Interview de M. François Baroin, ministre de l'outre-mer, à France 3 le 10 mai 2006, sur l'abolition de l'esclavage, sa condamnation en France comme crime contre l'humanité et sur la persistance d'un esclavage au XXIème siècle.

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Circonstance : Commémoration de l'abolition de l'esclavage le 10 mai 2006

Texte intégral

Marie DRUCKER : Et sans détour, le ministre de l'Outre-mer répond ce soir à nos questions. Bonsoir, François BAROIN !
François Baroin : Bonsoir !
Marie DRUCKER : Merci beaucoup d'être avec nous. Alors aux Etats-Unis des témoignages, des livres, des autobiographies, des films, des documentaires ont fait depuis longtemps la place, toute la place à cette partie de l'Histoire. Pourquoi a-t-il fallu attendre aussi longtemps en France ?
François Baroin : Peut-être parce qu'on ne s'est pas arrêté suffisamment, qu'il a fallu du temps, qu'il a fallu l'unanimité à la représentation nationale, il y a peu, pour voter ce qui est une double mémoire, celle de l'esclavage, la " barbarie civilisée " comme le disait Aimé CESAIRE, et puis celle de son abolition qui est l'expression de la liberté et des valeurs essentielles de notre république aujourd'hui.
Marie DRUCKER : Et on va essayer de nous convaincre, là, maintenant, tout de suite, que ce n'est pas une cérémonie, une journée de commémoration de bonne conscience. Qu'est-ce qu'il va y avoir derrière ?
François Baroin : C'est tout le contraire ! Je veux dire, le choix de mettre dans l'Education nationale un dispositif qui permet aux jeunes enfants, peut-être de mieux connaître notre Histoire que notre génération ou celle de nos parents connaissait, appréhendait dans les manuels scolaires qui n'étaient peut-être pas assez mis en lumière, le fait de savoir ce que j'ai dit à des jeunes tout à l'heure lors de ces cérémonies, qu'au XVIIème siècle, il y avait un " code noir ", que les Noirs étaient des meubles, même pas des êtres humains, que tout cela a existé, que cela fait partie de notre Histoire, que c'est toute notre Histoire, aux Noirs comme aux Blancs, cette Histoire elle est partagée, mais que derrière, il y a eu des formidables combattants qui se sont battus pour la liberté et c'est aussi tout le sens du choix du 10 mai que Jacques CHIRAC a voulu, c'est que c'est une vocation universelle. La France est le premier pays à reconnaître l'esclavage comme un crime contre l'humanité et malheureusement, et vous l'avez déjà fait dans vos sujets, la démonstration que cet esclavage existe encore aujourd'hui et que ce sont des combats à mener pour demain, et cela se prépare aussi avec notre jeunesse.
Marie DRUCKER : Alors comment justement, puisque vous m'y amenez, il y a ce qu'on appelle " l'esclavage moderne ", tout simplement pour être concret, il y a encore huit cas qui ont été jugés en France depuis le début de l'année, des employés de maison qui sont, en France, très maltraités par leur patron. Qu'est-ce qui peut être fait contre cela ?
François Baroin : Mais... Au fond quand on est d'une éducation ou d'une culture humaniste, lorsque l'on croit aux valeurs de la République, tout ce qui abaisse la dignité humaine, tout ce qui ramène l'homme à une situation d'exploitation par un autre homme peut être, sous une forme ou sous une autre, considérée comme une forme d'esclavagisme moderne...
Marie DRUCKER : Et combattu comment, alors ?
François Baroin : Alors combattu dans le cadre du droit, -ce que la France a fait- combattu dans le cadre d'actions internationales -ce que la France souhaite faire- et dans le cadre d'actions internationales, vous savez qu'il y a l'exploitation des enfants pour le travail, l'exploitation également de prisonniers dans des conditions abominables, tout cela, cela fait partie des combats d'aujourd'hui et de demain, et c'est peut-être aussi la grandeur de la France de mener ce combat au niveau international.
Marie DRUCKER : Alors je vais vous poser une question beaucoup plus politique, qui n'a rien à voir avec les cérémonies d'aujourd'hui, vous êtes en ce moment, l'un des rares chiraco-sarkozistes, on peut dire, cela ne se passe pas trop mal, non plus avec Dominique de VILLEPIN, on a vu des images, ce matin, à la sortie du Conseil des ministres, il vous donnait un peu l'accolade. Comment vous avez réussi ce coup-là ? Vous êtes l'un des rares à un petit peu ménager...
François Baroin : Mais moi, je suis un homme de fidélité et de loyauté. Fidélité au président de la République, vous la savez, ce sont des relations personnelles et ce sont des relations politiques et un homme de loyauté au Premier ministre qui est un homme courageux qui se bat, et qui a une mission qu'il a remplie avec une structure intérieure, une stature intérieure tout à fait remarquable et qu'on peut observer depuis une semaine, et loyale au président de l'UMP qui est un homme dynamique et qui a des idées. Il suffit de dire du bien de tout le monde, et puis au fond, politique, il y a deux choix : soit on met de l'huile dans les rouages, soit on met de l'huile sur le feu. Ma nature et puis peut-être ma responsabilité politique, c'est aussi de mettre de l'huile dans les rouages.
Marie DRUCKER : Mais vous ne vous fâchez avec personne en fait...
François Baroin : Oui, mais cela ne veut pas dire qu'on ne défend pas pour ses idées !
Marie DRUCKER : Merci beaucoup, François BAROIN...
François Baroin : Merci !
Marie DRUCKER : ... D'avoir répondu à nos questions. Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 15 mai 2006