnages
Fascinée par la complexité humaine comme elle nous l’explique au cours de l’entretien, Laura Dern a étudié au Lee Strasberg Theatre and Film Institute dès l’âge de neuf ans, avant d’apprendre la méthode de l’Actor Studio auprès de Sandra Sickat, qui a été sa professeure toute sa vie. De quoi lui donner les outils pour se glisser au mieux dans la peau des nombreux personnages à failles qui peuplent sa filmographie :
« Ce qui est formidable quand on est comédienne, c’est que l’on rencontre des personnages qui sont radicalement différents, mais on accepte des rôles que l’on comprend du point de vue émotionnel et humain. Je me sens toujours proche des personnages que j’incarne. » Laura Dern
Des girls next door auxquelles on avait essayé (en vain) de la cantonner au début de sa carrière, aux nombreuses femmes puissantes et ambiguës pour lesquelles on la plébiscite depuis dix ans, l’évolution des rôles joués par Laura Dern dessine le portrait d’une actrice pugnace, toujours prête à renverser les stéréotypes. En creux, la diversification progressive de sa filmographie donne à lire la mutation d’une industrie qui, particulièrement depuis Me Too, s’ouvre peu à peu aux personnages féminins plus complexes :
« Les temps ont beaucoup changé. Au cours des dernières années, j’ai incarné des femmes qui détiennent le pouvoir : des PDG de sociétés technologiques, des femmes ultra-puissantes… Dans le film Marriage Story de Noah Baumbach, je suis avocate. J’incarne des femmes dont l’appétit et le carriérisme sont voraces et pourtant elles n’ont pas l’allure de leurs aînés. Dans le passé, si je devais incarner une femme puissante, c'était assez péjoratif, alors qu’aujourd’hui, on n’a pas besoin de tout expliquer, elle peut être arrogante, humble, sympathique, antipathique… » Laura Dern
Une muse lynchéenne
Depuis Blue Velvet en 1986, dans lequel elle jouait l'ingénue Sandy qui ne cessait de s’étonner à quel point nous vivons dans “un monde bien étrange”, Laura Dern a noué une complicité rare avec David Lynch, dont elle est sans conteste la muse.
« Lorsque nous nous sommes rencontrés, je venais d’avoir 17 ans. C’était comme rencontrer un membre de ma famille, je ne sais pas bien pourquoi. Tout ce qui concerne David est nimbé de mystère et de magie. J’ai eu beaucoup de chance. Il n’y a pas eu d’audition au sens traditionnel, mais il a eu cet instinct de m’embaucher. C’est une aventure, une amitié et une collaboration qui dure depuis ce moment-là et je dois dire que c’est une expérience formidable. La plus formidable expérience de ma vie d’artiste. » Laura Dern
Quatre ans après leur première collaboration, elle le retrouve pour Sailor et Lula (Wild at heart), Palme d’Or à Cannes, puis ce sera le sublime Inland Empire, en 2006, qui va bientôt ressortir en version restaurée, et enfin le rôle de Diane dans Twin Peaks - The Return, en 2017.
« David Lynch m’a donné un monde sans limites à jouer, mais en faisant passer de la sincérité et de la simplicité malgré le caractère extrême des scènes que je devais tourner. Il est le meilleur professeur de cinéma et de comédie que je n’ai jamais eu. » Laura Dern
Laura Dern se dit également très inspirée par le réalisateur, un artiste total dont elle admire la radicalité :
« Je ne l’ai jamais vu en train de faire de l’art pour les autres, il fait de l’art parce qu’il n’a pas le choix. C’est un feu qui brûle en lui, un feu qu’il doit faire sortir de lui-même. C’est si pur que ça change la définition que l’on donne à la notion de narration et de récit. Il est plein d’innocence et croit aux gens, mais, en même temps, il sait montrer ce qu’il y a de plus sombre dans la vie. Je ne connais aucun réalisateur qui sache franchir toutes ces limites et parcourir cette ligne de crête. En tant que femme, en tant qu’actrice, il m’a poussé dans mes derniers retranchements et notamment dans Inland Empire puisque je joue quasiment tous les personnages, et ce, sans le savoir à l’époque. » Laura Dern
« The Son », dernier opus de sa filmographie
Le jour de l'entretien, elle était à l’affiche de The Son de Florian Zeller. Un film à la fois douloureux et lumineux, dans lequel elle incarne Kate, une mère qui semble au départ porter une part de responsabilité dans le mal-être de son fils. L’actrice nous explique comment convoquer les sentiments justes pour la scène à jouer :
« Florian Zeller a choisi de ne pas faire de répétition pour ce film, ce que je trouve formidable parce que c’est de l’émotion brute. À chaque fois qu’on arrive sur le tournage, on a une nouvelle occasion d’explorer et d’exploser l’émotion du moment présent. » Laura Dern
Interrogée sur ce qu’elle pense apporter à ses partenaires sur un tournage, notamment celui de The Son, Laura Dern déclare :
« S’agissant du film de Florian, Hugh Jackman et moi nous sommes apportés un partenariat profond. Quand on se retrouve dans la difficulté sentimentale et la bénédiction que c’est d’être parents, on a des réponses, mais on ne les a pas toutes. Nous avons lui et moi des ados, chacun une fille et un fils, donc quelle découverte sur le tournage... J’espère que j’apporte de l’honnêteté à mes partenaires et à mon réalisateur. J’essaye de m’y tenir parce que quand on est comédienne, ce que l’on désire le plus profondément, c'est de rester honnête et il faut que ça se voit dans les yeux du partenaire avec lequel on joue. » Laura Dern
Ses actualités :
- Laura Dern sera prochainement à l’affiche de Morning, de Justin Kurzel, mais aussi War Unfolding, de John B. Benitz, ou encore de Lonely Planet, de Susannah Grant, sur la plateforme Netflix. En attendant, on peut la revoir dans The Son, de Florian Zeller, disponible en DVD et Blu-Ray chez ORANGE STUDIO.
Sons diffusés pendant l'émission :
- Générique + extrait de la sitcom “I love Lucy”, créée par Jess Oppenheimer, Madelyn Pugh et Bob Carroll Jr.
- Chanson “Blue Velvet” interprétée par Isabella Rossellini dans "Blue Velvet" de David Lynch.
- Extrait du film "Jurassic Park" (1993) de Steven Spielberg, en VF.
- Bande Annonce de “The son” de Florian Zeller.
- Thème principal de "Twin Peaks"
L'équipe
- Production
- Production déléguée
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- Collaboration
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- Réalisation
- Lise RipocheStagiaire