« Je pense, donc je résiste » : théorie de justice et personnalité dans l'explication de la résistance au changement | Cairn.info
CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1L’introduction de changements est fréquente dans les domaines du travail et des organisations comme dans différents secteurs de la vie quotidienne. Par exemple, on constate que les différentes propositions gouvernementales de réforme, introduisant des changements importants pour la population administrée, donnent souvent lieu à différentes manifestations d’opposition. Il est habituel de qualifier ces réactions négatives face aux changements de résistance au changement, conçue comme une attitude.

2Dans le contexte organisationnel, l’attitude de résistance au changement entraîne des conséquences sur plusieurs indicateurs, comme la satisfaction au travail, l’attachement organisationnel, ou encore l’intention de démissionner de l’organisation (Oreg, 2006). Plusieurs chercheurs ont donc tenté de déterminer sa nature et de comprendre les mécanismes qui la sous-tendent (Dent & Goldberg, 1999 ; Ford, Ford, & D’Amelio, 2008 ; Herscovitch, 2003 ; Oreg, 2003, 2006 ; Piderit, 2000). Parmi ses déterminants, des facteurs individuels et situationnels ont fait l’objet d’études. Pour les premiers, le constat est souvent fait que tous les individus n’ont pas les mêmes réactions face au changement, qu’ils seraient plus ou moins prêts à résister en fonction de leur personnalité « résistante » (Oreg, 2003). Pour les seconds, la façon dont le changement est mis en place donnerait lieu à des pensées en lien avec un sentiment de justice ou d’injustice (Folger & Cropanzano, 2001) qui apparaît comme particulièrement important dans l’acceptation du changement (Steiner & Rolland, 2006). La prédisposition individuelle de résistance pourrait, en outre, influencer le jugement du caractère juste du changement (Oreg & van Dam, 2009). Un individu pourrait donc développer une attitude de résistance au changement à cause de l’émergence de pensées particulières responsables du sentiment d’injustice. L’attitude de résistance serait ainsi le résultat de processus cognitifs et émotionnels organisant la pensée de telle sorte que la personne envisage de résister (Bovey & Hede, 2001). Notre objectif ici visera donc à vérifier l’influence de la résistance dispositionnelle sur des pensées en lien avec le sentiment d’injustice et de leur influence conjointe sur l’attitude de résistance au changement.

3Les travaux cités jusqu’ici s’appuient sur des contextes organisationnels. Or les phénomènes de résistance sont également à l’œuvre dans d’autres contextes, et notamment dans les sociétés au sens large. En fait l’étude que nous présentons s’inscrit dans la continuité du questionnement qui persiste sur la résistance au changement au sein de la psychologie des organisations et se propose d’étendre la problématique à une situation de gouvernance nationale. Nous nous appuierons donc principalement sur la littérature en psychologie du travail et des organisations, plus fournie sur la question, pour étayer notre propos dans un contexte sociétal. Pour élaborer les hypothèses testées dans notre étude empirique, nous présenterons dans ce qui suit une approche de la résistance au changement fondée sur la personnalité, c’est-à-dire, une résistance au changement dispositionnelle (Oreg, 2003). Nous aborderons ensuite la théorie de justice pour expliquer les conditions d’émergence du sentiment d’injustice (Folger & Cropanzano, 2001) et son influence sur la résistance au changement. Nous formulerons ainsi des hypothèses sur les liens entre la personnalité, la perception d’injustice, et les attitudes de résistance au changement.

L’attitude de résistance au changement

4Les principales études sur la résistance au changement ont surtout eu comme objectif d’inventorier ses déterminants sociaux et situationnels (Coch & French, 1948 ; Giangreco & Peccei, 2005 ; Zander, 1950). Elles ont donc examiné la résistance au changement organisationnel uniquement comme une conséquence dont les causes seraient organisationnelles et managériales. Elles ne visaient donc pas à définir la résistance en elle-même, ni à comprendre son fonctionnement propre. La résistance au changement peut être envisagée comme un large processus (George & Jones, 2001) mettant en jeu, de façon combinée, des dispositions, des processus cognitifs (raisonnement, traitement de l’information) et des processus affectifs, qui comportent les affects et les attitudes, dont l’attitude négative vis-à-vis du changement.

5L’attitude de résistance peut être conçue en trois dimensions (Oreg, 2003, 2006 ; Piderit, 2000), selon le « Modèle Tri-Componentiel » (Rosenberg & Hovland, 1960), qui relève d’une approche constructiviste des attitudes. Cette conception propose une composante cognitive qui renvoie aux savoirs et croyances associés à l’objet évalué, une composante affective, qui renvoie aux émotions suscitées par l’objet, et enfin une composante comportementale, qui décrit l’orientation de l’action de l’individu envers l’objet. Un individu peut ainsi développer des attitudes négatives, comme l’attitude de résistance, au fil de ses expériences de changement antérieures. Confronté à un nouveau changement, il va produire des efforts pour maintenir une cohérence entre les composantes de cette attitude et aura ainsi tendance à résister (George & Jones, 2001). Le maintien de la cohérence du schéma cognitif, prédispose donc l’individu à réagir face à un nouveau changement (Festinger, 1957 ; Fiske & Taylor, 1991 ; Heider, 1946) et donne naissance à la possibilité d’une disposition de résistance au changement, approche développée par Oreg (2003, 2006).

La résistance au changement dispositionnelle

6Aborder la résistance au changement d’un point de vue individuel constitue une approche récente. Oreg (2003) part du constat que des situations de résistance persistent alors même que le changement semble aller dans le sens des intérêts des individus. Il y aurait donc des différences interindividuelles dans l’appréhension du changement, comme cela avait déjà été démontré pour d’autres attitudes et comportements au travail comme la satisfaction (Judge, Locke, Durham, & Kluger, 1998) et l’implication des traits de personnalité dans la capacité à gérer le changement (Judge, Thorensen, Pucik, & Welbourne, 1999).

7Oreg (2003) élabore alors une échelle de la résistance au changement, envisagée comme un trait de personnalité, composée de 17 items répartis dans quatre facteurs. Les facteurs sont les principales dimensions dispositionnelles qu’Oreg (2003) a identifiées dans sa revue de la littérature. Ainsi, le facteur « recherche de routine » intègre les dimensions « préférence pour un faible niveau de stimulation et de nouveauté » et « répugnance à abandonner les vieilles habitudes », correspondant toutes les deux plus ou moins directement à des caractéristiques de la résistance au changement et à l’incapacité à innover (Goldsmith, 1984 ; Watson, 1971). Le facteur « réaction émotionnelle » combine les dimensions « résilience psychologique » et « répugnance à perdre le contrôle ». Le manque de résilience psychologique ne permet pas de répondre correctement à un élément stressant comme peut l’être un changement et dénote une faiblesse dans les stratégies de coping et dans la participation à un changement (Ashforth & Lee, 1990 ; Judge et al., 1999 ; Kanter, 1985 ; Wanberg & Banas, 2000). La répugnance à perdre le contrôle est considérée, elle, comme un élément primaire de la résistance (Conner, 1992, cité par Oreg, 2003). Le troisième facteur, la « focalisation à court terme », est composé des dimensions « intolérance pour la période d’ajustement engendrée par le changement » et « répugnance à perdre le contrôle » déjà citée ci-dessus. L’intolérance à la période d’ajustement renvoie à la difficulté, pour certaines personnes, à gérer des situations de travail à court terme engendrées par le changement (Kanter, 1985). Le quatrième facteur, « rigidité cognitive », renvoie au trait « dogmatique » (Rockeach, 1960). Les individus dogmatiques présentent moins de volonté et de capacité à s’adapter à de nouvelles situations, puisqu’ils sont plus rigides et plus étroits d’esprit (Bartunek, Lacey, & Wood, 1992 ; Bartunek & Moch, 1987 ; Lau & Woodman, 1995).

