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Adieu Sœur Constance

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Nécrologie
28 avril 2009

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La soprano Liliane Berton est décédée. C’était une voix de microsillon, l’une de ces sources d’eau vive qui tournait en boucle sur les électrophones de nos grands-parents et donnait aux dimanches des airs de printemps, Yvonne bien sûr dont elle partageait la diction évidente et un certain chic. Une incarnation de la tradition aussi, qu’il s’agisse du répertoire – Si j’étais roi, Le domino noir, les P’tites Michu, … – ou de sa tessiture de soprano colorature qui, de Marie Van Zandt1 à Natalie Dessay en passant par Lily Pons et Mado Robin, caractérise l’école de chant français.

La toile, pourtant d’ordinaire diserte, ne se répand pas en commentaires. Seule l’amicale des habitants de Bully-les-Mines – sa ville natale – offre une courte biographie qui pose le problème de sa date de naissance : 1924 ou 1929 ? Un père maçon originaire de Belgique, Jules Berton, et une mère française, dont le prénom fera rêver les enfants d’aujourd’hui – Potter – et dont le nom évoque déjà le répertoire qui sera le sien : Zulma2. Une histoire qui débute comme un conte de fée : un concours de diction à Lille, une erreur de porte et la voilà projetée dans une salle de chant où un professeur l’auditionne puis la façonne. La formate, dirait-on aujourd’hui, tant Liliane Berton correspond exactement aux chanteuses dont se nourrit l’Opéra-Comique de l’époque : blonde, fine, le timbre clair, le grain serré sans être pincé, du fruit mais rouge – cassis, framboise – de la ligne et de l’éclat. Tout d’une jeune première.

Case départ : l’Opéra-Comique donc où elle débute le 7 novembre 1952 dans Dolorès de Michel-Maurice Lévy, un roman musical en 3 actes et 7 tableaux d’après le roman de Vicente Balsco Ibáñez, Fleur de mai (1895). Le livret est signé Louise Marion, épouse du compositeur et créatrice du rôle de Thérèse dans Les mamelles de Tiresias d’Apollinaire. Poulenc déjà. La critique estime que l’œuvre n’est pas « d’une originalité saisissante » mais applaudit dans le rôle-titre, Denise Duval : « jolie couleur de voix et chant à la corde »3. Poulenc encore. L’Opéra de Paris, lui, remarque la jeune débutante et l’engage dans sa troupe. L’époque aime les Eurydice graciles, les Cherubin ailés, les Suzanne ingambes et les Rosine guillerettes. Liliane Berton triomphera dans Orphée, Les Noces de Figaro, le Barbier de Séville ; en français s’il vous plait : «  Oui, je suis douce par caractère, mais j’ai la tête un peu légère… ».

De la légèreté, trop pour nos oreilles aujourd’hui, mais du charme à faire tourner les cœurs. Le public n’est pas seul à succomber. 1952 encore, elle épouse René Charrière du groupe « Les garçons de la rue », autre registre, autre répertoire. Après avoir suivi le cours Simon pour y prendre des cours de maintien en scène, elle devient la soprano colorature de sa génération. Incontournable, et rapidement puisqu’en 1956, Francis Poulenc, en pleine composition de Dialogues des carmélites, écrit à Claude Rostand : « Très bonnes nouvelles des deux Carmélites, celle de Milan se fait complètement en dehors de moi… Je ne sais pas qui chantera. C’est mieux ainsi… Paris au contraire me passionne. J’ai fait une distribution que je crois valable – Ecoutez : Blanche : Denise ; Constance : Berton… ». Un an après, en 1957, lors de la 4e représentation de son opéra sur le vaste plateau du Palais Garnier, le compositeur est bouleversé : « J’ai vu, entendu et senti pour la première fois ce que j’avais porté en moi pendant des années tragiques et lorsque Blanche et Constance ont échangé leur dernier regard, j’y ai été de mes larmes4 ». Liliane Berton va illuminer de sa grâce ce rôle de Constance qui l’accompagnera tout au long de sa carrière : Paris en 1964, Avignon en 1965, Marseille en 1967, Rouen en 1972. Quand Denise Duval fera sa dernière apparition sur scène en 1965 au Teatro Colon de Buenos-Aires, dans le rôle de Blanche, Liliane Berton sera sa Sœur Constance. Encore et toujours grâce à l’enregistrement historique de Pierre Dervaux (EMI) qui aujourd’hui sert de référence.

