Pourquoi Françoise Hardy reste «iconique» pour la jeune génération d'artistes | Slate.fr
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Pourquoi Françoise Hardy reste «iconique» pour la jeune génération d'artistes

Au Printemps de Bourges, une flopée de musiciens de la nouvelle scène française ont repris des classiques de la chanteuse.

Françoise Hardy compte vingt-huit albums, sortis entre 1962 et 2018. | Phototèque Lecoeuvre / Collection ChristopheL via AFP
Françoise Hardy compte vingt-huit albums, sortis entre 1962 et 2018. | Phototèque Lecoeuvre / Collection ChristopheL via AFP

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Clara Luciani ne s'en est jamais cachée: elle voue un culte à Françoise Hardy, pour «sa timidité» et ses textes «magnifiques». Pour la chanteuse, qui l'a reprise moult fois en concert comme en studio, elle est tout bonnement «iconique». Clara Luciani était d'ailleurs l'une des têtes d'affiches de la création «Messages personnels, Françoise Hardy par Sage», qui s'est tenue lors de la dernière édition du festival du Printemps de Bourges.

Avec elle, une dizaine d'artistes, âgés de 20 à 30 ans, se sont appropriés plusieurs classiques et chansons plus ou moins confidentielles de Françoise Hardy. Comment expliquer que des interprètes, même pas nés au moment de la sortie de «Comment te dire adieu», se soient retrouvés (avec brio) autour du répertoire de la plus discrète des popstars?

Pour ses textes, d'abord –certains écrits par elle, d'autres par Michel Berger, Serge Gainsbourg ou Alain Souchon. Sur Europe 1, Françoise Hardy l'admettait: «Le texte doit être au service de la mélodie, et non l'inverse.» «En une minute, elle peut dessiner une larme, un geste, admet P.R2B, parmi les artistes présents. Parfois, moi, j'ai l'impression d'être dans la démesure dans mes textes, d'en dire beaucoup. Elle, elle reste très minimaliste.»

Ces textes restent puissants et évocateurs, diront certains, peut-être nostalgiques d'une époque où les mots étaient l'essentiel dans une chanson. Une étude réalisée par l'université d'Innsbruck, en Autriche, montre qu'en quarante ans, une tendance à «la simplification et à la répétition» dans les paroles s'est dégagée dans tous les genres musicaux.

Theodora, artiste et musicienne du groupe Astral Bakers, l'admet: «Aujourd'hui, on essaye de proposer des textes qui vont droit au cœur, de manière plus directe. Avant, il y avait plein de détours et de virages avant d'y arriver. Françoise Hardy, elle, a su décliner les tribulations de son cœur.» Aussi parce qu'elle en avait le temps.

«On passe moins de temps à écrire des chansons qu'à réfléchir à comment promouvoir son projet. Un groupe qui démarre aujourd'hui est contraint d'être aussi derrière son téléphone sur les réseaux sociaux pour valoriser sa musique, plutôt qu'à écrire dans un carnet. C'est une autre forme d'art, l'art de la promotion», reconnaît Sage, chef d'orchestre de la création.

Musique de pub, musique branchée

Si certaines chansons de Françoise Hardy ont mieux vieilli que d'autres (l'artiste compte vingt-huit albums entre 1962 et 2018), reste qu'elle a été précurseure avec beaucoup d'entre elles, ne cherchant pas «à rester l'artiste la plus populaire possible», résume Sage.

Il y a d'abord son approche anglo-saxonne de la musique, grâce à laquelle cette amoureuse de la folk britannique a inspiré plus d'un artiste anglophone. Bob Dylan (qui pose avec –entre autres– le disque de Tous les garçons et les filles sur la pochette de son album Bringing It All Back Home), Wes Anderson (qui a fait du «Temps de l'amour» la BO de son film Moonrise Kingdom), Blur (groupe avec lequel Françoise Hardy a chanté dans un duo, «To The End (La Comédie)»), Morrissey (qui reprend des chansons d'elle en concert)… Nombreux sont les artistes présents au Printemps de Bourges pour s'approprier ses titres à rêver d'un même destin.

Surtout, c'est une musicienne «aventureuse et exigeante», concède Sage. Son vaste répertoire a aussi séduit Voyou, chanteur et trompettiste. «Elle a des chansons orchestrales, grandiloquentes. Quand on écoute, on ne se rend pas compte que certains titres sont à ce point-là complexes», admet-il.

Des titres, surtout, devenus tellement populaires qu'ils sont à la fois le must de la musique branchée, la bande-son d'une pub pour de l'eau ou une chanson paillarde que les enfants fredonnent à la cour de récré. Voyou s'en souvient: «Moi, j'ai grandi dans un endroit où on n'écoutait pas trop Françoise Hardy. Je l'ai entendue pour la première fois dans une pub à la télé. Mais quand je suis arrivé à Paris, beaucoup l'avaient fait toute leur vie.»

Sans rancune

Résultat, Françoise Hardy est aussi cette artiste qui a réuni de nombreuses classes sociales: «C'était une époque où l'on écoutait de la musique dite “de gauche”, de la musique populaire comme de la musique plus bourgeoise de manière parfois cloisonnée, témoigne l'artiste récemment revenu avec Seul, son nouvel EP. C'est une des artistes à avoir réussi à faire oublier tout ça.» November Ultra, elle, se souvient que c'est avec Tous les garçons et les filles qu'elle a compris pour la première fois les paroles d'une chanson, plus petite.

Icône de mode, chanteuse discrète et adulée, Françoise Hardy a été l'avant-gardiste aux textes foisonnants, la plupart du temps justes, souvent directs. Comme elle l'est aussi elle-même: Françoise Hardy n'a récemment pas été tendre avec la génération de jeunes chanteuses, «pas nulles du tout mais sans aucune identité vocale ni musicale» (outch), dans un entretien au livre Toutes pour la musique. Elle n'y allait pas non plus de main morte avec les rappeurs («Michel Berger, Véronique Sanson, Julien Clerc, Laurent Voulzy […] contrairement aux rappeurs, on les entendra jusqu'à la fin des temps»).

Pas rancuniers, donc, Zaho de Sagazan, Clara Ysé, Albin de la Simone et d'autres ont rendu un hommage pur et divin à cette représentante –pour toujours?– de la chanson française, dans une atmosphère de relève assurée.

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