L'Homme r�volt� - Albert Camus - Babelio
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EAN : 9782070323029
382 pages
Gallimard (02/05/1985)
4.11/5   725 notes
R�sum� :
ESPOIR : Collection dirig�e par Albert Camus
Nous sommes dans le nihilisme. Peut-on sortir du nihilisme ? C'est une question qu'on nous inflige. Mais nous n'en sortirons pas en faisant mine d'ignorer le mal de l'�poque ou en d�cidant de le nier. Le seul espoir est de le nommer, au contraire et d'en faire l�inventaire pour trouver la gu�rison au bout de la maladie. Cette collection est justement un inventaire. Et c'est parce qu'elle esr un inventaire qu'elle a... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (40) Voir plus Ajouter une critique
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Challenge Nobel 2013/2014
8/15

Je pose d'embl�e que j'ai de grosses lacunes en philosophie ; ce qui signifie que parfois, je n'ai pas tout compris (eh non). Mais je l'ai termin�, presque sans me d�courager.
Que veut d�montrer Camus ? que la r�volte ne peut justifier la mort de millions de personnes ; selon lui, la r�volte est un mouvement vers la vie, qui pose des limites. La r�volte,c'est reconna�tre l'humanit� en chaque homme. Qu'au del�, c'est le nihilisme, la mort. Comprendre (en 1950) : le fascisme et le communisme. Voire, dans une moindre mesure, l'Occident. Pourquoi ? Pour lui, les 2 premiers, n�s d'un mouvement de r�volte, furent entra�n� ensuite dans l'engrenage r�volutionnaire. Ne sachant comment en sortir, leurs dirigeants les firent tomber dans le meurtre de masse, la r�volution permanente ayant toujours besoin de nouvelles victimes. le 3�, quant � lui, est trop occup� par son confort mat�riel pour se r�volter encore. Comment alors vivre la r�volte ? Il s'agit de trouver un �quilibre entre l'injustice pure et la justice pure (n�gation de la libert�), d'accepter que jamais le monde ne sera parfait? Mais veiller � ce qu'il ne tourne pas � l'inacceptable. Ce qu'on fait les r�voltes devenues r�volutions puis meurtres, c'est tuer Dieu, puis tuer l'id�e de Dieu (la morale, le vertu), et enfin de diviniser les hommes. Et mouvement final, remplacer l'id�e du salut religieux par la fin de l'histoire : une cit� sans castes ni classes. Et pour y arriver, eh ben, il y a des sacrifices � consentir. Mais c'est sans compter sur le r�el : � tout centraliser, les dirigeants se sont coup�s de la base, des r�alit�s du terrain et les d�cisions � appliquer stricto sensu sont rarement bien accueillies. La r�volte s'ancre dans la r�alit�, s'ajuste et veille. Voila ce que j'ai compris et retenu.
�videmment, tout cela est �tay�, r�f�renc�, construit. Je pense qu'il a voulu essayer d'�tre accessible au plus grand nombre : il n'est pas jargonneux, ne multiplie pas les renvois, expose clairement les faits, rigoureusement. Seulement, une base philosophique est indispensable pour tout saisir et comprendre (une certaine habitude � lire des essais philosophiques aussi). Je le relirai sans doute un jour, apr�s avoir fait mes armes.
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Ma bible philsophique. En gros, on peut r�sumer le message ainsi : "La r�volte oui, la r�volution non." Et pour ceux qui, encore aujourd'hui, pensent que c'est en coupant les t�tes. - f�t-ce symboliquement - de tous les "profiteurs" : les riches, les patrons, les hommes politiques corrompus, etc, que l'on acc�dera � une soci�t� plus juste, je leur conseille de relire attentivement le chapitre la pens�e de midi, dont je donne quelques extraits dans les citations. Cela devrait les faire r�fl�chir � leurs petites haines ordinaires faiseuses de futurs dicatateurs, de droite comme de gauche.
N'en d�plaise � ceux qui voudraient remettre le couvert en nous promettant que, cette fois c'est jur�, leur r�volution ne sdera pas sanglante, l'homme r�volt� d�montre que la terreur r�volutionnaire, qu'elle soit jacobine, stalinienne, chinoise ou cambodgienne, n'est pas une "d�viation" de la pens�e r�volutionnaire, mais en est sa cons�quence incontournable..
Lien : http://jcfvc.over-blog.com
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Cet essai est un �loge de la mesure, un �loge de l'humanit� dans tout ce qu'elle a de beau, sans s'aveugler face � tout ce qui constitue �galement sa laideur.
Je ne suis certainement pas ce qu'il y a de plus objectif concernant Camus, celui-ci �tant l'un de mes �crivains et philosophes favoris, mais peut-�tre est-ce justement dans mon admiration -mesur�e elle aussi- que je saurai le mieux vous parler de cet ouvrage.