8Les travaux récents sur la résistance au changement dispositionnelle permettent de confirmer la validité de l’échelle et tendent à montrer l’existence de personnalités plus ou moins prêtes à résister en situation de changement (Foster, 2010 ; Oreg, 2006 ; Oreg et al., 2008 ; Oreg & Sverdlik, 2011 ; van Dam, Oreg, & Schyns, 2008). Ainsi, les personnes « résistantes » expriment des attitudes de résistance au changement plus fortes (Oreg, 2006).

9Comme Oreg (2006), nous respecterons la conception de l’attitude en trois dimensions pour tester le lien entre la résistance au changement dispositionnelle et les attitudes de résistance face à un changement contextuel. Un lien est supposé entre la résistance dispositionnelle conçue comme un trait de personnalité stable et la production d’attitudes affectives (McCrae & Costa, 1991). Oreg (2006) confirme l’existence de ce lien ainsi qu’une relation avec les attitudes comportementales (Oreg, 2003, 2006). Nous nous attendons donc à retrouver les mêmes relations dans notre étude. Mais dans notre contexte, le changement étudié n’ayant pas encore eu lieu (voir plus loin), les individus mobiliseront des croyances et des connaissances pour se prononcer à son sujet. Nous supposons donc que les cognitions à propos de cet objet seront particulièrement saillantes. De ce fait, nous devrions également observer une corrélation forte entre la résistance dispositionnelle et la composante cognitive de l’attitude de résistance. Selon notre hypothèse 1, la résistance dispositionnelle des individus est corrélée positivement avec toutes les composantes de l’attitude de résistance envers l’objet de changement.

10Les attitudes face à un changement imposé dépendent également d’une évaluation des responsables du changement, de la façon dont ils ont imposé ce changement et des résultats supposés du changement. Or on sait qu’en situation de changement et donc d’incertitude, les individus sont particulièrement attentifs au caractère juste ou injuste de la situation (van den Bos & Lind, 2002). Ce jugement pourrait avoir également un impact sur l’attitude face au changement. Nous explorons maintenant les liens du jugement de justice avec la résistance au changement dispositionnelle d’une part, et avec l’attitude de résistance au changement d’autre part.

La justice organisationnelle

11La justice organisationnelle fait référence aux jugements du caractère juste que font les personnes sur les décisions et politiques qui régissent leur organisation d’appartenance au plan de : 1) la distribution des ressources et des avantages (justice distributive), 2) des processus et des procédures conditionnant cette distribution (justice procédurale) et 3) des relations interpersonnelles avec l’autorité (justice interactionnelle ; Folger & Cropanzano, 1998 ; Steiner & Rolland, 2006). La dernière dimension est souvent décomposée en deux, la justice interpersonnelle et la justice informationnelle, pour faire un total de quatre dimensions (Colquitt, 2001 ; Steiner & Rolland, 2006). Les facteurs dispositionnels affectant les jugements de justice ne sont pas encore bien cernés. Une étude récente (Shi, Lin, Wang, & Wang, 2009) indique que la dimension « accommodement (agreeableness) » du « Big Five » corrèle positivement avec les quatre dimensions de la justice et que « névrosisme » corrèle négativement avec les justices informationnelle et procédurale. Or la dimension « névrosisme », qui correspond en partie à la gestion émotionnelle des individus face aux situations stressantes, est corrélée à .33 avec l’échelle de résistance au changement dispositionnelle (Oreg, 2003). Étant donné ces bases communes, nous pourrions supposer un lien entre la personnalité résistante et la perception de justice. Cette proposition est d’ailleurs soutenue par Oreg et van Dam (2009) qui suggèrent que les personnes dispositionnellement résistantes pourraient être particulièrement sensibles aux jugements de justice et qu’elles pourraient réagir fortement à la perception d’injustices procédurale et informationnelle. Nous supposons donc que plus les gens ont une personnalité résistante, plus ils devraient ressentir de l’injustice en situation de changement. Selon notre hypothèse 2, la résistance dispositionnelle est corrélée négativement avec la perception de justice.

12Les résultats de plusieurs études montrent que la perception d’injustice tend à augmenter la manifestation de comportements contre-productifs et de résistance (Folger & Skarlicki, 1999). Ainsi, les perceptions de justice distributive et procédurale devraient influencer les trois composantes de la résistance attitudinale. La perception d’injustice procédurale, reposant sur la perception que d’autres procédures ou actions auraient pu ou auraient dû être mises en place, tend à augmenter l’intention de contrer le projet de changement et sa procédure de mise en place (Crino, 1994 ; Oreg, 2006 ; Robbins, Summers, & Miller, 2000 ; Skarlicki & Folger, 1997). La perception d’une injustice distributive, parce qu’elle correspond à une projection sur les effets et les résultats du changement, aurait tendance à augmenter les jugements négatifs sur les résultats supposés du changement (Crino, 1994 ; Oreg, 2006). Ces résultats nous permettent donc de faire l’hypothèse d’un effet de la perception de justice sur les trois types d’attitude de résistance au changement. Ils suggèrent également une possible relation particulière entre l’injustice procédurale et l’intention de résister concrètement (i.e., résistance comportementale), et entre l’injustice distributive et les croyances ou l’évaluation négative du résultat du changement (i.e., résistance cognitive et résistance affective). Bien que n’étant pas l’objet principal de notre recherche, la distinction des influences des perceptions de justice sera traitée dans une démarche plus exploratoire. Selon l’hypothèse 3a, les perceptions favorables de justices distributive et procédurale diminuent l’attitude de résistance au changement (affective, cognitive et comportementale).Par ailleurs, de nombreuses recherches ont montré l’intérêt de considérer les différentes formes de perception de justice en interaction (Brockner, 2010 ; Skarlicki & Folger, 1997 ; Skarlicki, Folger, & Tesluk, 1999). Ces études mettent en évidence en particulier que les effets négatifs de la perception d’injustice distributive sont accentués par l’injustice procédurale. Nous devrions donc observer un effet d’interaction de la justice distributive et de la justice procédurale sur les attitudes de résistance au changement de telle sorte que plus la procédure de mise en place du changement et plus le résultat du changement sont perçus comme injustes, plus l’attitude de résistance au changement sera forte. Selon notre hypothèse 3b, plus la perception de justice procédurale est défavorable plus l’injustice distributive augmente l’attitude de résistance au changement (affective, cognitive et comportementale).

13Concernant la personnalité, elle peut être envisagée comme un élément modérateur de l’effet de la perception de justice sur les attitudes et comportements (Colquitt, Scott, Judge, & Shaw, 2006 ; Shi et al., 2009, Skarlicki et al., 1999). Skarlicki et ses collègues (1999) montrent que l’affectivité négative accentue l’effet de l’injustice sur les actes de représailles au travail. Nous supposons donc que la résistance au changement dispositionnelle modérera, en l’accentuant, l’effet de la perception de justice et d’injustice sur les attitudes de résistance de la façon précisée ci-après. Notre hypothèse 4 stipule que la résistance au changement dispositionnelle modère l’effet de l’interaction entre la justice procédurale et la justice distributive sur l’attitude de résistance (affective, cognitive et comportementale), de telle sorte que l’accumulation d’injustices augmente l’attitude de résistance plus fortement pour les individus ayant une forte personnalité résistante que pour les individus ayant une faible personnalité résistante.