A 42 ans, l’âge de la retraite pour les artistes en contrat avec l’Opéra de Paris, la voix n’a pas gagné en épaisseur ce qu’elle a perdu en essence. Vient alors le temps des œuvres plus faciles à chanter – l’opérette – des cours de chant et de la mise en scène, si tant est que la Liliane Berton qui, d’après Google, organisait en 2006 des spectacles de théâtre pour l’association Roc la Couze à Saint-Floret en Auvergne soit bien celle qui, dans Dialogues des Carmélites, le visage irradié de bonheur, chantait « O pia, o dulcis Virgo ma… » avant que le couperet ne tombe sur sa tête.

 

Christophe Rizoud.

 

(1) Marie Van Zandt (1858-1919), créatrice de Lakmé

(2) Allusion à Zulma Bouffar (1843-1909), l’égérie d’Offenbach.

(3) Bruno Berenguer, Denise Duval, Editions Symétrie, 2004

(4) Lettre de Francis Poulenc à Georges Hirsch, automne 1957

 

  

Vos avis

En 1962 Liliane Berton fut choisie par Elisabeth Scwarzkopf et Walter Legge pour être la Sophie de ce fameux « Chevalier à la Rose » qui marquait les débuts à Paris de la grande soprano allemande dans cet opéra. Liliane Berton connaissait ce rôle qu’elle avait déjà chanté notamment auprès de la maréchale de Régine Crespin,mais pour l’occasion elle dut l’apprendre dans la langue originale. Dans une émission qui lui avait été consacré sur France Musique « mémoire retrouvée » Liliane Berton évoquait son travail avec Schwarzkopf, qui aimait particulièrement le timbre de sa jeune collègue l’écoutant toujours très attentivement, on dit même que Schwarzkopf voulut emmener Liliane à Vienne! Finalement la belle préféra rester en France. N’oublions pas non plus la Susana des Noces de Figaro que Liliane chanta à Glyndebourne en 1963, rôle qu’elle n’avait jusque-là jamais chanté, contrairement à ce que croyaient les agents anglais venus l’entendre dans Don Pasquale! Si elle s’illustra relativement peu à l’étranger c’est sans doute parce que sa carrière française la comblait pleinement. Aux Pays-Bas cependant elle chanta plusieurs fois notamment le rôle titre de la Serva Padrone de Pergolèse ainsi que l’Amour dans l’Orphé de Gluck (contrairement à ce qu’on peut lire elle n’interpréta jamais Euridice beaucoup trop lyrique selon ses propres mots) A Aix en 1955 Liliane chantait ce personnage en compagnie de Gedda Orphée et de Micheau Euridice, un enregistrement fut réalisé peu après (j’ignore si le cd est encore trouvable!) Liliane Berton fut une des plus belles représentantes du chant français ( il n’est pas indifférent de noter que son professeur de chant à Paris avait été une élève du grand Jean De Reszké),technique admirable tout ce qu’elle chantait quelque en fut la difficulté paraissait toujours extraordinairement facile, diction parfaite n’altérant jamais la ligne de chant,charme renversant. Liliane Berton mérite à coup sûr qu’on ne l’oublie pas, mieux qu’on la réécoute souvent,comme une leçon que l’on veut se donner, comme un plaisir que l’on veut s’octroyer.
Vincent

 

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