Il r�sume le combat de toute une vie, justifie la plupart des choix qu'a pu faire son auteur. La formule "Je me r�volte donc nous sommes" est saisissante de v�rit� lorsqu'on ach�ve sa lecture.
La r�volte est une r�ponse � l'absurdit� de l'existence, mais, avant de nous justifier cette pens�e, Camus prend bien soin de d�finir la r�volte telle qu'il l'entend. Elle n'est pas une r�volution qui, dans le but de chasser une tyrannie, ne fait qu'en installer une autre. Elle n'est pas un "non" int�gral � la vie, la r�volte exige une injustice, mais on va se battre contre cette injustice justement parce qu'il y a quelque chose qui ne la m�rite pas, quelque chose qui m�rite qu'on se batte pour une am�lioration de sa condition, quelque chose auquel on va dire "oui".
Il fait ainsi une critique de Hegel et Marx, qui promettent une fin heureuse tant et dans la mesure que le pr�sent est malheureux. Qui rejettent tout ce qui ne se situe pas � la fin de l'histoire, qui disent "non" � tout ce qui fait la vie, qui conduisent au nihilisme. Car ce "plus tard" heureux qu'ils nous promettent, ressemble � s'y m�prendre au paradis promis aux croyants, la notion de transcendance �tant remplac� par celle, plus horizontale, de l'histoire.
La mise en lumi�re de toute les contradictions de l'URSS de l'�poque lui vaudra bien des malheurs, et pourtant, l� encore, c'est d'une �vidence telle qu'elle aura aveugl� la plupart, Sartre compris. Camus se fait le traducteur de cette v�rit� �blouissante, il nous la filtre et nous la restitue sans que l'on se br�le les yeux � tenter de la discerner au beau milieu de cette lumi�re.
La r�volte est une n�cessit� pour celui qui pr�tend am�liorer l'humaine condition, et m�me lorsque la cause premi�re de celle-ci est atteinte, il ne doit pas l'oublier, car c'est elle qui lui donne l'unit� de mesure permettant de c�toyer la r�union de la justice et de la libert� pour laquelle Camus aura tant fait. C'est un �tat de tension permanente qui n'autorise jamais le repos : "Ceux qui ne trouvent de repos ni en Dieu ni en l'histoire se condamnent � vivre pour ceux qui, comme eux, ne peuvent pas vivre, les humili�s." La r�volte ne permettra son oubli que lorsqu'elle ne sera plus n�cessaire aux hommes, et c'est un temps qui, contrairement � ce qu'ont pr�tendu ces tra�tres du pr�sent, n'arrivera jamais; car la justice absolue supprime la libert�, quant � elle, la libert� absolue emp�che la justice. L'une ou l'autre de ces deux valeurs aura de fait toujours besoin de r�volt�s qui se battront pour elle lorsqu'elle sera bafou�e.
La r�volte en tant que sens de la vie, la r�volte en tant qu'acc�s � l'�ternit�; voil� ce que vous offre ce livre.


Un essai conforme aux attentes que l'on peut en avoir en d�couvrant les lettres qui composent le nom de son auteur. Je ne saurai trop vous conseiller de le lire, car il est un ouvrage de philosophie indispensable pour comprendre le XX�me si�cle, ce qui le pr�c�de et le prolonge, la r�volte est intemporelle. Si vous cherchez une r�ponse � votre existence, il y a de fortes chances pour que, si elle ne se trouve pas offerte comme une gratuit�, de bonnes parties de son inconcevable puzzle s'y trouve.
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A se heurter aux confins du rationnel, sur cette fronti�re �paisse et floue qui ouvre sur l'irrationnel, Camus, et sans doute tous les confr�res philosophes qu'il appelle � son argumentation avec une pr�f�rence pour Nietzsche, me fait penser � cet insecte sous une cloche de verre qui cherche en vain mais avec obstination l'ouverture � l'air libre. La qu�te de l'absolu pour le philosophe. Apr�s nous avoir convaincus de l'absurde de la condition humaine avec le Mythe de Sisyphe, de cette Cr�ation qui ne dit rien de ses intentions, nous voici quelques dix ann�es plus tard, dans la m�me absence de r�ponse, et contraint avec Camus � la r�volte.