14Les travaux sur la justice organisationnelle montrent que plus un individu juge un changement comme étant injuste, plus il résistera au changement (Steiner & Rolland, 2006). Nous supposons pour notre part que la disposition à la résistance au changement accentuera cet effet. En nous intéressant à la perception d’injustice face à un changement, il paraît important de prendre en compte les facteurs à l’origine de ce jugement. Pour Folger (1993), les antécédents qui pourraient expliquer la résistance au changement peuvent être compris par l’intermédiaire de la théorie des cognitions référentes (Folger, 1986), théorie qui apporte les fondements à la théorie de justice (Folger & Cropanzano, 2001). En explorant l’origine du sentiment d’injustice, il semble possible d’imaginer des actions visant à éviter l’émergence de ce sentiment.

La théorie de justice

15La théorie de justice (fairness theory ; Folger & Cropanzano, 2001) pose plusieurs prérequis à l’émergence d’un sentiment d’injustice en s’appuyant sur la théorie des cognitions référentes (Folger, 1986). Tout d’abord, la situation ou la décision doit être perçue comme blessante ou désavantageuse. Ensuite, il faut qu’une personne ou une entité puisse être désignée comme responsable de la situation problématique. Enfin, la situation et le responsable doivent être perçus comme ne respectant pas les normes morales, éthiques ou les us et coutumes correspondant à cette situation. Confronté à la situation, un individu la juge donc sur la base de simulations cognitives alternatives. Ces simulations se matérialisent par la pensée ou la croyance en l’existence de situations alternatives, appelées « contrefaits » (Folger & Cropanzano, 2001). Il y a trois types de contrefaits, « Would », « Should », et « Could ». Les premiers, que l’on peut traduire comme les contrefaits d’états alternatifs (« Would Counterfactuals »), correspondent à la possibilité d’imaginer une décision plus favorable que celle prise. Les seconds, de devoirs alternatifs (« Should Counterfactuals »), correspondent à une pensée que l’autorité aurait dû, avait le devoir moral, d’agir différemment. Les troisièmes, d’actions alternatives (« Could Counterfactuals »), correspondant à la cognition selon laquelle l’autorité aurait pu, avait la capacité de prendre une décision alternative (Rolland, 2005). Selon Folger et Cropanzano (2001), les trois types de contrefaits doivent être activés simultanément pour qu’il y ait perception d’injustice. Les auteurs conçoivent la théorie de justice comme recoupant toutes les dimensions de la justice organisationnelle, à savoir : la justice distributive, la justice procédurale (que nous utilisons toutes deux ici) et la justice interactionnelle.

16D’après la théorie des cognitions référentes (Folger, 1986), il semble que les cognitions à l’origine du sentiment d’injustice influencent directement l’attitude négative concernant le changement. La théorie de justice propose donc que le sentiment d’injustice soit une variable médiatrice : les contrefaits expliquent la perception d’injustice qui elle-même influence les attitudes vis-à-vis du changement (Folger & Skarlicki, 1999). Nous testerons donc cette hypothèse de médiation de la perception de justice entre les contrefaits et l’attitude de résistance au changement. Selon l’hypothèse 5, les perceptions de justice distributive et procédurale médiatisent chacune la relation entre les contrefaits et les trois composantes de l’attitude de résistance.

Contexte de l’étude

17Notre étude porte sur les réactions de la population face à un projet de réforme annonçant un changement dans la nature des contrats de travail en France. Ce projet devait introduire le Contrat Première Embauche (CPE) destiné à favoriser l’emploi des jeunes de moins de 26 ans en âge de travailler. Ce projet a suscité très rapidement de vives contestations, car il devait permettre une rupture de contrat sans motif préalable. Malgré l’intensité du conflit et des contestations, le Président de la République Française annonça la promulgation de la loi le 31 mars 2006 mais demanda au gouvernement de proposer des modifications majeures. Ce passage en force [1], malgré les ajustements proposés sur le fond du projet, ne fit pas diminuer le conflit, et le 10 avril 2006, le Premier Ministre proposa finalement de retirer le CPE.

18Ce contexte permettait d’élaborer une étude concernant l’introduction d’un changement ayant un impact important, et d’étudier les attitudes de résistance et de justice à son égard auprès d’étudiants et de lycéens, populations les plus concernées par le projet. Cette situation très spécifique représente une situation d’annonce de changement qui concerne l’encadrement politique de la contractualisation du travail. En outre, l’utilisation de moyens légaux exceptionnels pour faire passer en force le projet viole des principes de justice procédurale et interactionnelle.

Méthode

19Pour réaliser l’étude, nous avons mis en place un questionnaire en ligne qui permettait de s’affranchir des frontières géographiques et de toucher des populations nombreuses. L’outil internet, en dépit de ses limites (conditions de feedback, contrôle de la situation expérimentale ou encore contrôle de l’échantillon ; Birbaum, 2004 ; Reips, 2002 ; Skitka & Sargis, 2006) apparaît comme très convaincant pour les chercheurs qui l’ont employé, dont 70 % souhaitent continuer à l’utiliser (Reips, 2002).

Participants et procédure

20L’échantillon a été constitué selon la méthode « snowball » auprès des populations étudiantes et lycéennes, qui étaient particulièrement mobilisées par le projet de CPE. Pour recruter les participants, nous avons rédigé un message électronique type invitant les personnes à se connecter à un site informatique afin de répondre à une enquête concernant le CPE. Les premiers messages furent envoyés à des étudiants de deux universités françaises ; ils devaient ensuite copier le message type et l’envoyer à leurs connaissances. De cette manière, l’enquête s’est diffusée à travers la France.

21Au total, nous avons reçu 339 réponses avant l’allocution du Président de la République, le 31 mars 2006, à 20 h. Ce discours fut la première intervention modifiant significativement le projet initial. Nous avons donc jugé que ce discours pouvait avoir un effet important sur la production de contrefaits, sur les perceptions de justice et sur les attitudes vis-à-vis du CPE qui se trouvait fondamentalement modifié. Le CPE concernant les « jeunes » de moins de 26 ans, nous avons exclu les données de personnes ayant un âge supérieur à 25 ans. Nous avons également exclu les données des personnes n’ayant pas répondu à cette question puisque nous ne pouvions alors pas contrôler qu’ils avaient bien un âge inférieur ou égal à 25 ans. Après avoir éliminé les 42 personnes ne correspondant pas au critère de l’âge, la population pour nos analyses est composée de 297 personnes (98 de sexe masculin, 198 de sexe féminin, 1 sans réponse sur le sexe), âgées de 15 à 25 ans (M = 20.4; SD = 2.79), se répartissant entre la classe de seconde au lycée et le niveau doctorat (supérieur à Bac+5).

Mesures

22L’étude s’appuie sur quatre questionnaires : une mesure de la résistance au changement « dispositionnelle », une mesure de l’attitude de résistance au changement en trois composantes, une mesure de la production de contrefaits et une mesure de la perception de justice. La passation informatisée se faisait « item par item », avec obligation de donner une réponse pour pouvoir passer à la page suivante, cela afin d’empêcher la modification des premières réponses suite aux réponses aux questions successives.

