Stéphanie, 49 ans, escrimeuse atteinte de la maladie des os de verre : "Je fais partie des porteurs de la flamme olympique"

Du 8 mai au 26 juillet, la flamme olympique passera entre les mains de 11 000 porteurs-euse-s. Parmi elleux, Stéphanie Malarme. À 49 ans, cette escrimeuse, membre du collectif France handisport, compte neuf médailles aux championnats de France à son palmarès et plusieurs podiums internationaux. Un parcours exemplaire pour cette sportive engagée, devenue maître d'armes, atteinte notamment de la maladie des os de verre.

Stéphanie, 49 ans, escrimeuse atteinte de la maladie des os de verre : "Je fais partie des porteurs de la flamme olympique"
© Photo personnelle

D'escrimeuse à porteuse de la flamme olympique. Stéphanie Malarme fait partie des 11 000 personnes qui se relaieront dans toute la France jusqu'au 26 juillet 2024, jour du coup d'envoi des Jeux de Paris. Cette sportive de haut niveau au parcours exceptionnel a répondu aux questions du Journal des Femmes.

Journal des Femmes : Comment avez-vous commencé l'escrime ?
Stéphanie Malarme : 
Je souffre de la maladie des os de verre. Très tôt, on m'a interdit de faire du sport à l'école, car je "cassais" au niveau des chevilles ou des jambes. Plus tard, les médecins m'ont expliqué que je ne devais ni faire du sport, ni travailler. Comme je suis une tête de mule, j'ai donc décidé d'être athlète de haut niveau. Le moule dans lequel on voulait me mettre ne me convenait pas. J'ai choisi d'en faire un à ma taille.

En escrime, il y a pourtant des chocs. Pourquoi avoir choisi cette discipline ?
Au départ, je voulais faire de la boxe. Mais aucune structure ne pouvait m'accueillir. Alors je me suis tournée vers l'escrime et je me suis inscrite en septembre 2006 au club des Mousquetaires de Joinville où une section fauteuil venait d'ouvrir. Mais je ne connaissais rien à la discipline. J'ai eu la chance d'avoir de très bons pédagogues, un bon président, monsieur Alain Febvre, et un bon groupe. Je suis pourtant arrivée sans certificat médical, je pesais 180 kilos et mon fauteuil roulant ne passait pas dans les portes. Mais nous avons trouvé des solutions. Nous rafistolions nos fauteuils en récupérant des sangles et des ceintures. J'ai toujours été hors norme. Même à la sécurité sociale, je suis hors protocole. C'est ce qui me permet de tout m'autoriser.

Stéphanie Malarme lors d’un match face à une concurrente japonaise © Photo personnelle

Qu'aimez-vous lors des compétitions ?
J'y trouve un parallèle avec les défis de la vie. En escrime, pour marquer une touche, il faut travailler, feinter, amener l'autre à faire une erreur… On construit ces points gagnants comme on construit un projet dans la vie de tous les jours. Et j'aime m'amuser avec les réglementations. Je les respecte tout en étant sur le fil.

Vous blessez-vous souvent en vous entraînant ou en faisant de la compétition ?
Pour que je "casse", il faut un choc, mais aussi une torsion au niveau de l'os. C'est à ce moment-là que mes os deviennent comme du cristal. Mais je me blesse beaucoup moins dans le sport que dans ma vie quotidienne. L'escrime m'a permis de me renforcer. J'espère d'ailleurs continuer encore quatre ans, jusqu'aux prochains Jeux paralympiques.

Vous avez ensuite eu envie d'enseigner et vous êtes devenues la première femme en fauteuil à être éducatrice fédérale d'escrime...
Comme de nombreuses disciplines, l'escrime manque de bénévoles. Au départ, nous voulions ouvrir une section pour les plus jeunes dans le club. J'ai commencé par passer mon diplôme d'éducatrice, puis je me suis formée sur le diabète, le cancer du sein et je suis devenue éducatrice sport santé. J'aime partager, être le trait d'union entre les jeunes, leurs parents, l'école. Mais cela n'a pas toujours été facile. Notamment lorsqu'il a fallu que je me forme aux gestes de premier secours. Comme je suis en fauteuil, nous avons dû trouver des solutions pour que je puisse acquérir toutes les compétences nécessaires.  

