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Greta Gerwig, la superbankable présidente du jury du Festival de Cannes 2024

Greta Gerwig, présidente du jury du 77e Festival de Cannes, monte les marches du Palais. (Cannes, le 14 mai 2024.)
Greta Gerwig, présidente du jury du 77e Festival de Cannes, monte les marches du Palais. (Cannes, le 14 mai 2024.) Sarah Meyssonnier / REUTERS

Étoile du cinéma indé, cinéaste superbankable depuis
Barbie, elle préside le jury de la 77e édition du Festival de Cannes. Un symbole de la montée en puissance des réalisatrices.

Pour Iris Knobloch, présidente du Festival de Cannes, et Thierry Frémaux, son délégué général, c'est «une évidence» : en plaçant Greta Gerwig à la tête du jury de l'édition 2024, du 14 au 25 mai, ils distinguent non seulement l'«incarnation audacieuse du renouveau du cinéma mondial», mais aussi la première cinéaste américaine à connaître cette consécration, parmi 12 femmes présidentes en 77 éditions. Ce choix rend également un hommage appuyé à la performance historique de l'auteure de Barbie, première femme à exploser la barre du milliard de dollars de recettes au box-office. Le succès de son film, entre fantaisie rose bonbon, conte féministe et blockbuster d'auteur (coécrit avec son mari, le réalisateur indépendant Noah Baumbach), élève la réalisatrice californienne au rang de symbole : «Greta Gerwig est la parfaite représentante d'une époque qui abolit les frontières et mélange les genres», selon les mots des organisateurs de Cannes.

Ryan Gosling, Margot Robbie et Greta Gerwig sur le tournage du film Barbie. Alamy Stock Photo

Grâce à elle, le graal – à savoir jouir d'une reconnaissance critique et d'un succès public, imprimer une vision personnelle à une œuvre populaire tout en s'assurant une «bankabilité» – semble désormais à portée de main de ses consœurs du cinéma indépendant. «Greta Gerwig a montré qu'elle pouvait faire un film d'auteur tout en faisant gagner de l'argent aux studios. Dans un pays qui voit le cinéma avant tout comme une industrie, elle a fait avancer les choses pour l'ensemble des réalisatrices», s'enthousiasme la correspondante danoise Tina Jøhnk Christensen, membre des Golden Globes. Avec la cosmopolite Celine Song, auteure du drame sentimental Past Lives, un premier film délicat et maîtrisé, multinominé, et la Française Justine Triet, qui a reçu la Palme d'or 2023 et l'Oscar du meilleur scénario original pour Anatomie d'une chute, l'Américaine incarne une nouvelle génération.

Le plafond de celluloïd

Reconnue et récompensée par ses pairs, exemplaire dans une industrie qui a appris, depuis les électrochocs MeToo et Black Lives Matter à faire de la parité et de la diversité sa brûlante priorité, cette relève est enfin superbement visible. Longtemps, pour encourager les vocations féminines, on énumérait les invariables pionnières : Jane Campion, première Palme d'or féminine pour La Leçon de piano, en 1993 ; Sofia Coppola, première Américaine nommée à l'Oscar de la réalisation pour Lost in Translation, en 2004 ; ou encore Kathryn Bigelow, première cinéaste oscarisée, en 2010, pour Démineurs.

Jane Campion (tournant The Power of the Dog) a ouvert la voie du succès planétaire au féminin avec La Leçon de piano (1993). Alamy Stock Photo

Les années 2010 ont été marquées par le succès de Patty Jenkins en tant que première réalisatrice de film d'action à franchir le cap des 100 millions de dollars au box-office avec Wonder Woman (en 2017), mais aussi l'éclatante ascension de Greta Gerwig, ex-actrice révélée par le cinéma indépendant fauché et semi-amateur (Frances Ha, 2012) ou celle d'Ava DuVernay, première Afro-Américaine aux commandes d'un budget de plus 100 millions de dollars (Un raccourci dans le temps, 2018). Autant de percées remarquées du «plafond de celluloïd» théorisé par la professeure de cinéma Martha Lauzen, de l'université d'État de San Diego.

Depuis vingt-six ans, son rapport annuel scrute la parité à Hollywood : en 2023, seulement 16 % des 250 meilleures entrées et 14 % des 100 films les plus rentables étaient l'œuvre de réalisatrices. «Une étude récente de l'USC Annenberg School for Communication and Journalism (université de Californie du Sud) montre que les réalisateurs dépassent encore les femmes dans une proportion de dix contre un, mais elles sont de plus en plus nombreuses», renchérit Tina Jøhnk Christensen. Si les chiffres sont têtus, un progrès est notable. Essentielle pour la visibilité des femmes cinéastes, la politique de parité menée dans les festivals et les comités de sélection des prix prestigieux paie enfin.