23La première mesure du questionnaire correspondait à l’échelle de mesure de résistance au changement dispositionnelle (RTC ; Oreg, 2003) traduite en français. La mesure se compose de 17 items dont 5 pour le facteur « recherche de routine » (e.g., « En général, je considère les changements comme étant plutôt négatifs »), et 4 pour chacun des facteurs : « réaction émotionnelle » (e.g., « Quand je suis informé d’un changement de plans, je deviens un peu nerveux »), « focalisation à court terme » (e.g., « Parfois, j’évite des changements dont je sais qu’ils seront bons pour moi ») et « rigidité cognitive » (e.g., « Je ne change pas d’avis facilement »). Après une première traduction en français par un chercheur en psychologie sociale de langue maternelle française, un chercheur en psychologie sociale bilingue de langue maternelle anglaise a réalisé une retraduction afin de la comparer avec la version originale. Nous avons procédé aux modifications nécessaires afin que la traduction soit la plus respectueuse du sens initial, tout en utilisant des formulations adaptées à la langue française. Pour les autres échelles de l’étude nécessitant une traduction, nous avons procédé de la même manière.

24La mesure des perceptions de justice était élaborée pour les objectifs de notre étude. Elle était composée de trois items sur la perception de justice distributive et de trois items sur la perception de justice procédurale. Les items sur la perception de justice distributive renvoient à l’évaluation du projet de CPE comme devant répondre au problème du chômage des « jeunes » (e.g., « Je trouve le CPE juste »). Les items sur la perception de justice procédurale renvoient, eux, à l’évaluation de la méthode d’adoption du CPE (e.g., « Je trouve la procédure d’adoption de ce nouveau contrat injuste » ; item inversé).

25L’échelle de mesure de l’attitude de résistance au changement (ATC ; Oreg, 2006) est composée de 15 items, cinq items pour chacune des trois composantes de l’attitude, affective (e.g., « Ce nouveau contrat me fait peur »), comportementale (e.g., « Je cherche les moyens d’empêcher la mise en place du CPE ») et cognitive (e.g., « Je crois que le CPE va rendre ma situation plus difficile »).

26La mesure des contrefaits est composée de 15 items (5 items pour chacun des 3 types de contrefaits), élaborée initialement par Horwath, Mabry et Wasko (2004) en anglais et adaptée par Rolland (2005) en français. Les items, conçus en rapport avec une situation de sélection, ont été adaptés au contexte et à l’objet de changement qui nous concerne (e.g., « Le gouvernement aurait pu prendre une décision plus adaptée » : contrefait d’actions alternatives ; « Le gouvernement aurait dû choisir un autre projet pour répondre au chômage des jeunes » : contrefait de devoirs alternatifs ; « Je peux imaginer qu’il y a de meilleurs projets pour répondre au chômage des jeunes » : contrefait d’états alternatifs). Pour toutes les mesures, les participants devaient répondre sur une échelle de type Likert en 6 points allant de « Pas du tout d’accord » à « Tout à fait d’accord ». Pour finir le questionnaire, nous avons ajouté une page de renseignements démographiques facultatifs afin de connaître les caractéristiques de notre échantillon.

Résultats

27Nous présentons les statistiques descriptives sur les différentes échelles et leurs inter-corrélations dans le Tableau 1. Bien que nous nous intéressions à la mesure globale de la personnalité résistante, que nous calculons en additionnant les scores des quatre sous-dimensions de l’échelle RTC, nous présentons également les corrélations et les coefficients de fidélité des sous-dimensions de l’échelle à titre descriptif. Par ailleurs, étant donné les fortes corrélations entre les trois composantes de l’attitude de résistance, nous avons calculé un score d’attitude de résistance globale, dont les corrélations avec les autres variables sont également présentées dans le Tableau 1. Dans l’ensemble, nous observons de bons indices de fidélité (alpha de Cronbach) pour les échelles utilisées. La sous-dimension « recherche de routine » de l’échelle RTC présente l’indice le plus faible à .56.

Tableau 1

Matrice des corrélations, statistiques descriptives et fidélité des mesures (N = 297)

Tableau 1
Variables M ET 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 Personnalité Résistante 1. Résistance au changement dispositionnelle (RTC) 3.0 0.51 .78 2. Recherche de Routine 2.3 0.60 .66 .56 3. Réaction Emotionnelle 3.4 0.88 .75 .38 .77 4. Focalisation à Court Terme 2.5 0.79 .76 .49 .51 .69 5. Rigidité Cognitive 3.7 0.87 .48 .06 .06 .05 .69 Attitude de Résistance 6. Attitude de résistance globale (ATC) 4.0 1.37 .16 .08 .13 .14 .07 .97 7. Résistance Affective 4.1 1.34 .21 .11 .19 .16 .08 .97 .93 8. Résistance Comportementale 3.7 1.60 .11 .04 .08 .11 .05 .97 .90 .95 9. Résistance Cognitive 4.2 1.32 .15 .08 .10 .12 .10 .96 .91 .90 .91 Justice 10. Justice Distributive 2.4 1.37 -.13 -.05 -.13 -.11 -.04 -.94 -.91 -.90 -.91 .94 11. Justice Procédurale 2.0 1.25 -.02 .02 -.02 -.05 .00 -.76 -.75 -.73 -.72 .77 .93 Contrefaits 12. États 5.0 0.85 .03 -.03 .04 .01 .05 .83 .78 .82 .80 -.80 -.68 .85 13. Devoirs 4.7 0.85 -.03 -.06 -.00 -.05 .02 .79 .73 .77 .78 -.76 -.68 .89 .87 14. Actions 4.9 0.73 .01 -.07 .02 -.04 .09 .67 .63 .64 .68 -.62 -.59 .74 .75 .72

Matrice des corrélations, statistiques descriptives et fidélité des mesures (N = 297)

Note : Les valeurs de la diagonale correspondent aux alphas de Cronbach ; les corrélations > .19 sont significatives à p < .001; celles > .115 sont significatives à p < .05.

28L’examen des corrélations permet de confirmer partiellement notre première hypothèse. Nous trouvons bien une corrélation entre la résistance au changement dispositionnelle (RTC) et l’attitude de résistance globale (r = .16; p = .007). Concernant un examen plus détaillé des composantes de l’attitude, nous n’observons de corrélations positives et significatives que pour les composantes affectives et cognitives de l’attitude (respectivement, r = .21; p < .001; r = .15; p = .008); contrairement à Oreg (2006), nous ne trouvons pas de corrélation significative de RTC avec la composante comportementale. Ainsi, la prédisposition à la résistance au changement prédit l’attitude de résistance face à un changement spécifique, en particulier sur les dimensions affectives et cognitives de l’attitude de résistance face à un projet de changement.

29Nous confirmons partiellement l’hypothèse 2 proposant que la résistance au changement dispositionnelle corrèle négativement à la perception de justice. En effet, nous observons une corrélation significative et négative avec la justice distributive (r = -.13 ; p = .028), indiquant que plus une personne est prédisposée à la résistance au changement, plus elle tend à éprouver un sentiment d’injustice. Par contre, la corrélation négative avec la justice procédurale n’est pas significative (r = -.02, ns).

30L’hypothèse 3a est vérifiée. La perception de justice est globalement corrélée négativement avec l’attitude de résistance au changement. Ceci se vérifie pour chacune des composantes de la justice et des composantes de l’attitude de résistance, avec des coefficients de corrélation s’étendant de -.72 à -.94 (p < .001). Ainsi, plus les participants ont une perception d’injustice concernant l’issue du projet de changement et la méthode d’adoption du projet, et plus l’attitude de résistance face à ce projet est forte.

