« La mort de Senna, quel choc ! » Retour sur ce drame qui a bouleversé la Formule 1 - Edition du soir Ouest-France - 30/04/2020
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    Formule 1
    Ayrton Senna, le jour du Grand Prix de Saint-Marin, le 1er mai 1994. (Photo : AFP)
    Le sport

    « La mort de Senna, quel choc ! » Retour sur ce drame qui a bouleversé la Formule 1

    Par Adrian PRIGENT

    Le 1er mai 1994, le pilote brésilien Ayrton Senna trouve la mort lors du Grand Prix de Saint-Marin. Un drame qui a déclenché une véritable prise de conscience en termes de sécurité dans le monde automobile. Jean-Louis Moncet, commentateur de la Formule 1 sur TF1 au moment des faits, revient avec nous sur ce week-end noir.

    Il est 18 h 37 lorsque le docteur Maria Theresa Fiandri annonce ce que le monde du sport automobile redoute. Ayrton Senna est mort. Le pilote brésilien serait décédé sur le coup. Un drame qui a bouleversé à jamais la Formule 1 au terme d’un week-end meurtrier.

    Lors de la saison 1994, « Ayrton Senna était la seule grande star qui restait, affirme Jean-Louis Moncet, ancien commentateur de la Formule 1 sur TF1. Michael Schumacher n’était pas encore dans le star-system de la F1 et Alain Prost venait de le quitter. »

    Le Brésilien est alors favori pour le titre mondial. Mais avant d’aborder le Grand Prix de Saint-Marin, Ayrton Senna connaît certaines difficultés à bord de sa nouvelle voiture, la Williams FW16. Il a même été contraint d’abandonner lors des deux premières courses malgré ses deux pole positions. Les deux manches disputées ont été remportées par Michael Schumacher.

    Un manque de motivation, lié au départ d’Alain Prost des paddocks, est avancé. Jean -Louis Moncet se remémore. « Le week-end avait commencé par ce fameux message de Senna adressé à Prost : « Alain, mon cher ami. Tu me manques. » Le circuit d’Imola, reconnu pour être rapide, peut être celui de la relance pour Senna.

    Dès les essais libres, un avertissement se produit. Rubens Barrichello au volant de sa Jordan Hart fait une sortie de route à plus de 200 km/h. Le Brésilien enchaîne plusieurs tonneaux après avoir percuté le haut d’une barrière de pneus. « Tout le monde s’est arrêté dans les stands. Ça a fait une claque magistrale », se souvient le commentateur sur TF1 de l’époque.

    Le choc est terrible et le pilote brésilien reste inconscient. « Je ne me souviens pas de mon crash à Imola », avait confié Barrichello à Fox Sports. « Je voulais me faire un nom. Je pensais pouvoir le faire. Mais ma voiture n’a pas supporté ce que je pensais être possible, et j’ai eu un énorme accident. »

    Il est rapidement transporté à l’hôpital et pourra en ressortir dès le lendemain avec un bras dans le plâtre et un nez cassé. Plus de peur que de mal. Damon Hill, des années plus tard, pilote de l’écurie Williams-Renault, est revenu sur l’accident et la réaction des pilotes. « Nous avons continué les qualifications rassurés, car nos voitures étaient solides comme des tanks : nous pouvions être secoués mais pas blessés. »

    Ayrton Senna, à bord de sa Williams FW16 le jour du drame. (Photo : Action Images via REUTERS)

    Pourtant, dès le samedi, un 30 avril, Roland Ratzenberger au volant de sa Simtec sort de piste et se tue. « Une voiture qui n’était pas très solide », déplore Jean-Louis Moncet. Pour la première fois depuis huit ans, un pilote perd la vie au volant d’une Formule 1. L’émotion envahit tous les pilotes et notamment Ayrton Senna. Le Brésilien promet que s’il s’impose à Imola, il brandira un drapeau autrichien en son honneur.

    Très concerné par la sécurité des pilotes, Ayrton Senna envisage de reformer l’association des pilotes pour faire évoluer la Formule 1 en termes de sécurité. Au matin du Grand Prix, il discute avec plusieurs pilotes pour envisager le futur. « Il faut des gens vraiment très concernés et Ayrton Senna l’était, affirme Jean-Louis Moncet. Mais les écuries préféraient mettre leur argent sur l’évolution de leur voiture que sur la sécurité. »

    Senna percute un mur en béton à plus de 200 km/h

    Et le drame arriva. Dans une course particulière animée, Senna perd le contrôle de sa monoplace dans le virage de Tamburello, au sixième tour du Grand Prix de San Marin, alors qu’il est en tête de la course.

    Le Brésilien percute un mur en béton à plus de 200 km/h. Un drame se déroule devant les yeux de Jean-Louis Moncet. « Ça reste mon pire souvenir de commentateur. J’avais employé cette phrase : l’archange gisait à terre, foudroyé. »

    Une scène qui reste gravée dans la mémoire de celui qui commentait la course à la télévision malgré tout. « Senna sort de la piste, il ne réagit plus. Il y a la voiture désarticulée, du sang par terre et l’hélicoptère qui s’en va. Mais tout ça, il fallait le commenter. Alain Prost à ma droite, Johnny Rives à ma gauche devant cette catastrophe vont tout doucement arrêter de parler, souligne-t-il. Les commentateurs peuvent arrêter de parler quand les images s’arrêtent mais ce n’était pas le cas. On est dans une grande solitude. »

    On parle d’un mythe de l’automobile, une légende de la Formule 1. Son décès était inenvisageable. « Quand les Marshall se sont précipités vers la voiture, ils ont effectué un temps d’arrêt. On ne pouvait pas croire que c’était Senna. »

    La course ira pourtant à son terme malgré le contexte tragique. « C’est le destin des pilotes des courses de cette époque que de risquer leur vie, explique Jean-Louis Moncet. La victoire reviendra à Michael Schumacher. Pour moi, il n’y a aucune satisfaction, déclara même celui qui remportera son premier titre de champion du monde cette année-là, à la fin de la course. Cette victoire devrait certainement me rendre heureux, mais selon moi, trop de choses sont arrivées ce week-end pour me laisser ressentir cela. »

    « La F1 a changé beaucoup de choses après ce drame »

    Les morts d’Ayrton Senna et de Roland Ratzenberger entraîneront de nombreux changements et une prise de conscience en Formule 1. « La Formule 1 a tué Senna, avait confié Jean Alesi à Jean-Louis Moncet. Quand le drame n’arrive pas, il est difficile de décider les promoteurs de circuit, les instances fédérales et les écuries à améliorer la sécurité. »

    Après douze années d’inaction, l’Association des pilotes est officiellement réactivée lors du Grand Prix de Monaco 1994. « La F1 a changé beaucoup de choses après ce drame. On a déployé des mesures de sécurité, arranger les circuits mais surtout d’énormes progrès sur la solidité des voitures. »

    Le monde de l’automobile a perdu deux pilotes ce week-end-là. Pourtant, l’une a éclipsé l’autre. « Une expression est alors employée. La mort de Senna a été la deuxième mort de Ratzenberger. »

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