Ce sont deux dossiers embarrassants pour la Ville de Rouen (Seine-Maritime). Elle a été sanctionnée par le tribunal administratif pour des irrégularités dans l’attribution des travaux de rénovation de l’abbatiale Saint-Ouen. Et une autre procédure pourrait arriver prochainement…
Dans les deux jugements rendus par le tribunal, la municipalité a été condamnée à indemniser à hauteur d’un peu moins d’un million d’euros la partie lésée, l’entreprise TERH Monuments historiques.
Un bon de commande… de 5 millions d’euros
Delphine Liebeaux, l’avocate de TERH, a déposé deux recours courant 2022 après que son client a constaté de graves manquements. « Pour l’entreprise, c’est un scandale », explique-t-elle.
Le point de départ, c’est un bon de commande émis le 29 janvier 2021 par la commune de Rouen. Il s’agit d’un accord pour l’entretien de bâtiments communaux d’un montant proche des 450 000 euros. Or, ce marché comprend aussi, pour un tout autre montant, la première tranche de rénovation de l’abbatiale Saint-Ouen.
On parle cette fois de 5 millions d’euros, hors taxe. Dans ces conditions, la commune a pour obligation légale de procéder à un appel d’offres de mise en concurrence, ce qu’elle n’a pas fait. Dès lors, c’est la société Normandie Rénovation, choisie pour le bon de commande, qui a bénéficié de cet important chantier à l’abbatiale, sans laisser de chance à de potentiels concurrents de démontrer leur compétence.
Favoritisme dans un second dossier
Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Après avoir constaté cet écart, la société TERH Monuments historiques, spécialisée dans les travaux de rénovations d’édifices, a alerté la Ville.
Alors, quand une deuxième tranche des travaux se présente en 2022 – de nouveau pour un montant de 5 millions d’euros – la municipalité semble apprendre de ses erreurs. Elle procède bien à un appel d’offres, auquel participe TERH, et aussi Normandie Rénovation.
Après mise en concurrence, c’est une fois encore Normandie Rénovation qui est retenue. Mais il y a un problème : cette entreprise ne possède pas de compétence en échafaudages, pourtant primordiale pour un tel chantier.
Pour vous donner un ordre d'idée, ça représente environ un tiers du budget pour ces travaux.
C’est là que la Ville commet une nouvelle faute : elle autorise Normandie Rénovation à modifier son dossier et y adjoindre un sous-traitant qui s’occupera des échafaudages. Ce qui est formellement interdit et peut être considéré comme du favoritisme.
La Ville de Rouen condamnée par le tribunal
Alors, s’en est trop pour TERH Monuments historiques qui voit lui passer sous le nez, coup sur coup, deux gros chantiers. D’autant que la société possède de son côté la compétence échafaudages et est arrivée deuxième au classement de l’appel d’offres pour cette nouvelle tranche de travaux.
Si tout avait été fait dans les règles, elle considère que c’est à elle qu’aurait dû revenir le marché. Suite aux deux recours déposés par Me Liebeaux, une audience s’est tenue le 5 avril 2024. Dans son verdict rendu un mois plus tard, le 3 mai, le tribunal a bien établi des irrégularités commises par la Ville dans les deux affaires. En revanche, TERH n’a été indemnisée que pour le second dossier.
Dans le premier, le tribunal administratif a estimé que l’entreprise n’avait pas réussi à prouver qu’elle aurait pu obtenir ce marché si tout avait été fait dans les règles. Au bout du compte, la commune de Rouen a été condamnée à verser 20 % du montant du second marché, ce qui correspond à 979 961,56 euros.
De son côté, la Ville dit simplement « étudier avec son avocat la suite à donner, dans les délais légaux s’agissant de la décision de faire appel ou non ». Elle ne devrait pas manquer de communiquer si jamais elle décide de s’opposer aux deux jugements.
Un « troisième volet » en préparation
Mais ce n’est peut-être pas le dernier passage de la commune devant le tribunal administratif. Me Liebeaux nous assure avoir sous le coude « un troisième volet », de cette affaire. Il y aurait eu d’autres irrégularités sur une nouvelle tranche des travaux.
Aucun recours n’a été déposé pour le moment, mais TERH et son conseil se réservent le droit de le faire dans les prochaines semaines. Il résulte en tout cas un sentiment de lassitude et beaucoup d’incompréhension pour l’entreprise, à entendre son avocate.
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