31Pour examiner l’hypothèse 3b, selon laquelle la perception de justice procédurale modère l’effet de la perception de justice distributive sur l’attitude de résistance, nous avons réalisé des régressions modérées en utilisant successivement l’attitude globale de résistance puis les composantes spécifiques de cette attitude comme variables dépendantes. Nous avons centré les variables prédictives du modèle de l’analyse de régression modérée. Conformément à la procédure indiquée par Aiken et West (1991 ; voir également Bobko, 2001) nous avons introduit dans la première étape de chaque régression la justice distributive et la justice procédurale, puis dans la deuxième étape nous avons rentré l’interaction obtenue par la multiplication de ces deux dimensions de justice. L’hypothèse est confirmée, comme en témoigne la significativité de l’interaction pour la prédiction de la résistance globale, la résistance cognitive et la résistance comportementale (Tableau 2). Cette interaction est représentée dans la Figure 1 pour la résistance globale ; les représentations graphiques étant similaires pour les deux facteurs spécifiques de l’attitude de résistance, nous ne les présentons pas. Le graphique montre que plus les individus ont un sentiment d’injustice distributive, plus ils adoptent une attitude de résistance, et cela d’autant plus qu’ils ont en même temps un sentiment d’injustice procédurale. Nous remarquons que cette interaction des deux jugements de justice n’intervient pas de manière significative sur l’attitude de résistance affective qui est majoritairement affectée par le jugement de justice distributive.

Tableau 2

Modération de la justice procédurale dans la relation de la justice distributive avec les attitudes de résistance globale, affective, comportementale et cognitive

Tableau 2
Résistance globale Résistance affective Résistance comportementale Résistance cognitive R2 Total DR2 b R2 Total DR2 b R2 Total DR2 b R2 Total DR2 b Étape 1 .884*** .833*** .819*** .826*** Justice Distribu-tive (JD) -.87*** -.83*** -.83*** -.88*** Justice Procédu-rale (JP) -.09** -.11** -.09* -.04 Étape 2 .891*** .007*** .834*** .001 .836*** .017*** .831*** .005** JD -1.01*** -.87*** -1.05*** -.99*** JP -.32*** -.17* -.47*** -.25** JD x JP .36*** .10 .57*** .32**

Modération de la justice procédurale dans la relation de la justice distributive avec les attitudes de résistance globale, affective, comportementale et cognitive

Note : N = 297; * p < .05, ** p < .01, *** p < .001
Figure 1

Interaction de la justice distributive (JD) et de la justice procédurale (JP) dans l’explication de l’attitude de résistance au changement globale

Figure 1

Interaction de la justice distributive (JD) et de la justice procédurale (JP) dans l’explication de l’attitude de résistance au changement globale

32L’hypothèse 4 proposait que l’effet observé pour l’hypothèse 3b serait modéré par la personnalité de résistance de sorte que les personnes ayant une forte personnalité résistante auraient une attitude de résistance plus importante que celles ayant une faible personnalité résistante lorsqu’elles conjuguent des sentiments d’injustice distributive et procédurale. L’analyse de régression modérée (Tableau 3) confirme l’hypothèse. En effet, en présence d’injustices distributive et procédurale, un haut niveau de résistance au changement dispositionnelle renforce l’attitude de résistance (Figure 2). Ces résultats apparaissent pour l’attitude globale de résistance (score moyen composite des attitudes de résistance affective, comportementale et cognitive) et pour l’attitude de résistance affective. Pour les dimensions comportementales et cognitives de l’attitude, les résultats ne sont pas significatifs et ne sont pas présentés.

Tableau 3

Modération de l’influence de la justice distributive (JD) et de la justice procédurale sur les attitudes de résistance globale et affective, par la résistance au changement dispositionnelle (RTC)

Tableau 3
Résistance globale Résistance affective R2 Total DR2 b b b R2 Total DR2 b b b Étape 1 .886*** .886*** .843*** .843*** Justice Distributive (JD) -.86*** -1.16*** -1.52*** -.80*** -.99*** -1.47*** Justice Procédurale (JP) -.09** -.32 -1.02** -.13*** -.13 -1.05* Résistance au changement dispo-sitionnelle (RTC) .05* .01 -.14 .10*** .08 -.11 Étape 2 .894*** .008*** .844*** .001 JD ¥ JP .38*** 1.40** .13*** 1.48* JD ¥ RTC .17 .53* .16 .64* JP ¥ RTC -.03 .69 -.10 .86 Étape 3 .895*** .002* .847*** .003* JD ¥ JP ¥ RTC -1.02* -1.36*

Modération de l’influence de la justice distributive (JD) et de la justice procédurale sur les attitudes de résistance globale et affective, par la résistance au changement dispositionnelle (RTC)

Note : N = 297; * p < .05, ** p < .01, *** p < .001
Figure 2

Interaction de la justice distributive (JD), de la justice procédurale (JP) et de la résistance au changement dispositionnelle (RTC) dans l’explication de l’attitude de résistance au changement globale

Figure 2

Interaction de la justice distributive (JD), de la justice procédurale (JP) et de la résistance au changement dispositionnelle (RTC) dans l’explication de l’attitude de résistance au changement globale

Modèle de la théorie de justice

33Selon la théorie de justice (Folger & Cropanzano, 2001), c’est la production simultanée des trois types de contrefaits, d’états alternatifs, d’actions alternatives et de devoirs alternatifs, qui amène au développement du sentiment d’injustice. En accord avec la théorie, les corrélations entre les contrefaits et les perceptions de justice distributive et procédurale sont toutes négatives et significatives, et s’étendent de -.59 à -.80 (voir Tableau 1). Ainsi, plus les gens considèrent qu’un autre projet est possible (contrefait d’états alternatifs), que les responsables du projet auraient pu (contrefait d’actions alternatives) et dû (contrefait de devoirs alternatifs) agir différemment, plus ils jugent la situation injuste.

34Nous avons suggéré que la théorie de justice implique non seulement que les contrefaits prédisent la perception d’injustice (distributive et procédurale), mais également que cela ait des conséquences sur les attitudes et les comportements. Cette proposition (Hypothèse 5) revient donc à considérer que les perceptions d’injustices distributive et procédurale ont un rôle médiateur dans la relation entre les contrefaits et l’attitude de résistance au changement. Pour évaluer cette médiation, nous avons suivi la démarche proposée par Baron et Kenny (1986) en prenant en compte les recommandations de Shrout et Bolger (2002). Nous avons donc d’abord régressé la variable dépendante Y (ici, successivement chacune des trois composantes de l’attitude de résistance) sur la variable indépendante X (ici, successivement chacun des trois types de contrefaits). Chaque contrefait est effectivement corrélé de façon significative avec chacune des composantes de l’attitude de résistance, avec des corrélations positives comprises entre .63 et .82 (voir les coefficients de régression standardisés ; Tableau 4), ce qui confirme cette première condition de médiation. Ensuite, nous avons régressé la variable médiatrice M (ici, pour chacun des deux types de justice) sur la variable indépendante X (chaque contrefait). Comme les trois contrefaits sont corrélés de façon significative avec la justice distributive et la justice procédurale, cette étape est validée. Enfin nous avons régressé Y sur X et M ensemble. Pour la médiation complète, le coefficient de régression de M dans cette étape doit être significatif alors que celui de X ne doit plus l’être ; il est question de médiation partielle si le coefficient de X et celui de M sont tous les deux significatifs dans cette étape. Enfin, le test de Sobel (1982) permet de confirmer si l’effet indirect de X par l’intermédiaire de M est réellement significativement différent de 0.

