G5 Sahel : le départ du Niger et du Burkina Faso confirme la "mort cérébrale" de l’organisation
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G5 Sahel : le départ du Niger et du Burkina Faso confirme la "mort cérébrale" de l’organisation

Après le Mali, qui avait claqué la porte en mai 2022, le Niger et le Burkina Faso ont annoncé samedi leur retrait du G5 Sahel. Un revers supplémentaire pour cette organisation créée en 2014 et dont la force antijihadiste n’est jamais parvenue à s’imposer efficacement sur le terrain.

Des soldats mauritaniens à un poste avancé de la force opérationnelle du G5 Sahel, dans le sud-est de la Mauritanie, le long de la frontière avec le Mali, le 22 novembre 2018.
Des soldats mauritaniens à un poste avancé de la force opérationnelle du G5 Sahel, dans le sud-est de la Mauritanie, le long de la frontière avec le Mali, le 22 novembre 2018. © Thomas Samson, AFP
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De cinq, ils sont passés à quatre, et ne sont désormais plus que deux. Le G5 Sahel, organisation rassemblant la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad, a perdu, samedi 2 décembre, deux nouveaux membres.

Emboîtant le pas à Bamako, dont les autorités de transition avaient annoncé leur départ en mai 2022, le Burkina Faso et le Niger, également dirigés par des militaires, ont à leur tour annoncé leur retrait de cette organisation qui inclut une force conjointe de lutte contre le terrorisme.

Ce départ est une nouvelle illustration du tournant "souverainiste" revendiqué par les trois pays qui ont signé en septembre un pacte de défense mutuelle, l'Alliance des États du Sahel (AES), cimentant le partenariat entre leurs armées. Il marque aussi une nouvelle étape de la rupture avec les anciens partenaires occidentaux et notamment la France, engagée depuis le départ auprès du G5 Sahel.

Une force régionale pour remplacer Barkhane

Créé le 19 décembre 2014, le G5 Sahel est un cadre de coopération entre cinq pays de la bande sahélo-saharienne consacré aux questions de développement et de sécurité. Cette organisation s'est constituée dans le sillon de l’opération Serval, l’intervention militaire française au Mali de janvier 2013, pour stopper l’avancée des groupes jihadistes vers Bamako. L'opération s’est ensuite muée en opération Barkhane, dédiée à la lutte antiterroriste dans l’ensemble du Sahel.

En 2017, le G5 Sahel se dote d’une force militaire conjointe aux cinq États, financée en grande partie par les partenaires internationaux, et en particulier l’Union européenne. Composée de cinq bataillons de 750 hommes – un bataillon par pays – celle-ci doit dans un premier temps venir appuyer les forces de Barkhane et de la mission de l’ONU au Mali, déjà déployées sur le terrain, avec pour objectif de les remplacer à terme.

"La perspective à ce moment-là était l’autonomisation et la coordination des armées de la région pour qu’elles mènent elles-mêmes la lutte antijihadiste", explique Thierry Vircoulon, chercheur associé au Centre Afrique subsaharienne de l'Institut français de relations internationales (IFRI). "Ce projet nécessitait une confiance forte entre les partenaires qui ne s’est jamais vraiment matérialisée."

Méfiance entre les membres

Le lancement de la force conjointe du G5 Sahel a d'emblée débuté sous de mauvais auspices. Trois jours seulement après l’officialisation de sa création – à l'occasion d’une rencontre entre le président français Emmanuel Macron et ses homologues sahéliens en Mauritanie –, le quartier général de la force conjointe, basé au Mali, est détruit lors d'une attaque terroriste, faisant plusieurs morts. Son commandant général, le Malien Didier Dako, est alors évincé au profit du Mauritanien Hanane Ould-Sidi. La force déménage de Sévaré à Bamako.

Sur le terrain, la coopération entre les contingents génère parfois des tensions, aussi bien militaires que politiques. "Bien que réunis au sein d’une même force, tous les États n’ont pas les mêmes priorités en matière de lutte contre le terrorisme", rappelle Niagale Bagayoko, spécialiste des politiques de sécurité en Afrique subsaharienne et présidente de l’African Security Sector Network (ASSN). "Le Tchad, par exemple, s’inquiète plus des attaques de Boko Haram à sa frontière avec le Nigeria que de la progression, plus lointaine, des groupes liés à Al-Qaïda et à l’État islamique."

