Nouvelle-Calédonie : quelles solutions pour sortir l'archipel de la crise ?
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flambée de violences

Nouvelle-Calédonie : quelles solutions pour sortir l'archipel de la crise ?

Au terme d’une troisième nuit de violences en Nouvelle-Calédonie, le bras de fer se durcit entre indépendantistes de l’archipel et un gouvernement qui ne cille pas. Sur fond de révolte contre une réforme électorale controversée, la détermination semble intacte des deux côtés. Comment sortir de cette crise sécuritaire, identitaire et politique ? 

Des voitures brûlées sur le parking de l'ancien hôpital à la périphérie de Nouméa, le 16 mai 2024, en Nouvelle-Calédonie.
Des voitures brûlées, le 16 mai 2024, sur le parking de l'ancien hôpital à la périphérie de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie. © Delphine Mayeur, AFP
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Près de 24 heures après la mise en place de l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie, les violences se poursuivent dans l'archipel. Elles ont déjà causé cinq décès, et le nombre de victimes continue de grimper. Jeudi 16 mai, un deuxième gendarme a été tué, un cas jugé "accidentel' et qui n'est pas attribué aux émeutiers.

L'exécutif, sous pression de la droite et de l'extrême droite, a opté pour une réponse sécuritaire. Assignation à résidence, interdiction de manifester, perquisitions... L'État dispose désormais de compétences renforcées sur le territoire pour au moins 12 jours. L'adoption d'une réforme constitutionnelle du corps électoral, contestée par les indépendantistes kanaks qui redoutent d'être mis en minorité, a plongé la Nouvelle-Calédonie dans une crise qui s'enlise.

Vingt mois de dialogue et sept déplacements du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin n'ont pas suffi à rapprocher indépendantistes et loyalistes. Le président Emmanuel Macron a promis de suspendre le texte litigieux si un accord sur un texte plus global était conclu entre les deux camps avant la fin du mois de juin. Des discussions loin d'être faciles. Prévue jeudi, la visioconférence proposée par le chef de l'État aux élus calédoniens a déjà été annulée, l'Élysée déclarant que "les différents acteurs ne souhaitent pas dialoguer entre eux pour le moment". 

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Retrait du texte 

"Pour sortir de la crise, l'exécutif doit retirer son texte", analyse Benoît Trépied, anthropologue spécialiste de la Nouvelle-Calédonie. "Malgré les avertissements, l'exécutif a imposé une épée de Damoclès qui entrave sérieusement la suite des négociations. La voie de la répression et du passage en force n'est pas la solution."  

Une situation tendue qui a poussé plusieurs responsables politiques à demander au gouvernement de reconsidérer sa stratégie. À l'image de Patrick Kanner, président du groupe PS au Sénat, qui presse l'exécutif "d'interrompre le processus constitutionnel". Si elle ne s'oppose pas au dégel du corps électoral, la gauche insiste pour que la réforme soit retirée, l'estimant mal préparée et mal menée. 

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Le député de Guyane Jean-Victor Castor (Gauche démocrate et républicaine, GDR) a mis en cause la responsabilité du gouvernement dans les violences. "Le pire est arrivé (…) Malgré tous nos appels au retrait de ce texte, vous avez voulu aller au bout de cette démarche." Dès lundi, les élus du Congrès de Nouvelle-Calédonie avaient adopté une résolution, à la portée symbolique, demandant le retrait de la réforme constitutionnelle.

De son côté, le gouvernement "n'envisage pas de retrait" de sa réforme, comme l'a rapporté Gérald Darmanin sur France 2. "Il suffirait de faire des pillages et des meurtres pour que le Parlement ne vote pas un texte ou encore pire, qu'un référendum ne soit pas respecté ?", a justifié le ministre de l'Intérieur. 

Mission de médiation 

Pour sortir de l'impasse, l'autre solution évoquée ces derniers jours est la médiation. "Le peuple kanak ne renoncera jamais à l'indépendance", soulève Benoît Trépied. "L'enjeu est donc de trouver un compromis politique qui puisse concilier les intérêts de tous. Cela pourrait passer par la mise en place d'une mission de dialogue avec de nouveaux interlocuteurs, comme celle mise en place en 1988." 