Tableau 4

Coefficients de régressions standardisés (?) pour la médiation de la justice distributive ou procédurale dans la prédiction des attitudes de résistance à partir des contrefaits (N = 297)

Tableau 4
Résistance Affective Résistance Comportementale Résistance Cognitive Contrefait Contrefait Contrefait Régression États Devoirs Actions États Devoirs Actions États Devoirs Actions Étape 1 : Attitude (Y) régressée sur contrefait (X) .78 .73 .63 .82 .77 .64 .80 .78 .68 Variable Médiatrice : Justice Distributive Étape 2 : Variable Médiatrice (M) régressée sur contrefait (X) -.80 -.76 -.62 -.80 -.76 -.62 -.80 -.76 -.62 Étape 3 : Attitude (Y) régressée sur : Contrefait (X) .14 .10 .11 .26 .20 .12 .22 .21 .18 Justice (M) -.80 -.83 -.84 -.70 -.75 -.83 -.74 -.75 -.80 Variable Médiatrice : Justice Procédurale Étape 2 : Variable Médiatrice (M) régressée sur contrefait (X) -.68 -.68 -.59 -.68 -.68 -.59 -.68 -.68 -.59 Étape 3 : Attitude (Y) régressée sur : Contrefait (X) .51 .42 .30 .59 .51 .31 .59 .54 .39 Justice (M) -.46 -.40 -.57 -.39 -.33 -.55 -.35 -.32 -.49

Coefficients de régressions standardisés (?) pour la médiation de la justice distributive ou procédurale dans la prédiction des attitudes de résistance à partir des contrefaits (N = 297)

Note : Toutes les valeurs sont significatives à p < .001

35Les résultats de ces analyses, présentés dans le Tableau 4, valident l’hypothèse 5. Le tableau présente les étapes et les résultats des régressions médiatisées. L’étape 1 de l’analyse correspond à l’introduction d’un des trois contrefaits alternatifs (X) et présente les coefficients de régressions standardisés pour chaque prédicteur. L’étape 2 correspond à la régression des deux justices (M) sur les contrefaits et présente les coefficients de régressions standardisés. Enfin l’étape 3 présente les coefficients de régressions standardisés pour X et M. Nous pouvons observer que les valeurs initiales de coefficients de régressions des contrefaits diminuent lorsque nous introduisons une dimension de justice, dont la contribution est significative pour chaque régression. Toutes les médiations sont confirmées par le test de Sobel (p < .01; les scores z s’étendaient de 6.68 à 15.10). Cependant, toutes les médiations testées confirment un apport toujours significatif du contrefait sur le développement des attitudes. Il s’agit donc de médiations partielles indiquant que chaque contrefait, même dans le cadre d’une médiation par la justice distributive ou procédurale, conserve un effet principal (influence directe) significatif sur l’attitude de résistance au changement.

Discussion

36L’objectif initial de cette étude était d’examiner les rôles conjoints de facteurs individuels et contextuels sur l’attitude de résistance au changement. Nous avons confirmé notre hypothèse générale en montrant que la résistance au changement dispositionnelle renforce le rôle de la perception d’injustice sur l’attitude de résistance au changement. Nous avons en outre mis en évidence les liens entre la production de pensées contrefactuelles et le sentiment d’injustice, mais également leur lien direct avec l’attitude de résistance. Ces résultats nous permettent de commenter plusieurs points théoriques et pratiques.

Personnalité de résistance et attitude de résistance

37Oreg (2003, 2006) défend la capacité du trait de personnalité « Résistance au changement » à prédire l’attitude de résistance. Il met en évidence une relation positive entre la résistance dispositionnelle et les composantes affectives et comportementales de l’attitude de résistance (Oreg, 2003). Nous ne retrouvons pas tout à fait ce résultat. Dans notre étude, la résistance dispositionnelle est corrélée avec les composantes affectives et cognitives de l’attitude de résistance, ce qui est cohérent avec la forte corrélation entre ces deux composantes (r = .91; p < .01) dans notre échantillon. Comment expliquer cette différence entre nos résultats et ceux d’Oreg (2003) ? Dans l’étude d’Oreg (2003), les participants s’expriment alors que le changement a eu lieu depuis 6 mois. On peut supposer que ce qui est saillant à ce moment de l’enquête soit le ressenti affectif et le comportement effectif dans cette phase de changement. Les croyances et pensées sur le projet de changement sont remplacées par la réalité du changement et du vécu des individus. Dans notre contexte, le changement n’a pas eu lieu, et les individus ont accès prioritairement à leur ressenti affectif de la situation et aux projections qu’ils peuvent se faire du projet. Ils pensent, croient et imaginent les conséquences du projet. Il nous semble que ce résultat associé à celui d’Oreg (2003) soutient l’intérêt d’une approche tridimensionnelle de l’attitude. Cependant, malgré la complémentarité de nos résultats et ceux d’Oreg (2003, 2006), nos résultats modèrent l’importance de la personnalité résistante comme prédicteur de la résistance au changement. Il semble en effet que la perception d’injustice soit un prédicteur situationnel plus influent.

Personnalité résistante et perceptions de justice

38D’après Oreg et van Dam (2009), la personnalité résistante devrait influencer la perception de justice et plus particulièrement les perceptions de justices informationnelle et procédurale. Cette proposition n’est pas soutenue par nos résultats. Nous mettons effectivement en évidence un effet direct de la personnalité résistante sur la perception de justice, mais uniquement pour la justice distributive. Finalement, comme le suggérait Oreg (2006), la personnalité résistante pourrait fonctionner comme un prisme rendant les individus particulièrement sensibles aux informations pertinentes lors d’un changement de leur environnement. Dans notre situation, le Contrat Première Embauche a été perçu comme un risque de dégradation des conditions d’emploi et des droits sociaux acquis par le passé. Avant la mise en place d’une procédure exceptionnelle d’adoption du projet perçue comme une injustice procédurale, c’est bien le résultat du changement qui a été jugé comme injuste. Ceci expliquerait la saillance du sentiment d’injustice distributive et son lien avec la personnalité résistante dans notre étude. Le lien entre la personnalité résistante et le type de perception de justice dépendrait donc du contexte et de la saillance du type de jugement de justice. La personnalité résistante agirait en fait comme un « exhausteur » d’injustice. Nos résultats montrent en effet que l’accumulation d’injustices procédurale et distributive a un effet plus fort sur l’attitude de résistance au changement pour les individus ayant une forte personnalité résistante que pour les individus ayant une faible personnalité résistante.

Le rôle des contrefaits

39Nos résultats vont dans le sens de la théorie de justice (Folger & Cropanzano, 2001). D’une part, ils confirment le lien entre les contrefaits alternatifs (actions, devoirs et état) et le sentiment d’injustice, et d’autre part, ils montrent que le sentiment d’injustice médiatise la relation entre les contrefaits alternatifs et l’attitude de résistance au changement. Cependant, nous apportons une nuance importante. La médiation du sentiment d’injustice n’est que partielle. Cela signifie que la génération de contrefaits alternatifs est suffisante pour développer une attitude de résistance. Sans remettre en cause la théorie de justice, ce résultat nous invite à considérer particulièrement le développement des contrefaits alternatifs et à en comprendre les facteurs influents. Des travaux récents indiquent que ces contrefaits constituent une piste de recherche pertinente (Nicklin, Greenbaum, McNall, Folger, & Williams, 2011 ; Rolland, 2005). Nicklin et ses collègues montrent le rôle médiateur des contrefaits dans l’influence du contexte (sévérité de la situation, expertise perçue des responsables, erreur par commission ou omission) sur la perception d’injustice. Plus précisément, ils montrent que ce rôle médiateur dépend du type de contexte pris en compte. Leurs résultats laissent supposer que les responsables de l’action (ici, du changement) devraient agir pour la désactivation des contrefaits. C’est d’ailleurs le sens des travaux de Rolland (2005) qui montrent l’influence du type de message (excuses vs. justifications) sur la désactivation des contrefaits et l’annulation du sentiment d’injustice qui en découle. Notre étude sur un changement réel à l’œuvre offre donc une confirmation supplémentaire à l’utilité de la théorie de justice. L’importance des contrefaits est cette fois montrée en contexte réel de changement dans un cadre général de politique publique. Il serait intéressant maintenant de tester l’effet des explications données par les porteurs du projet lorsque le sentiment d’injustice et la résistance au changement sont installés. L’effet d’un renforcement des résistances parfois constaté, après les explications fournies par les porteurs de projet, pourrait être expliqué par le rôle des contrefaits. Nous avons montré que la personnalité de résistance au changement semble agir comme un renforçateur ou un « exhausteur » du sentiment d’injustice, mais nous n’avons pas montré d’effet direct sur l’intensité des contrefaits. Cependant, comme le suggère Nicklin et ses collègues (2011), il semble nécessaire d’affiner nos mesures des contrefaits en faisant la distinction entre la génération de contrefaits et l’intensité des contrefaits. Ainsi, il serait intéressant de tester l’influence de la personnalité résistante sur la génération de contrefaits, mais également de tester son rôle modérateur dans la relation entre le contexte et la production ou l’intensité des contrefaits.

