Réalisée au quinzième siècle, cette mise en prose d’un roman anglo-normand en vers du début du treizième siècle (Gui de Warewic, éd. Alfred Ewert (Paris: Champion, 1932–33)) témoigne de la fortune de la figure légendaire de Guy de Warwick. Les aventures de ce héros illustrant le passé glorieux des familles anglo-normandes se déroulent au dixième siècle, à l’époque du roi Æthelstan; la bataille de Brunanburh entre les Vikings et les Anglo-Saxons (en 937) aurait inspiré l’épisode du combat entre Guy et le géant Colbrant. L’auteur de la prose est anonyme: les diverses hypothèses sur son identité émises par la critique, rappelées par l’éditrice (pp. 12–13), restent conjecturales et liées aux possesseurs des deux manuscrits conservés: L (Londres, British Library, MS Royal 15 E VI), confectionné à Rouen, daté 1444–45 et offert par John Talbot, comte de Shrewsbury, à Marguerite d’Anjou à l’occasion de son mariage avec Henry VI d’Angleterre; et P (Paris, Bibliothèque nationale de France, fonds français 1476), qui a appartenu à Marguerite de Rohan, épouse de Jean d’Angoulême, frère de Charles d’Orléans. Deux imprimés parisiens plus tardifs conservent Guy de Warwick sans Hérolt d’Ardenne: R (François Regnault, 1525) et B (Jean Bonfons, s.d. mais c. 1550). Signalons aussi que le roman catalan Tirant lo Blanch (Valencia, 1490) semble dériver de la prose plutôt que du roman en vers (p. 13). L’éditrice démontre que la macrostructure de la prose suit celle de la narration en vers, et illustre la variété des formes de transposition en prose, mais aucun des seize témoins conservés de la version versifiée ne semble avoir servi de modèle à la prose (p. 33). Le choix de fournir en Annexe les occurrences des mots ‘hystoire’ et ‘compte’, ainsi que les types d’intervention de l’auteur/narrateur et les marqueurs de l’énonciation, nous offre deux outils précieux pour approfondir les procédés de réécriture. Le stemma se divise en deux branches, représentées d’une part par le MS L, et de l’autre par le MS P dans une famille α à laquelle se rattachent aussi les imprimés. P abrégeant considérablement le texte, l’éditrice se base sur le texte de L, comme l’avait déjà fait Denis J. Conlon (Le Rommant de Guy de Warwik et de Herolt d’Ardenne (Chapel Hill: University of North Carolina Press, 1971)). Cette nouvelle édition s’imposait sans conteste: les fréquentes erreurs de copie de L sont amendées à l’aide des imprimés, éventuellement de P, en recourant au texte en vers, ou prudemment ope ingenii; la constitution de l’apparat critique, positif, est détaillée avec soin, et il en résulte une exposition claire et précise des nombreuses variantes, placées en fin de texte. On appréciera le tableau, en Annexe, des interventions de l’éditrice sur le texte, avec regroupement des types d’erreurs, ce qui offre un portrait précieux du copiste de L. La note linguistique confirme une scripta de l’ouest, voire du nord-ouest; un bon glossaire et des notes critiques exhaustives complètent cette édition, qui emporte la confiance.

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