Lautr�amont, Sade, Rimbaud, Kafka, et tant d'autres qui peuplent cet ouvrage, autant d'insectes sous la cloche de verre. Tant d'autres qui, de r�volte en r�volution n'en d�plaise � feu le roi Louis XVI, viennent au secours, appel�s par lui, d'un Albert Camus qui �tablit le pan�gyrique de la r�volte, seule conclusion possible � des si�cles d'exploration raisonn�e.

Camus a le tort de poser les bonnes questions, de remettre en cause si ce n'est en accusation le responsable de tout cela. Tout cela n'�tant au final que la condition pr�caire de l'homme. Dieu nous donne la vie et la reprend. Dieu est donc criminel. Un criminel qui ne manifeste aucunement ses raisons.

Apr�s tout ce temps, depuis que l'intelligence a investi le corps du mammif�re pour en faire un homme, force est donc de conclure avec Nietzsche que Dieu est mort. Et l'homme devenu Dieu ? Cela lui rendrait-il justice du sort qui lui est r�serv� ? Nullement. Et la r�volte qui le gagne ne lui apporte pas pour autant de consolation. L'homme devenu Dieu reste mortel. Dans un relatif trop humain, ou tout ne s'entend que par comparaison. Point d'absolu.

La philosophie ne serait-elle au final que l'art de poser les questions ? Et de d�sesp�rer des r�ponses ?

Nous voil� donc revenu au point de d�part. A quoi peut alors servir pareil ouvrage � son lecteur, s'il reste sur cette conclusion ? Il sert en tout cas � son auteur � faire entendre son cri, d'autant mieux que quiconque puisqu'�rudit et fin lettr�. Et moi lecteur j'entends ce cri qui le fait �merger, Albert Camus, du grand concert de l'humanit�, ce cri de l'homme enferm� dans sa condition, sa cloche de verre, et qui sait dire mieux que je ne pourrais le faire l'�tat de souffrance auquel on ne peut que convenir, puisqu'affubl� de la m�me condition.

J'apprends quant � moi maintenant au moins une chose gr�ce � cet ouvrage. J'apprends pourquoi le philosophe se fait aussi romancier. Il nous le dit page 328 : "le monde romanesque n'est que la correction de ce monde-ci".

La qu�te de l'absolu serait donc l�. Dans l'imaginaire.
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Il y a des essais qui changent votre vision des choses, celui-ci en fait parti. On a tu� dieu, on a voulu devenir comme lui et on s'est cass� les dents. Camus nous reconstitue comment, d'un point de vue th�orique, les �tats et id�ologies totalitaires sont venus au monde. Comment ces �tats ont remplac� dieu, ils ont fond� un ordre messianique bas� sur l'assimilation (le communisme) ou le rejet (le fascisme). Ils ont b�ti une r�alit� de mensonge, de falsification et de meurtre logique et rationnel. Comment en est-on arriv� � une telle r�volte? Camus analyse ce r�sultat par le biais de figures philosophiques mais aussi d'acteurs.

Et la, bah faut un peu de culture philosophique, historique et politique. Mais franchement, avec Wikip�dia, cela reste plut�t accessible. Camus commence par ceci: "Il y a des crimes de passion et des crimes de raison, d�s l'instant o� le crime se raisonne, il prolif�re comme la raison elle-m�me, il prend toutes les figures du syllogisme. Il �tait solitaire comme le cri, le voil� universel comme la science." La r�volution mais �galement son contraire, � savoir l'ordre nihiliste sont ces expressions les plus visibles. Camus montre les �tapes de la pens�e qui ont permis l'av�nement de ce messianisme et de ces r�sultats.

