La nouvelle vie de Loïk Le Floch-Prigent - "J'aide les industriels qui souffrent"
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La nouvelle vie de Loïk Le Floch-Prigent - "J'aide les industriels qui souffrent"

Loik Le Floch-Prigent.
Loik Le Floch-Prigent. © FRED TANNEAU / AFP
François de Labarre , Mis à jour le

L’ancien patron du groupe Elf est devenu le bon samaritain des industriels français. 

Paris Match. La plupart de vos conférences ne sont pas rémunérées, ni vos missions de consulting. Comment vous est venue cette idée ?
Loïk Le Floch-Prigent. D’un constat, le déclin industriel de la France. Si je ne peux plus servir mon pays en étant à la tête d’un grand groupe je le fais en aidant les industriels qui souffrent. Malheureusement ils sont nombreux. C’est vital parce que si on ne gagne pas cette bataille de l’industrie, nous sommes perdus. Nous avons trois années pour la remettre en selle. Cela se fera avec ceux qui en ont la volonté et la compétence et sûrement pas avec l’Etat tel qu’il fonctionne, car il a montré son impéritie totale en la matière. 

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Visez-vous un ou des responsables politiques en particulier ?
Je ne vise pas les personnes, politiciens ou administrations, j’observe les faits. Par exemple, l’Etat vient de se rendre compte de la gestion calamiteuse de la société Eramet, dans laquelle il est pourtant actionnaire à hauteur de 30%. En 2010, l’entreprise était saine, aujourd’hui elle a perdu 40 fois sa valeur. Ses dirigeants ont préféré des investissements hasardeux à des travaux indispensables aux structures existantes en Nouvelle Calédonie et au Gabon. L’Etat français non seulement n’a rien vu venir, mais n’a même rien vu du tout. Il vient seulement de le réaliser aujourd’hui à cause de la situation politique en Nouvelle-Calédonie où opère en partie cette société. Je peux aussi vous citer l’exemple d’une société que j’ai aidé à construire, Merial, leader mondial de la santé animale, filiale de Sanofi. Elle est en train d’être cédée par le président de Sanofi dans le seul but de soutenir le titre boursier de la maison mère. Mais on ne vend pas une position mondiale dans l’industrie pour soutenir l’action en bourse d’un groupe quel qu’il soit, c’est absurde ! Personne ne semble s’en soucier alors que c’est une perte de souveraineté sur la filière santé et la filière élevage françaises. 

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"Pour les industriels, l’Etat n’est devenu qu’une contrainte"

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 Aucun homme politique ne trouve-t-il grâce à vos yeux ?
Non, en ce qui concerne l’industrie. Je crois que le système est générateur d’incompétence. Aujourd’hui pour les industriels, l’Etat n’est devenu qu’une contrainte. Je dis à ceux que je rencontre « si vous attendez de l’intelligence de la part d’un politique sur les questions industrielles, vous ne vous en sortirez pas ». Tout n’est pas perdu pour autant, il faut juste cesser d’attendre quoi que ce soit d’en haut et revoir le logiciel. Il y a encore de bonnes intentions chez certains présidents de régions, au gouvernement aussi, Macron ou Valls, mais ils ne connaissent pas le fonctionnement de l’industrie. Ils peuvent accompagner un mouvement, mais c’est aux industriels eux-mêmes de le lancer, de leur montrer la voie, de leur expliquer… Et ceci en arrêtant de se plaindre de telle ou telle caractéristique culturelle française qui a, hélas, encore de beaux jours devant elle. Avec la France telle qu’elle est, avec tous ses défauts, quand on veut réussir on le peut, beaucoup d’industriels vous le montrent tous les jours. 

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On lit dans votre dernier livre un hommage aux pères de l’industrie française, une critique acerbe de l’intelligentsia parisienne. N’avez-vous pas une revanche à prendre sur ceux qui vous ont tourné le dos après l’affaire Elf ?
Non la revanche n’est pas ce qui m’anime, mais la lutte contre le déni de réalité et la nécessité de redonner de l’espoir à notre jeunesse. Certains professent des règles économiques que je considère absurdes qui ont des conséquences néfastes sur l’industrie ou conseillent nos élites n’ont jamais rien accompli en matière industrielle ou entrepreneuriale. Pour ma part, j’ai dirigé quatre entreprises qui ont toutes marché. Je n’ai pas vraiment de complexes à avoir. En plus, je ne suis pas le seul à penser cela. Beaucoup de gens que je rencontre me disent que l’avenir de la France ne se joue plus à Paris. J’entends souvent dire qu’à Paris, « il n’y a plus que des énarques qui font n’importe quoi ». Vous savez quand j’avais 9 ans à Guingamp, mes maitres me disaient: «puisque tu es bon à l’école, plus tard tu iras à Paris.» Aujourd’hui c’est le contraire, la réussite c’est de travailler en région. Je crois même que le sursaut industriel viendra des provinces et sûrement pas de nos élites parisiennes.

