La banque BSI est devenue le premier établissement suisse à se plier à un plan global des Etats-Unis pour lutter contre l'évasion fiscale helvétique

Le poids de la Suisse - historiquement l’épicentre de la gestion de fortune offshore - dans la gestion des avoirs offshore a considérablement baissé depuis 2008, pointe un rapport de l’Observatoire européen de la fiscalité.

afp.com/Fabrice Coffrini

La fraude fiscale offshore a été divisée par trois en moins de dix ans. Voilà la nouvelle encourageante que l’on peut lire dans le rapport publié par l’Observatoire européen de la fiscalité, laboratoire de recherche dirigé par l’économiste français Gabriel Zucman. Avant 2013, les actifs financiers des grandes fortunes logés dans les paradis fiscaux représentaient 10 % du PIB de la planète. Surtout, l’essentiel n’était pas déclaré tandis qu’aujourd’hui, les experts évaluent à 25 % la part qui échappe à la vigilance des autorités fiscales. Le poids de la Suisse - "historiquement l’épicentre de la gestion de fortune offshore", selon ce rapport - dans la gestion de ces avoirs offshore a considérablement baissé depuis 2008. Une preuve de l’efficacité du mécanisme d’échange automatique de renseignements mis en place il y a quelques années, salue l’ancien directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE, Pascal Saint-Amans.

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L’Express : Qu’appelle-t-on fraude fiscale offshore ou extraterritoriale ?

Pascal Saint-Amans : C’est une démarche totalement illégale qui consiste à cacher son argent, liquide ou pas, dans une juridiction dont on n’est pas résident, un pays qui ne communiquera pas d’informations au pays où l’on paye ses impôts.

Selon le rapport publié lundi 23 octobre, la Suisse était "historiquement l’épicentre de la gestion de fortune offshore". Comment jugez-vous les chiffres publiés, à savoir que la Suisse ne représente plus que 20 % des avoirs offshore gérés dans le monde, contre environ 50 % avant la crise de 2008 ?

Le rapport montre que plus d’impôts ont été payés et que le volume des actifs détenus offshore non déclarés a diminué. C’est bien la preuve que l’échange automatique de renseignements, instrument de lutte contre la fraude fiscale mis en place à partir de 2016 grâce aux efforts de l’OCDE, fonctionne. On peut même remonter au lendemain de la crise financière : l’échange de renseignements à la demande a commencé en 2009, portant ainsi un coup au secret bancaire. Dans le même temps, les Etats-Unis ont mis en place le Foreign Account Tax Compliance Act – dit Fatca -, puis ce mécanisme a été multi-latéralisé (NDLR : une centaine de pays sont aujourd’hui concernés). Tout cela a abouti à la fin du secret bancaire : les banques suisses communiquent aujourd’hui sur des millions de comptes chaque année.

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Que risquait la Suisse à ne pas s’y soumettre ?

Tous les pays ont mis fin au secret bancaire. Ne pas le faire l’aurait marginalisée. C’était un mouvement sain et souhaitable, qui a permis à la place financière suisse de devenir plus compétitive : au lieu de se reposer sur les lauriers d’une économie de rente, à se partager le gâteau des clients fraudeurs, elle a été poussée à produire un meilleur service.

Les finances publiques des Etats sont-elles gagnantes ?

Le rapport estime que plus de 140 milliards de dollars d’impôts ont pu être collectés sur une dizaine d’années grâce à la déclaration des comptes à l’étranger. Il y aura toujours des gendarmes et des voleurs, mais hier les gendarmes n’avaient ni arme, ni menottes, aujourd’hui ils sont équipés. Hier, vous alliez à Genève et vous pouviez cacher beaucoup d’argent sans aucun risque. Aujourd’hui, il faut aller dans d’autres territoires, des endroits douteux, via des avocats véreux, sans être sûr de retrouver son argent. C’est plus compliqué…

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Cet exemple montre qu’il est possible, avec de la volonté politique, de s’attaquer collectivement à un problème international…

Cela paraissait impossible. Il a fallu un alignement des planètes : que les grands pays soient d’accord - ceux du G20 l’ont été -, qu’un événement provoque la décision - la crise financière de 2008 a servi de déclencheur -, que le grand public soit sensibilisé et qu’une organisation agile comme l’OCDE coordonne le tout.

Quelle est la prochaine étape ?

Il faut que les Etats-Unis, désormais, fassent comme les autres : l’échange automatique de renseignements n’est pas encore réciproque. Par ailleurs, cet échange ne concerne que les comptes bancaires. Un rapport de l’OCDE a proposé cet été qu’il couvre aussi les actifs immobiliers, cela me paraît être un chantier pertinent. Enfin, il faut que l’information sur les bénéficiaires effectifs, qui se cachent derrière une chaîne de propriétés, soit disponible.