La France a tu� le repr�sentant de dieu sur terre, on a tu� non un homme mais un concept. Bienvenu dans l'�re moderne, rien n'a plus de sens, alors faut en fonder un. On a divinis� la raison et encourag� la vertu... Mais il manquait les moyens techniques ainsi que la th�orie. Alors perfectionnons la, que l'unit� et la justice r�gnent de nouveau en ce monde. Rousseau, Sade, Saint Juste Hegel, Marx, Nietzche mais aussi tout ceux qui ont inspir� notre bon vieux L�nine, principalement venant des th�ories du terrorisme individuel. Tout passe � la moulinette pour nous fournir une petite d�monstration sur la r�volution et ces contradictions.

" le prol�tariat est forc� d'user de sa richesse pour le bien universel. Il n'est pas le prol�tariat, il est l'universel s'opposant au particulier, c'est-�-dire au capitalisme. le juge c'est l'histoire, l'ex�cution de la sentence c'est le prol�taire. Les crises succ�deront aux crises, la d�ch�ance du prol�tariat s'approfondira, son nombre s'�tendra jusqu'� la crise universelle ou dispara�tra le monde de l'�change, et ou l'histoire, par une supr�me violence, cessera d'�tre violente. le royaume des fins sera constitu�." Et pour ce r�ve et son av�nement, n'est il pas beau de se sacrifier, non, mieux de tout sacrifier.

le fascisme a le souhait de faire advenir le royaume de l'irrationalit� et de la puret� dans le temps pr�sent, le communisme, lui, au nom de la raison, pour lib�rer l'homme de l'avenir, l'asservit au pr�sent. Dans sa critique totale de la vertu formelle, il nie la libert� du d�sir au nom du rationnel. Sa volont� de tout rationaliser, de tout r��crire pour y retrouver des valeurs, a propuls� ce r�gime � l'irrationnel messianique. Et qui a men� � de grandes purges excommunicatrices, des inquisiteurs et des proc�s. Retour � case d�part, on a tu� dieu pour en rappeler un nouveau � la rescousse.

Puis il continue son essai sur la r�volte dans l'art et de la place de celle-ci dans une r�invention de la r�volution. Une d�monstration fort th�orique. Il continue sa critique, que se soit du c�sarisme r�volutionnaire mais aussi de la r�volte m�taphysique qui conc�de au meurtre, une place existante. Il continue sur le grand probl�me de la soci�t� productrice et non cr�atrice. La soci�t� capitaliste lutte avec le divertissement, la communiste avec le r�ve. Au final, ils vendent la m�me chose mais pas de la m�me mani�re.

Camus, � la fin de l'ouvrage, propose une nouvelle forme de r�volte, celle de la volont� de "changer la vie". Une autre alternative est donc possible dans la mesure o� l'on retrouvera un sens personnel dans les choses, dans sa mani�re d'�tre, un sens aussi o� l'on sera capable de remettre en question des choix de vie, son mode de vie, autrement dit encore, dans une foi active (dans le sens d�fini par Vladimir Jank�l�vitch , c'est � dire, dans le fait de se fiancer, non pas � une id�e, mais � des valeurs telles que l'amour, la justice, la recherche de la sagesse, � la recherche aussi de la paix et de la v�rit� (�couter son rythme int�rieur), sans oublier la recherche de la joie, cet �tat de bonheur dont parlait Arthur Schopenhauer dans Aphorismes sur la sagesse dans la Vie ). Une r�volte non pas nihiliste mais qui part plut�t de la volont� de puissance.

Mais au final, cette fa�on de voir les choses ressemble fort � du messianisme. Camus est tr�s conscient de la diff�rence entre la pens�e libertaire occidentale et la pens�e allemande orthodoxe. Je pense pour ma part que la prise de conscience collective n'est qu'un doux r�ve. La soci�t� du spectacle de Guy Debord le montre � merveille. La premi�re des libert�s que nous offre le capitalisme, c'est de jouir sans r�serve, le d�sir et son assouvissement sans fin. Pour moi, cela reste de l'esclavage et de manipulation sans fin, la libert�, c'est celle de pouvoir comprendre le monde et d'y participer, ce sont deux conceptions qui s'affrontent. On nous vend la premi�re dans cette soci�t�, de ce point de vue, la prise de conscience collective est impossible. Mais au final, doit-on imposer ce second mod�le? Et surtout � quel prix...