Limites

40Nous cherchions à mettre en évidence la possibilité d’une boucle d’auto-régulation susceptible d’ancrer des individus dans un processus de résistance. En effet, plus qu’une simple attitude ou un simple comportement, l’expression de la résistance semble plutôt recouvrir une multitude d’attitudes et de comportements en lien avec l’objet du changement (Erwin & Garman, 2010 ; Piderit, 2000). Notre étude vient donc soutenir cette perspective d’un processus de résistance. Cependant, elle présente une limite fondamentale en ce qu’elle aborde la résistance au changement uniquement comme une attitude négative vis-à-vis de l’objet du changement. Il manque tout au moins une perspective plus comportementale et multimodale pour approfondir la chaîne causale (Giangreco & Peccei, 2005). Intégrer une approche multimodale de la résistance signifie également qu’il faille prendre en compte l’ensemble des comportements et attitudes pro- et anti-changement (Giangreco & Peccei, 2005 ; Lines, 2005).

41Si nous réussissons à montrer que les dispositions de l’individu influencent son jugement et son attitude de sorte qu’ils soient cohérents avec celles-ci, notre approche de la disposition uniquement au travers d’un trait de personnalité, conçu comme stable, paraît limitée. Nous entendons par disposition une acception plus large recouvrant l’ensemble des expériences, attitudes et mécanismes d’auto-régulation qui guident et influencent les interactions entre l’individu et son environnement. Par ailleurs, d’autres dimensions dispositionnelles auraient pu être invoquées afin de tester notre hypothèse générale. Par exemple, nous aurions pu convoquer la théorie du focus régulateur (Angel & Steiner, 2011 ; Brockner & Higgins, 2001) comme facteur des régulations des émotions et des réactions au travail. Non loin de cette théorie, nous aurions également pu prendre appui sur les travaux concernant la motivation approche-évitement (Elliot, 2008). En effet, que ce soit au travers de la théorie du focus régulateur ou de la motivation approche-évitement, la perception d’une opportunité de gain ou au contraire d’un risque de perte influence considérablement les stratégies, les processus cognitifs, les attitudes, et les comportements en jeu. Or, comme le notent Giangreco et Peccei (2005), le changement a beaucoup à voir avec la perception du gain ou de la perte. Plus encore, des travaux récents montrent que selon le focus régulateur préventif ou promotionnel (Higgins, 1997), les individus s’engagent différemment dans une action de contestation et d’opposition collective (Zaal, Van Laar, Ståhl, Ellemers, & Derks, 2011). Ces orientations préventives ou promotionnelles des individus peuvent être chroniques (dispositionnelles) ou situationnelles. La théorie du focus régulateur offre ainsi un autre cadre d’analyse de la prédisposition d’un individu à résister. Brockner et Higgins (2001) suggèrent que la prise en compte de ces dimensions psychologiques permettrait d’adapter l’orientation (préventive vs. promotionnelle) du message des managers afin d’améliorer l’adhésion à un projet.

42La non prise en compte du rapport à l’agent du changement est également une limite de notre étude. Plusieurs travaux montrent l’importance de la qualité de la relation et la confiance entre « l’exécutif et l’exécutant » ou l’employé et le manager (Furst & Cable, 2008 ; Oreg, 2006). Ces relations sont également importantes dans la théorie de justice et notamment dans la formulation de contrefaits (cf. Folger & Cropanzano, 2001 ; Steiner & Rolland, 2006). Il faudrait donc approfondir la recherche en étudiant l’impact du discours des promoteurs du projet de changement sur la production ou l’intensité (Nicklin et al., 2011) des contrefaits en fonction des dispositions des individus, et étudier leur impact sur l’amorçage et le désamorçage des actions de résistance dans la suite des travaux de Rolland (2005). Ces recherches devront mieux s’attacher à distinguer l’intensité et la génération des contrefaits alternatifs, comme l’évoque le travail de Nicklin et ses collaborateurs (2011). La mesure des contrefaits que nous avons utilisée ici ne peut être totalement satisfaisante. En effet, le fait d’évaluer directement si les individus pensent que la situation pourrait être différente, que les responsables du changement auraient dû ou auraient pu procéder autrement, ne permet pas d’accéder au contenu des pensées alternatives mais plutôt à leur magnitude (Nicklin et al., 2011). Comme le montrent Nicklin et ses collègues (2011) l’intensité de la pensée contrefactuelle serait plus fortement associée à la perception d’injustice que la fréquence des contrefaits générées. Bien que n’étant pas approprié pour accéder au contenu même de la pensée contrefactuelle alternative, le questionnaire de contrefaits permet donc néanmoins de mesurer à quel point l’individu adhère à ce type de pensées, importantes dans l’émergence du sentiment d’injustice. Notre méthodologie, bien qu’imparfaite, permet d’obtenir des résultats cohérents avec les preuves expérimentales récentes de la théorie de justice (Nicklin et al., 2011). Nos travaux montrent que poursuivre la recherche sur les contrefaits pourrait permettre de produire des conseils utiles aux managers de projets, puisqu’ils semblent prédire directement l’attitude de résistance au changement.

Implications appliquées

43La résistance au changement reste une des préoccupations majeures des porteurs de projets impliquant une évolution des procédures, des pratiques et des résultats attendus. Comme le signalent Savoie, Bareil, Rondeau et Boudrias (2004), jusqu’à 80 % des changements organisationnels échouent. Malgré les études menées depuis des décennies sur le changement, il reste un écart entre les résultats scientifiques et les pratiques de terrain.

44Notre étude permet de tirer plusieurs conclusions pratiques. Concernant le rôle de la personnalité, nous apportons une nuance importante suite aux travaux d’Oreg (2003, 2006). L’utilité de détecter, dès le recrutement par exemple, les individus plus ou moins réfractaires au changement, apparaît limitée. Même si c’est un facteur important pour le renforcement des résistances, il faut encore vérifier si, par exemple, ce facteur de personnalité pourrait avoir un impact sur l’interprétation du discours des responsables. Pour l’heure, les implications pratiques issues de ces travaux sur la personnalité résistante semblent limitées.