Après les événements tragiques à Ouvéa en 1988 – 19 Kanaks et 2 militaires avaient été tués –, les dirigeants des deux camps et le nouveau gouvernement national ont décidé d'engager des négociations. La paix civile a été rétablie avec la signature des accords de Matignon, sous l'égide du Premier ministre Michel Rocard

Cette mission de médiation a été demandée dès la fin avril par la délégation aux Outre-mer de l'Assemblée nationale. "L'État doit mettre en place une mission impartiale destinée à faciliter les négociations entre les parties en présence dans le but d'aboutir à un accord global", écrivent les quatre députés dans leur avis. Début mai, ce sont trois anciens Premiers ministres, Manuel Valls, Édouard Philippe et Jean-Marc Ayrault, qui plaidaient pour une reprise en main du sujet par Matignon, historiquement chargé du dossier calédonien. 

"Pour qu'elle fonctionne, cette mission de médiation doit être composée de personnalités indépendantes", poursuit l'anthropologue. "Il est nécessaire d'introduire de nouveaux interlocuteurs. Mais pour l'instant, Emmanuel Macron et Gérald Darmanin rejettent cette idée, convaincus par la stratégie de passage en force." 

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Lutte contre les inégalités sociales 

L'autre solution de sortie de crise soulevée par les connaisseurs du dossier calédonien n'est pas politique, mais sociale. À 17 000 kilomètres de Paris, la Nouvelle-Calédonie est l'un des territoires les plus inégalitaires du pays, où 26 % des jeunes sont au chômage

En première ligne des affrontements, cette jeunesse kanake, cagoulée, pille les magasins et en ressort avec des chariots remplis de bouteilles d'alcool et de nourriture, comme en témoignent les vidéos partagées sur les réseaux sociaux. Contrairement aux émeutes des années 1980, les leaders actuels peinent à contrôler ces jeunes émeutiers.  

La violence, "on est obligé de passer par là, de tout péter parce qu'on n'est pas entendus", a l'un d'eux assumé auprès de l'AFP. Vivant dans la commune d'Houaïlou, il a refusé de donner son nom.  

Les restes d'un barrage dans le quartier N'Gea à Nouméa, le 14 mai 2024, après le déclenchement de violentes émeutes contre l'adoption d'une réforme constitutionnelle visant à élargir le corps élector
Les restes d'un barrage dans le quartier N'Gea à Nouméa, le 14 mai 2024, après le déclenchement de violentes émeutes contre l'adoption d'une réforme constitutionnelle visant à élargir le corps électoral en Nouvelle-Calédonie. © Delphine Mayeur, AFP

Pour Évelyne Barthou, maîtresse de conférences en sociologie à l'université de Pau, "il est nécessaire d'obtenir des engagements pour que les jeunes arrêtent les barrages." La sociologue, qui a mené une enquête de terrain auprès de la jeunesse calédonienne, estime qu'il "est crucial que l'État français et les acteurs politiques locaux prennent des mesures concrètes en faveur des jeunes, en entrant dans une logique de discussion avec eux". 

D'après une enquête de l'Insee parue en septembre 2023, les prix des produits alimentaires sont en moyenne supérieurs de 78 % en Nouvelle-Calédonie par rapport à la métropole. "Cela contribue au sentiment d'injustice et aux inégalités, ainsi qu'aux difficultés d'accès à l'emploi", poursuit la sociologue, précisant que "de nombreux jeunes voient des opportunités leur échapper au profit de métropolitains". "Il est essentiel de répondre à ces défis pour apaiser la colère persistante qui gronde depuis des années." 

Mercredi matin, l'ancienne secrétaire d'État et présidente de la province Sud de Nouvelle-Calédonie, Sonia Backès, a accusé sur RMC, les émeutiers de "racisme qu'on peut considérer antiblanc". L'heure n'est pas encore à l'apaisement.

Comment résoudre la crise en Nouvelle-Calédonie ?
Comment résoudre la crise en Nouvelle-Calédonie ? © FRANCE 24

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