Jean-Pierre Ferland: grand roi de la chanson | JDQ
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Jean-Pierre Ferland: grand roi de la chanson



Il n’y avait que lui pour faire un album qui s’intitulait Écoute pas ça. 

Heureusement, personne n’a obéi aux ordres de Jean-Pierre Ferland et on a tous «écouté ça», et tendu l’oreille à ses chansons, pendant ses 60 ans de carrière.

Les artistes se considèrent chanceux quand ils réussissent à connaître ne serait-ce qu’une seule période de gloire ou de création prolifique. Jean-Pierre, lui, en a connu trois, minimum!

D’abord sa période chansonnier marquée par Je reviens chez nous, puis sa période innovatrice/concept avec Jaune et Soleil, puis sa grande période acoustique avec Écoute pas ça et L’amour c’est de l’ouvrage.

Il y a peu de créateurs qui peuvent se targuer d’avoir su se réinventer avec autant de talent, ouvrant une nouvelle porte quand une première se fermait.

Jean-Pierre Ferland n’était jamais là où on l’attendait, toujours prêt à nous étonner pour nous séduire et nous charmer. Juste chanteur? Non, il animait et interviewait avec talent à la radio et à la télé. Juste auteur-compositeur-interprète? Non il créait des comédies musicales. Juste un homme à femmes? Non, il avait des amitiés masculines solides, loyales et fidèles.

  • Écoutez l'entrevue avec Sophie Durocher, auteure de la biographie Hey, boule de gomme! S'rais tu dev'nu...de Jean-Pierre Ferland au micro d’Alexandre Dubé via QUB :

Le plus beau succès pour une chanson, c’est quand tous ceux qui la chantent pensent qu’elle fait partie du patrimoine. Combien de francophones à travers la planète fredonnent «Fais du feu dans la cheminée, je reviens chez nous» ou «Y’a pas deux chansons pareilles, les plus belles sont les moins connues» comme ils fredonneraient «À la claire fontaine, m’en allant promener»?

Combien de gens chantent «La vie vient du palier/ Le vent vient de la cour/ Ma chambre est habitée/Par des secrets d’amour» en chœur avec Céline Dion, en ignorant complètement que c’est Jean-Pierre Ferland qui l’a écrite?

Et combien d’amoureux se sont mariés au son d’Une chance qu’on s’a: «J’suis pas très grand / Pas très fort / Mais que personne vienne / Te faire d’la peine / Sans d’abord me passer sur le corps»? Cette chanson résonne aussi lors de funérailles, comme quoi les mots de Ferland nous touchent dans nos plus grands moments d’émotion.

Ce qu’il faut avant tout retenir de l’héritage de Jean-Pierre Ferland, ce sont ses talents de poète, des formules fulgurantes, des tournures de phrase délicates, la préoccupation du mot juste et un amour immodéré pour la beauté de la langue française.

«Le printemps se dégivre», c’est magnifique, non? «L’hiver peut neiger, L’été aussi, Rien ne peut plus me désoler», c’est du grand art, non? «Puis il vint un vent de débauche qui faucha le roi», c’est une magnifique allitération, n’est-ce pas?

Dans ma bibliothèque, le recueil de chansons de Jean-Pierre Ferland Mes années d’école est classé dans la section poésie, entre Gaston Miron et Nelligan.

Archive Journal

Qu’est-ce qu’il penserait des chansons de certains membres de la relève, baragouinées dans un «franglais» approximatif? Quand Jean-Pierre chantait en anglais, comme dans God is an American, ce n’était pas pour avoir l’air chill, c’était justement pour dénoncer l’impérialisme américain.

On dit souvent que Janette Bertrand a «déniaisé» le Québec socialement. Mais musicalement, c’est Jean-Pierre qui nous aura déniaisés. Avec son album Jaune, évidemment, mais aussi avec des chansons qui nous «brassaient».

Je pense bien sûr à Pissou, qu’il a écrite après Meech et Charlottetown, sa seule chanson «engagée».

C’est quand même ironique que l’homme qui a écrit Si je savais parler aux femmes soit aussi celui qui a écrit les plus belles chansons pour les femmes, sur les femmes, avec des femmes.

Il a chanté la ville, fier fils du Plateau, «Un brin de soleil, six pieds de boucane, Un escalier en tire-bouchon, Les voisins d’en haut qui se chicanent, Ma mère qui veille sur son balcon». Le 5089 Chambord de Jean-Pierre Ferland est désormais aussi connu que le 7 et 1/2 de la rue Fabre de Michel Tremblay ou le 6760 Saint-Vallier de Beau Dommage.

Jean-Pierre est parti la même semaine que l’arrivée de l’album Pub royal des Cowboys Fringants. Ma seule consolation, c’est de savoir que depuis quelques jours, les Québécois sont retombés en amour avec leur musique et... écoutent du Québécois sur toutes les plateformes!

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