Après Facebook lundi, c'est au tour de YouTube de bloquer mardi en Europe les médias russes RT et Sputnik, accusés de désinformation sur la guerre en Ukraine

Après Facebook lundi, c'est au tour de YouTube de bloquer, mardi, en Europe, les médias russes RT et Sputnik, accusés de désinformation sur la guerre en Ukraine.

afp.com/Lionel BONAVENTURE

La présence de Russia Today (RT) et Sputnik, des médias financés par l'Etat russe, n'est plus désirée en Europe. La guerre en Ukraine et son corollaire, celle de l'information, pousse l'Union européenne (UE) à prendre des mesures. La présidente de sa Commission, Ursula von der Leyen, a indiqué, dimanche 27 février, que ces organes de presse colportent des "mensonges pour justifier la guerre de [Vladimir] Poutine" en Ukraine.

Publicité

Déjà critiqués en France pour leurs couvertures de précédentes crises, comme celle des gilets jaunes, RT et Sputnik relayent au gré des éditoriaux et des reportages la perspective du Kremlin. "Nous avons été trop naïfs, trop indulgents avec ces organes de propagande et de désinformation massive", a fustigé ce mardi à l'Assemblée nationale le porte-parole des députés La République en marche, Pieyre-Alexandre Anglade.

Le bannissement des deux médias russes, "quel que soit leur canal de distribution", devait être décidé ce mardi, en France, a rapporté sur RTL le commissaire européen en charge du marché intérieur, Thierry Breton. Les géants des réseaux sociaux, appartenant à des entreprises privées, ont été les premiers à agir.

LIRE AUSSI : "Les Américains arrivent à leurs fins": comment Sputnik et RT désinforment sur l'Ukraine

Les comptes de l'antenne française de Russia Today ont ainsi été suspendus sur Facebook, Instagram, TikTok, YouTube ainsi que sur la messagerie Telegram. Mêmes sanctions pour Sputnik, qui conserve pour le moment son accès à Telegram (avec environ 5 000 abonnés) et se positionne désormais sur Odysee, un équivalent de YouTube. Leurs sites Internet respectifs étaient toujours accessibles depuis l'Hexagone, ce mardi après-midi. Sputnik prévenait que cet accès pouvait être bloqué d'un instant à un autre, et recommandait de se munir de VPN (réseaux privés virtuels) afin de contourner ces sanctions.

Twitter fait pour le moment exception, mais associe à chacun d'eux la mention "média affilié à un Etat, Russie". Pour RT tout particulièrement, la sanction est déjà très lourde, puisque le média jouissait d'une audience de plus d'un million de personnes sur YouTube et 1,6 million sur Facebook. Ses vidéos, sur la plateforme appartenant à Google, atteignaient 560 millions de vues. Selon BFMTV, le compte Facebook de RT France a généré environ un million d'interactions - la somme des réactions, commentaires et partages - sur le seul mois de février. C'est autant, sur cette plateforme, que le média public Franceinfo.

Fin de partie imminente pour la chaîne RT ?

En ce qui concerne sa chaîne de télévision à proprement parler, ses audiences seraient plus confidentielles. "Les audiences de la télé sont minimales, ils ne communiquent même pas dessus, alors qu'ils communiquent sur la chaîne en arabe, en espagnol et en anglais", souligne le chercheur Maxime Audinet, auteur du livre Russia Today (RT) : un média d'influence au service de l'Etat russe (INA, 2021), auprès de l'AFP.

RT s'attend cependant à voir sa diffusion interrompue d'une minute à l'autre. Ce mardi, lors d'une assemblée générale où étaient présents une centaine de salariés, Xenia Fedorova, la présidente de RT France, a affirmé que la chaîne continuerait à travailler jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus le faire, a confié une élue du Syndicat national des journalistes à l'AFP. De son côté, RT a indiqué sur son site que les services presse de l'Assemblée nationale et du Sénat leur auraient fait savoir que ses journalistes ne seraient plus accrédités. Plus de 100 journalistes travaillent pour RT France, selon sa dirigeante, Xenia Fedorova. La fondatrice du média QG (Quartier général), Aude Lancelin, affirmait cet après-midi qu'un plan de départ serait ouvert.

Un certain flou demeurait encore, ce mardi, sur le mécanisme juridique d'une interdiction de la diffusion télévisée de RT, même si Thierry Breton semblait indiquer qu'il n'y avait aucun obstacle à cela. La France est le seul Etat membre de l'UE à accueillir sur son sol une filiale de RT - son siège est à Boulogne-Billancourt, près de Paris -, et à lui avoir accordé une licence de diffusion. Des arguments solides à son maintien, du moins à court terme.

Mais a priori, l'interdiction devrait s'appuyer sur les dispositions relatives à la loi du 22 décembre 2018 contre la manipulation de l'information. Celle-ci permet au régulateur, ici l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom, ex-CSA), de demander aux fournisseurs d'accès et aux bouquets satellites "d'empêcher, suspendre ou d'interrompre la diffusion de services de télévision contrôlés par un Etat étranger ou sous l'influence de cet Etat et portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation". Un recours auprès du Conseil d'Etat, qui examinerait l'affaire en urgence, est aussi évoqué. Au vu de la tension extrême autour de la question ukrainienne, la fin imminente de RT et de Sputnik ne fait donc aucun doute.

Reste à savoir ce que décidera le Kremlin en représailles. Dans un communiqué, le régulateur russe des médias Roskomnadzor s'est opposé à la suspension de RT et Sputnik sur les réseaux sociaux. Quand l'Allemagne avait, en février, décidé de débrancher RT, Moscou avait en contrepartie interdit la diffusion de la chaîne allemande Deutsche Welle (DW). De quoi inquiéter du côté de France télévisions et de son bureau dans la capitale russe.

Publicité