Nous avons une nouvelle religion, celle du divertissement. Mais il est soumis � l'imp�ratif mat�riel, et avec la crise �cologique. Ne serions nous pas au final, en train de tuer un nouveau dieu? Esp�rons que les cons�quences ne feront pas passer la seconde guerre mondial pour une partie de plaisir et que ce qui advienne ne soit pas pire... Pas comme la premi�re fois...
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Citations et extraits (237) Voir plus Ajouter une citation
Toutes les r�volutions modernes ont abouti � un renforcement de l'�tat. 1789 am�ne Napol�on, 1848 Napol�on III, 1917 Staline, les troubles italiens des ann�es 20 Mussolini, la r�publique de Wiman Hitler. Ces r�volutions, surtout apr�s que la premi�re guerre mondiale eut liquid� les vestiges du droit divin, se sont propos�, avec une audace de plus en plus grande, la construction de la cit� humaine et de la libert� r�elle. L'omnipotence grandissante de l'�tat a chaque fois sanctionn� cette ambition. Il serait faux de dire que cela ne pouvait manquer d'arriver. Mais il est possible d'examiner comment cela est arriv� ; la le�on suivra peut-�tre.
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Dans un certain sens, la r�volte, chez Nietzsche, aboutit encore � l'exaltation du mal. La diff�rence est que le mal n'est plus alors une revanche. Il est accept� comme l'une des faces possibles du bien et, plus certainement encore, comme une fatalit�. Il est donc pris pour �tre d�pass� et, pour ainsi dire, comme un rem�de. Dans l'esprit de Nietzsche, il s'agissait seulement du fier consentement de l'�me devant ce qu'elle ne peut �viter. On conna�t pourtant sa post�rit� et quelle politique devait s'autoriser de celui qui se disait le dernier Allemand antipolitique. Il imaginait des tyrans artistes. Mais la tyrannie est plus naturelle que l'art aux m�diocres. " Plut�t C�sar Borgia, que Parsifal !" s'�criait-il. Il a eu et C�sar et Borgia mais priv�s de l'aristocratie du c�ur qu'il attribuait aux grands individus de la Renaissance. Quand il demandait que l'individu s'inclin�t devant l'�ternit� de l'esp�ce et s'ab�m�t dans le grand cycle du temps, on a fait de la race un cas particulier de l'esp�ce et on a pli� l'individu devant ce dieu sordide. La vie dont il parlait avec crainte et tremblement a �t� d�grad�e en une biologie � l'usage domestique. Une race de seigneurs incultes �nonnant la volont� de puissance a pris enfin � son compte la "difformit� antis�mite" qu'il n'a cess� de m�priser.