Réalisatrice aux commandes de blockbusters, Patty Jenkins (ci-dessus avec Gal Gadot pour Wonder Woman 1984 ) a aussi inspiré de nombreuses femmes cinéastes. Landmark Media/Alamy Stock Photo

Ticket gagnant

À Sundance, en 2024, 47 % des films présentés étaient signés d'une réalisatrice. En 2021, entre Regina King (One Night in Miami), Emerald Fennell (Promising Young Woman) et Chloé Zhao (Nomadland, Lion d'or 2020 à Venise), le comité des Golden Globes avait nominé trois femmes sur cinq réalisateurs, record encore inégalé en termes de parité et de diversité. Avec sa victoire, Chloé Zhao devenait la première Chinoise et la seconde femme à être honorée par ce trophée, trente-sept ans après Barbra Streisand. Son Oscar remporté dans la foulée fut une reconnaissance ultime à Hollywood. Car avant le nombre d'entrées, une récompense représente la plus belle des cartes de visite dans une industrie où «un succès vous donne droit à trois échecs maximum», rappelle Didier Allouch, correspondant à Los Angeles pour Canal+ depuis vingt-huit ans et aux commandes de L'Hebd'Hollywood. «Cela veut dire, pour tout réalisateur ou réalisatrice, qu'il ou elle pourra contacter des producteurs… qui prendront son appel», poursuit-il.

C'est aussi le ticket magique qui permet de décrocher un projet plus ambitieux, comme c'est le cas pour Chloé Zhao, qui a enchaîné avec le film de superhéros Marvel Les Éternels, ou Greta Gerwig, qui a fait un bond des Quatre Filles du docteur March (40 millions de budget) à Barbie (100 millions). «Que l'on soit un homme ou une femme, pour décrocher un gros budget, il faut être confirmé, assure Didier Allouch. Avant, tous se font la main et possiblement de l'argent sur des courts-métrages, des petits films indépendants, d'horreur, des séries… Les studios veulent s'assurer que le réal, chef de chantier embauché pour diriger une équipe, “tiendra son plateau”. Et toutes ces réalisatrices ont su le prouver.»

Autre femme puissante : Chloé Zhao (ci-dessus avec Frances McDormand), Oscars du meilleur film et de la meilleure réalisatrice pour Nomadland (2021). 2020 20th Century Studios All Rights Reserved/Joshua Richards

Obligation de résultat

Dans une industrie qui, historiquement, favorise les hommes en situation de contrôle, l'adage sexiste selon lequel un réalisateur exigeant serait «pro» et une réalisatrice «difficile» fait long feu. Didier Allouch s'insurge contre «cette mentalité rance.» «J'ai trop souvent entendu que Kathryn Bigelow n'était pas gentille sur un plateau. Parce que vous croyez que Francis Ford Coppola apporte des croissants le matin, peut-être ? Une journée de douze heures, une équipe de 200 personnes : on se doit d'avoir un comportement respectueux, mais a-t-on vraiment la possibilité d'être gentil tout le temps quand on travaille à flux tendu ? Les plus grands et les plus grandes sont exigeants : ils ont une obligation de résultat.»

«Les réalisatrices ont toutes une forte personnalité, souligne Tina Jøhnk Christensen. Et de l'endurance, car ce métier n'est pas à la portée de tout le monde. La vraie question est : leur feriez-vous confiance, investiriez-vous votre argent dans leur film ? Je dirais oui à chacune d'elles.» L'aptitude des femmes cinéastes à travailler sous haute pression au sein d'un studio ou à construire une œuvre en marge, singulière et intransigeante, comme celle d'une Kelly Reichardt (Night Moves, 2013) n'est donc plus remise en cause.

Sofia Coppola (à droite) fait aujourd'hui figure de pionnière (ici sur le tournage de Priscilla, en 2023). Landmark Media/Alamy Stock Photo

Une génération de power women

Mieux, ces réalisatrices-scénaristes venues du cinéma indépendant font bouger les lignes à Hollywood en cultivant, un film après l'autre, leur posture d'auteure héritée de notre Nouvelle Vague française. Face aux blockbusters, d'abord confiés à des maîtres techniciens, ces conquérantes s'affirment dans ce rôle. Elles imposent ainsi leur vision si singulière, le female gaze, telle Greta Gerwig qui coche toutes les cases des problématiques du moment… «La dynamique de la parité et de l'inclusivité est enclenchée, se réjouit Didier Allouch. Mais il faut rester vigilant sur la représentativité, encourager les filles à s'inscrire en école de cinéma – où les effectifs féminins sont encore trop faibles – et inciter les producteurs à embaucher des femmes devant et derrière la caméra.»

Tous les regards se tournent d'ailleurs sur une nouvelle génération de power women hollywoodiennes : directrices de studio (Donna Langley, la présidente d'Universal, par exemple), actrices-productrices comme Charlize Theron (initiatrice de Monster, de Patty Jenkins) ou encore Margot Robbie, désormais puissante en Amérique, qui a monté Barbie en collaboration avec Greta Gerwig. Didier Allouch prophétise : «À ce train-là, d'ici à dix ans, la question du genre du réalisateur ne se posera plus.»

Greta Gerwig, la superbankable présidente du jury du Festival de Cannes 2024

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4 commentaires
  • François NIVERNAIS

    le

    Aucun intérêt !

  • Reflexionlibre

    le

    Je l'adore

  • FIFICOLT

    le

    Les super women superbankable , female gaze, des blockbusters !

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