 "Incitons les épargnants à se tourner vers l’industrie locale"

Est-ce pour cela que vous faites des tournées, comment cela se passe ?
Ceux qui veulent mes conseils viennent me chercher à la gare et m’offrent une nuit dans un hôtel du coin. Cela m’est arrivé récemment à Quimper, à Brest et en Alsace. Je vais poursuivre ce tour de France qui est passionnant. J’essaie d’aider les industriels à se poser les bonnes questions. Je réfléchis aussi aux types de produits qui pourraient décider les épargnants à investir dans l’industrie. Par exemple, j’ai soumis l’idée à des industriels de relancer vraiment la bière alsacienne traditionnelle de qualité. Elle n’est produite que de manière confidentielle. Pourtant, le modèle économique est viable et on n’a pas besoin d’être diplômé de l’Essec pour comprendre comment élaborer un plan marketing ! Après je rentre dans les détails sur la métallurgie, la chimie, la mécanique, l’énergie … car toutes techniques doivent être mises en œuvre.

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 Quel est votre objectif à terme ?
Il faudrait créer un outil pour rapprocher les investisseurs potentiels, les épargnants, des projets attractifs. Par exemple un fonds d’investissement régional. Il faut inciter les citoyens à se tourner vers l’industrie locale pour l’aider à se développer. Ce serait plus constructif que de placer leurs économies sur des produits financiers indifférenciés ou des assurances-vie qui servent ensuite à financer la dette grecque ou des Subprimes aux USA ! L’industrie locale, ce sont les emplois de demain. Des emplois pérennes dont nous manquons. Idéalement, ce fonds serait doté d’un traitement fiscal favorable. Cela se justifie puisque l’objet est d’investir dans le long terme dans l’industrie de proximité. 

L’imagination viendra des hommes de terrain

Ne seriez-vous pas déjà en train d’attendre quelque chose de l’Etat ?
Bien sûr ! Je souhaite que l’on mette au point des mesures automatiques et incitatives comme le plus grand succès pour l’industrie française, le Crédit impôt recherche. Mais c’était il y a trente ans , depuis le monde a changé et il faut une autre mesure pour l’investissement industriel et une expérimentation dans les territoires va permettre de décider d’aller de l’avant. L’imagination viendra des hommes de terrain, vous verrez ! En résumé, le pays a besoin d’une industrie solide, seule à même de faire repartir l’emploi, pour cela il faut que chaque citoyen en soit persuadé et que l’investissement industriel soit soutenu, les ingénieurs de qualité existent, ils sont la plupart en région, et nous avons la chance exceptionnelle de voir le numérique révolutionner le design, les process et les produits de l’industrie, nous possédons dans notre pays des génies du numérique, nous avons donc trois ans pour redresser le pays Il faut y croire et se mettre au travail. 

Droit de réponse de la société Eramet

Les attaques portées par Monsieur Le Floch Prigent contre le groupe ERAMET, contre l’Etat qui en est actionnaire, et contre ses dirigeants sont tellement éloignées de la réalité - connue de son actionnariat public comme de l’ensemble du marché - qu’elles ne s’expliquent pas, hormis par une volonté de déstabilisation ou de calomnie.

Le groupe ERAMET ne s’est lancé dans aucun « investissement hasardeux », en dépit de ce qu’affirme M. Le Floch Prigent, mais, au contraire, a toujours privilégié l’amélioration de son outil industriel, le maintien de la compétitivité de ses sites qui emploient près de 14 000 personnes dont 5 000 en France, avec notamment le développement de son implantation historique au Gabon auquel 240 M€ ont été consacrés récemment à travers la réalisation d’un nouveau complexe métallurgique, et la mise en œuvre d’une joint-venture dans le domaine des sables minéralisés au Sénégal. La Nouvelle Calédonie a, elle aussi, fait l’objet d’investissements forts, puisque le groupe ERAMET y a réinvesti dans l’outil industriel, via sa filiale SLN, plus d’1,3 milliard d’euros au cours des quinze dernières années. La France, enfin, a bénéficié, ces dernières années, de plus de 150 millions d’euros d’investissements stratégiques.

ERAMET, comme toutes les entreprises minières et métallurgiques dans le monde, traverse une crise très profonde du secteur des métaux. Mais grâce notamment aux mesures de réduction des coûts et d’amélioration de la productivité, qui concernent le groupe dans son ensemble, Eramet dispose, en début d’année, d’une liquidité financière importante.

Ses dirigeants mettent tout en œuvre pour faire face à cette période difficile ; leur engagement au service du Groupe est aujourd’hui, comme hier, indiscutable

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