Il avait cru au courage uni � l'intelligence, et c'est l� ce qu'il appelait la force. On a tourn�, en son nom, le courage contre l'intelligence ; et cette vertu qui fut v�ritablement la sienne s'est ainsi transform�e en son contraire : la violence aux yeux crev�s. Il avait confondu libert� et solitude, selon la loi d'un esprit fier. Sa "solitude profonde de midi et de minuit" s'est pourtant perdue dans la foule m�canis�e qui a fini par d�ferler sur l'Europe. D�fenseur du go�t classique, de l'ironie, de la frugale impertinence, aristocrate qui a su dire que l'aristocratie consiste � pratiquer la vertu sans se demander pourquoi, et qu'il faut douter d'un homme qui aurait besoin de raisons pour rester honn�te, fou de droiture ("cette droiture devenue un instinct, une passion"), serviteur obstin� de cette "�quit� supr�me de la supr�me intelligence qui a pour ennemi mortel le fanatisme", son propre pays, trente-trois ans apr�s sa mort, l'a �rig� en instituteur de mensonge et de violence et a rendu ha�ssables des notions et des vertus que son sacrifice avait faites admirables. Dans l'histoire de l'intelligence, exception faite pour Marx, l'aventure de Nietzsche n'a pas d'�quivalent ; nous n'aurons jamais fini de r�parer l'injustice qui lui a �t� faite. On conna�t sans doute des philosophies qui ont �t� traduites, et trahies, dans l'histoire. Mais, jusqu'� Nietzsche et au national-socialisme, il �tait sans exemple qu'une pens�e tout enti�re �clair�e par la noblesse et les d�chirements d'une �me exceptionnelle ait �t� illustr�e aux yeux du monde par une parade de mensonges, et par l'affreux entassement des cadavres concentrationnaires. La pr�dication de la surhumanit� aboutissant � la fabrique m�thodique des sous-hommes, voil� le fait qui doit sans doute �tre d�nonc�, mais qui demande aussi � �tre interpr�t�. Si l'aboutissement dernier du grand mouvement de r�volte du XIX� et du XX� si�cle devait �tre cet impitoyable asservissement, ne faudrait-il pas tourner alors le dos � la r�volte et reprendre le cri d�sesp�r� de Nietzsche � son �poque : " Ma conscience et la v�tre ne sont plus une m�me conscience" ?
L'art, du moins, nous apprend que l'homme ne se r�sume pas seulement � J'histoire et qu'il trouve aussi une raison d'�tre dans l'ordre de la nature. Le grand Pan, pour lui, n'est pas mort. Sa r�volte la plus instinctive, en m�me temps qu'elle affirme la valeur, la dignit� commune � tous, revendique obstin�ment, pour en assouvir sa faim d'unit�,' une part intacte du r�el dont le nom est la beaut�. On peut' refuser toute l'histoire et s'accorder pourtant au monde des �toiles et de la mer. Les r�volt�s qui veulent ignorer la nature et la beaut� se condamnent � exiler de l'histoire qu'ils veulent faire la dignit� du travail et de l'�tre. Tous les grands r�formateurs essaient de b�tir dans l'histoire ce que Shakespeare, Cervantes, Moli�re, Tolsto� ont su cr�er : un monde toujours pr�t � assouvir la faim de libert� et de dignit� qui est au coeur de chaque homme. La beaut�, sans doute, ne fait pas les r�volutions. Mais un jour vient o� les r�volutions ont besoin d'elle. Sa r�gle qui conteste le r�el en m�me temps qu'elle lui donne son unit� est aussi celle de la r�volte. Peut-on, �ternellement, refuser l'injustice sans cesser de saluer la nature de l'homme et la beaut� du monde? Notre r�ponse est oui. Cette morale, en m�me temps insoumise et fid�le, est en tout cas la seule � �clairer le chemin d'une r�volution vraiment r�aliste. En maintenant la beaut�, nous pr�parons ce jour de renaissance o� la civilisation mettra au centre de sa r�flexion, loin des principes formels et des valeurs d�grad�es de l'histoire, cette vertu vivante qui fonde la commune dignit� du monde et de l'homme, et que nous avons maintenant � d�finir en face d'un monde qui l'insulte. p. 344
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L'homme, certes, ne se r�sume pas � l'insurrection. Mais l'histoire d'aujourd'hui, par ses contestations, nous force � dire que la r�volte est l'une des dimensions essentielles de l'homme. Elle est notre r�alit� historique. � moins de fuir la r�alit�, il nous faut trouver en elle nos valeurs. Peut-on, loin du sacr� et de ses valeurs absolues, trouver la r�gle d'une conduite? telle est la question pos�e par la r�volte.
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La conduite morale, telle que Socrate l'a illustr�e, ou telle que le christianisme le recommande, est en elle-m�me un signe de d�cadence. Elle veut substituer � l'homme de chair un homme reflet. Elle condamne l'univers des passions et cris au nom d'un monde harmonieux, tout entier imaginaire. Si le nihilisme est l'impuissance � croire, son sympt�me le plus grave ne se retrouve pas dans l'ath�isme, mais dans l'impuissance � croire ce qui est, � voir ce qui se fait, � vivre ce qui s'offre. Cette infirmit� est � la base de tout id�alisme. La morale n'a pas foi au monde.
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Rencontre avec Denis Salas autour de le d�ni du viol. Essai de justice narrative paru aux �ditions Michalon.
-- avec l'Universit� Toulouse Capitole


Denis Salas, ancien juge, enseigne � l'�cole nationale de la magistrature et dirige la revue Les Cahiers de la Justice. Il pr�side l'Association fran�aise pour l'histoire de la justice. Il a publi� aux �ditions Michalon Albert Camus. La justice r�volte, Kafka. le combat avec la loi et, avec Antoine Garapon, Imaginer la loi. le droit dans la litt�rature.


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02/02/2024 - R�alisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
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