Malgré les difficultés, vous n'avez jamais renoncé à cette carrière de sportive de haut niveau. Qu'est-ce qui vous pousse à continuer ?
En équipe de France, on m'appelle le chat noir. Vous pouvez être sûr que s'il y a un problème à la douane, un avion cloué au sol, une grève ou quoi que ce soit, ce sera pour moi. J'ai appris à relativiser. Même quand il y a des obstacles, il y a des solutions. Et parfois, plus il y a de problèmes, plus il est gratifiant d'arriver à les résoudre. Je suis également très bien entourée. Mon mari mérite une médaille (rires). Et mes partenaires et ami-e-s savent me remotiver lorsque j'en ai besoin.

Après toutes ces années au plus haut niveau, y a-t-il encore des points sur lesquels travailler ?
Quand j'étais petite, ma grand-mère me disait souvent : "Nous ne sommes pas éternel-le-s, nous ne serons pas tout le temps là. Il va falloir que tu apprennes à te débrouiller". C'est ce que j'ai fait. Je sais aider les autres, mais j'ai du mal lorsqu'il s'agit de moi. Je ne demande de l'aide qu'en dernier recours. Durant les quatre prochaines années, nous allons travailler sur ce point avec mon préparateur mental. Je dois devenir un peu plus égoïste. Je ne considère pas cela comme une qualité, mais quand on est sportif-ive de haut niveau, c'est important de l'être un minimum. 

Stéphanie Malarme en 2018 lors des Gay Games après avoir remporté une médaille d’argent en duo avec son maître d'armes, Olivier Helan Chapel © Photo personnelle

Vous allez prochainement prendre part au Relais de la flamme. Qu'est-ce que cela représente pour vous d'avoir été choisie comme porteuse ?
Les Jeux olympiques et paralympiques sont porteurs, pour moi, d'un message d'inclusivité. C'est un combat sans mort pour la beauté du sport. Que l'on gagne ou que l'on perde, chacun-e donne le maximum de ce qu'iel peut donner. Je ferai mon relais le 28 juin prochain, en Haute-Marne, entourée de personnes qui m'ont aidée et soutenue durant ma carrière. Les Jeux, c'est aussi être dans le partage malgré nos différences. Avant, les athlètes comme moi étaient regroupé-e-s dans la catégorie "handisports". Nous étions des handicapé-e-s qui faisaient du sport. Aujourd'hui, nous sommes des parasportif-ive-s. Je suis d'abord une athlète de haut niveau et de surcroît, j'ai un handicap. Peut-être que j'ai quelque chose en plus finalement. C'est ce que je dis aux enfants que je rencontre dans les écoles.

S'il y avait une mesure à mettre en place pour favoriser l'inclusivité dans le sport, quelle serait-elle ?
Rendre accessible tous les lieux de pratique. Quand tu arrives devant un bâtiment, que tu butes sur une marche ou un escalier, une porte trop petite qui t'oblige à passer par le local poubelle, c'est compliqué. Tout doit partir de là.

Quel est votre plus beau souvenir sportif ?
Mes premières compétitions ont été difficiles. Je ne mettais parfois pas une seule touche ! Un jour, l'escrimeuse handisport Murielle van de Cappelle [qui a notamment remporté 7 titres aux Jeux paralympiques, nldr] m'a offert sa médaille à la fin d'une compétition. Elle m'a dit : "Dans quelques années, c'est toi qui m'offriras la tienne." Et cet instant a fini par arriver. Quand je suis devenue championne de France pour la première fois, je lui ai remis ma médaille. C'était un moment très symbolique.

Qu'est-ce que le sport a apporté à votre vie ?
Le sport a facilité ma vie et mon épanouissement. À l'école, j'étais une élève moyenne. En escrime, je suis une sportive de haut niveau.  Il m'a permis de rencontrer des personnes formidables et de construire ma carrière professionnelle et associative.