45Par contre, le développement des travaux sur l’application de la théorie de justice (Nicklin et al., 2011 ; Rolland, 2005) offre des indications sur l’effet des explications et l’adéquation perçue de celles-ci. Ainsi, les justifications permettraient de désactiver les pensées contrefactuelles de devoirs et d’augmenter la perception de justice, à condition que les justifications soient perçues comme appropriées. L’adéquation des justifications dépend également de la cohérence du discours entre les agents, comme relevé par Erwin et Garman (2010). Il serait intéressant de tester l’effet de la cohérence du discours sur l’émergence ou l’annulation des pensées contrefactuelles.

46Dans tous les cas, nos résultats confirment la nécessité de prendre en compte la perception de justice et l’existence de pensées fondées sur les contrefaits alternatifs. Ils suggèrent également que l’application d’un management juste peut permettre d’améliorer l’implémentation du changement, en agissant en particulier sur le type de pensées des individus.

Annexe A

47Questionnaire de Résistance au Changement Dispositionnelle (traduction en français du questionnaire d’Oreg, 2003, adapté au contexte de l’étude)

48La liste suivante présente plusieurs propositions à propos de croyances et attitudes générales vis-à-vis du changement. Indiquez votre degré d’accord ou de désaccord avec chaque proposition, en cochant le numéro adéquat. Décrivez-vous tel que vous êtes de façon général en ce moment, pas comme vous souhaiteriez être dans l’avenir. Décrivez-vous le plus honnêtement possible (par rapport aux personnes du même sexe et du même âge que vous).

49Répondez le plus spontanément possible. Il n’y a ni bonne ni mauvaise réponse. Vos réponses resteront strictement confidentielles.

50Maintenant, lisez chaque proposition et cochez le numéro correspondant à votre réponse.

tableau im7
Pas du tout d’accord Pas d’accord Plutôt pas d’accord Plutôt d’accord D’accord Tout à fait d’accord 1 2 3 4 5 6

511. En général, je considère les changements comme étant plutôt négatifs.

522. Je préfère une journée routinière plutôt qu’une journée remplie d’évènements imprévus.

533. J’aime faire des choses habituelles plutôt qu’en essayer des nouvelles et différentes.

544. Dès lors que ma vie prend la forme d’une routine stable, je recherche les possibilités de la changer.

555. Je préfère m’ennuyer qu’être surpris.

566. Si j’étais informé d’un important changement à venir dans la façon de faire les choses, je serais certainement stressé.

577. Quand je suis informé d’un changement de plans, je deviens un peu nerveux.

588. Cela me stresse quand les choses ne se déroulent pas comme prévu.

599. Si un de mes professeurs changeait les critères de notation, cela me mettrait probablement mal à l’aise, même si je pensais que je ferais aussi bien sans effort supplémentaire.

6010. Les changements de projets m’embêtent vraiment.

6111. Je me sens souvent mal à l’aise même par rapport à des changements qui pourraient améliorer ma vie.

6212. Lorsqu’on me pousse à changer quelque chose, j’ai tendance à résister même si je pense que le changement pourrait m’être bénéfique au final.

6313. Parfois je me trouve à éviter des changements dont je sais qu’ils seront bons pour moi.

6414. Je change souvent d’avis.

6515. Je ne change pas d’avis facilement.

6616. Une fois que je suis arrivé à une conclusion, il est peu probable que je change d’avis.

6717. Mes opinions sont stables dans le temps.

68Items 4 et 14 inversés ; Recherche de routine : items 1-5 ; Réaction émotionnelle : items 6-9 ; Focalisation à court terme : items 10-13 ; Rigidité cognitive : items 14-17

Annexe B

69Questionnaire de Contrefaits Alternatifs (adapté de Rolland, 2005)

70La liste suivante présente plusieurs propositions à propos du Contrat Première Embauche et du gouvernement français. Indiquez votre degré d’accord ou de désaccord avec chaque proposition, en cochant le numéro adéquat. Répondez le plus honnêtement et le plus spontanément possible. Il n’y a ni bonne ni mauvaise réponse. Vos réponses resteront strictement confidentielles.

71Maintenant, lisez chaque proposition et cochez le numéro correspondant à votre réponse.

tableau im8
Pas du tout d’accord Pas d’accord Plutôt pas d’accord Plutôt d’accord D’accord Tout à fait d’accord 1 2 3 4 5 6

72S1. Le gouvernement aurait dû choisir un autre projet pour répondre au chômage des jeunes.

73*C2. Ce n’est pas la faute du gouvernement s’il a pris cette décision.

74*W3. Le CPE est la meilleure solution pour répondre au chômage des « jeunes ».

75C4. Le gouvernement aurait pu prendre une décision plus adaptée à la situation.

76*S5. Si le gouvernement avait décidé d’un autre projet, il aurait fait un mauvais choix.

77*W6. Comparé à d’autres possibilités, le CPE est le meilleur.

78*S7. Le gouvernement aurait eu tort de décider d’un autre projet.

79*C8. Le gouvernement a été obligé de prendre cette décision de projet.

80*S9. Le gouvernement n’aurait pas dû décider d’un autre projet pour répondre au chômage des jeunes.

81*W10. Un autre projet n’aurait pas été aussi bon que le CPE.

82C11.Le gouvernement avait le contrôle sur la décision de projet.

83S12. Le gouvernement aurait dû décider d’un autre projet.

84W13. Je peux imaginer qu’il y a de meilleurs projets pour répondre au chômage des « jeunes ».

85*S14. La décision de projet prise, représente un bon jugement de la part du gouvernement.

86*C15. Étant donné le contexte, le gouvernement ne pouvait décider d’un autre projet.

87* Items 2,3,5,6,7,8,9,10,14,15 inversés ; S : contrefaits de devoirs ; C : contrefaits d’actions ; W : contrefaits d’états.

Notes

  • [*]
    Laboratoire d’Anthropologie et de Psychologie Cognitives et Sociales, Université Nice Sophia Antipolis, SJA3/MSH/LAPCOS, 24 avenue des Diables Bleus, 06357 Nice Cedex 04, France. E-mails: vincent.angel@gmail.com; dirk.steiner@unice.fr
  • [1]
    Utilisation du décret 49.3: procédure accélérée exceptionnelle limitant les débats.
Français

Intégrant une approche dispositionnelle de la résistance au changement (Oreg, 2003, 2006 ; Piderit, 2000), nous en examinons les origines sociocognitives, en combinant la personnalité et les cognitions liées à la justice. Suite à une proposition gouvernementale de réforme modifiant le contrat de travail, nous avons conduit une enquête sur internet, suivant la méthode « boule de neige », auprès de 297 individus concernés par cette réforme. Nos résultats confirment partiellement les travaux d’Oreg (2006). La résistance dispositionnelle influence la perception de justice et l’attitude de résistance. Ces résultats montrent également le lien entre la perception de justice et l’attitude de résistance. Enfin, nos résultats contribuent au développement de la théorie de justice, par l’établissement d’un lien entre les contrefaits et l’attitude de résistance. Nos résultats soulèvent de nombreuses questions quant à l’émergence de la résistance au changement. Des voies pour des développements pratiques et théoriques sont énoncées dans la discussion.

Mots-clés

  • résistance au changement
  • personnalité
  • attitude
  • théorie de justice
  • contrefaits

Références

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Vincent Angel [*]
  • [*]
    Laboratoire d’Anthropologie et de Psychologie Cognitives et Sociales, Université Nice Sophia Antipolis, SJA3/MSH/LAPCOS, 24 avenue des Diables Bleus, 06357 Nice Cedex 04, France. E-mails: vincent.angel@gmail.com; dirk.steiner@unice.fr
Dirk D. Steiner[*]
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Mis en ligne sur Cairn.info le 24/06/2013
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