Autre obstacle, la crainte de certains États de voir des militaires étrangers interférer dans leurs affaires intérieures. "Le périmètre d’action des contingents a donné lieu à des discussions difficiles qui ont freiné le travail sur le terrain", poursuit l’experte. "Les actions de la force se sont cantonnées le plus souvent à la surveillance des frontières, à défaut de pouvoir mener de vraies opérations antiterroristes d’envergure, si ce n’est avec Barkhane."

Tensions avec les partenaires Occidentaux

À ces difficultés opérationnelles s’ajoutent les tensions entre les États du G5 Sahel et les partenaires étrangers. Estimant que les promesses de dons tardent à se concrétiser, plusieurs de ses membres fustigent le "manque de solidarité" de la communauté internationale.  

Certains, comme l’ancien président nigérien Mahamadou Issoufou, critiquent des annonces au compte-gouttes, soulignant la nécessité "d’assurer un financement pérenne" afin de rendre la force "durable et autonome".

Près de deux ans après sa création, moins de la moitié des 418 millions d’euros promis par la communauté internationale a été versée, selon l'ONU. Alors que sur le terrain, malgré la présence des forces de Barkhane, la situation sécuritaire continue de se dégrader, en particulier dans la région dite "des trois frontières", entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso.

Dans ce contexte, la détérioration des relations entre la France et le Mali, à la faveur du double coup d’État – en août 2020, puis en mai 2021 – marquera un tournant pour la force conjointe du G5 Sahel.

Le 15 mai 2022, le Mali claque la porte de l’organisation pour protester contre le refus qui lui est opposé par "certains États du G5 Sahel" d'assurer la présidence tournante de l’organisation, qui devait lui revenir. Dans un communiqué elle fustige les "manœuvres d'un État extrarégional" – sous-entendu, la France – "visant désespérément à isoler le Mali".

Sur la même ligne, le Burkina et le Niger indiquent, dans leur communiqué daté du 1er décembre annonçant leur retrait de l’organisation, que le G5 Sahel ne doit pas "servir les intérêts étrangers au détriment de ceux des peuples du Sahel".

Rupture inévitable

Pour Niagale Bagayoko, les départs successifs du Mali puis du Burkina Faso et du Niger du G5 Sahel étaient prévisibles et ne font que confirmer "la mort cérébrale de l’organisation".

"Le G5 Sahel s’est révélé inefficace. Sa force conjointe n’a jamais été véritablement opérationnelle dans la lutte antiterroriste. Après le départ du Mali et la signature avec le Burkina et le Niger de l'Alliance des États du Sahel, le retrait de ces deux pays de l’organisation n’a rien de surprenant. Il s’inscrit dans la stratégie initiée par le Mali de remise en question de l’ensemble des cadres d’intervention internationaux sur le plan de la sécurité comme du développement."

Depuis le départ des forces françaises de Barkhane, puis des Casques bleus de l’ONU, les forces maliennes et leurs supplétifs de la milice russe Wagner sont parvenues à reprendre la ville de Kidal mi-novembre, contrôlée depuis dix ans par les groupes armés à majorité Touaregs, signataire de l’accord d’Alger. Une victoire qui a suscité un fort engouement à travers le pays.

"En reprenant Kidal, l’armée malienne a atteint un objectif considéré comme majeur par l’opinion publique et les élites maliennes, à savoir la reconquête de l’intégrité territoriale du pays", explique Niagale Bagayoko. "La question est de savoir si les autorités maliennes disposent des moyens de pérenniser cette victoire à long terme, alors même que le conflit entre Bamako et les groupes politico-militaires du Nord dure depuis des décennies. Enfin, sur le front de la lutte antijihadiste, les attaques récentes perpétrées par le Jnim [lié à al-Qaïda, NDLR] dans la région de Tombouctou et par l'État islamique au Grand Sahara dans la région de Menaka laissent penser que le combat contre ces groupes est encore loin d'être gagné."

Dimanche, cinq attaques terroristes ont été perpétrées par des groupes terroristes dans les localités maliennes de Ménaka, mais aussi de Labbezanga, Tessalit ou bien encore Dioura, faisant plusieurs dizaines de morts. Une semaine plus tôt, au Burkina, plusieurs centaines de jihadistes ont lancé une attaque de grande envergure contre la base militaire à Djibo, repoussée par l’armée au terme d’affrontements meurtriers.

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