« Avatar » : les confessions de Jon Landau, l’homme-orchestre de James Cameron

« Avatar » : les confessions de Jon Landau, l’homme-orchestre de James Cameron

Inséparable du célèbre réalisateur canadien, le producteur répond aux questions du « Point » avant la sortie d’« Avatar : la voie de l’eau ».

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Le producteur Jon Landau, Sigourney Weaver et  Joel David Moore sur le tournage de Avatar : la voie de l'eau , de James Cameron, en salle le 14 décembre .
Le producteur Jon Landau, Sigourney Weaver et  Joel David Moore sur le tournage de Avatar : la voie de l'eau , de James Cameron, en salle le 14 décembre . © Mark Fellman / Mark Fellman

Temps de lecture : 10 min

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Il est depuis vingt-cinq ans le producteur de James Cameron, qu'il appelle « Jim ». Avec lui, il partage non seulement le triomphe mondial de Titanic (1997) mais aussi un oscar et un record, celui du premier film à dépasser le milliard de dollars de recettes, pour culminer à 1,84 milliard, soit plus du double des 914 millions de dollars de Jurassic Park (1993).

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À 62 ans, Jon Landau est à la barre d'Avatar, qui, depuis 2009, conjugue à la fois un projet artistique phénoménal et un box-office XXXXL avec près de 2,8 milliards de dollars engrangés. Après treize ans de suspense, Avatar : la voie de l'eau, second volet d'une saga qui doit en compter encore deux autres, sort enfin sur les écrans du monde entier, mercredi 14 décembre. Ce film événement est attendu comme le Messie par ses millions de fans et par les exploitants de salles touchés par une baisse de la fréquentation.

Le buzz est à son comble : James Cameron va-t-il encore une fois nous émerveiller ? Tranquillement installé sur son fauteuil dans un palace parisien, Jon Landau nous explique pourquoi ce nouveau voyage à Pandora, sur lequel le célèbre réalisateur canadien mise très gros, vaut le coup.

Le Point : Quel est le pitch de ce nouvel Avatar ? Est-il vraiment nouveau ?

Jon Landau : Il est nouveau par le formidable défi technologique qu'il propose. Le thème est toujours la famille, la famille Sully racontée selon deux points de vue différents : le point de vue des parents et celui des enfants, notamment des adolescents, qui doivent forger leur identité et leur place dans la vie. Que doit-on faire pour maintenir sa famille unie ? Jake et Neytiri sont forcés de quitter leur foyer, ils s'en vont et explorent les différentes régions de Pandora en passant notamment un certain moment sur l'eau, autour de l'eau et dans l'eau.

Quel était le nouveau challenge ?

Au départ de cette aventure, il s'agissait de condenser mille pages de notes prises par Jim et ses scénaristes. Il a décidé d'en faire trois scripts confiés à trois équipes différentes réunies dans une writing room. Une fois achevé le scénario d'Avatar : la voie de l'eau, coécrit avec Josh Friedman [La Guerre des mondes de Steven Spielberg, NDLR], on s'est rendu compte que l'histoire était trop riche et on a décidé d'en faire deux autres films. L'autre défi était technique, il fallait filmer des personnages sous l'eau en performance capture (système qui permet de restituer sur ordinateur les mouvements et les expressions des acteurs afin de réaliser des images de synthèse, NDLR).

Comment les acteurs, Sigourney Weaver et Kate Winslet en tête, se sont-ils entraînés pour effectuer les scènes sous-marines ?

Au lieu d'imiter des scènes sous-marines en suspendant les gens aux câbles, ce qui n'est pas réaliste, on voulait réaliser des performances authentiques. Sigourney Weaver, Kate Winslet et les enfants Navi's ont dû s'entraîner à Hawaï pendant quelques mois pour développer leur apnée et travailler leurs mouvements sous l'eau. Ensuite, on a construit sur le plateau de tournage une piscine géante de deux millions de litres d'eau avec des vagues et des courants. Les prises de vue sous-marines ont été réalisées selon la technologie de capture de mouvement en 3D, la CGI (Computer Generated Imagery) et par une caméra virtuelle développée par James Cameron, une sorte de volant au centre duquel se trouvent un petit moniteur et les différents réglages (zoom, focale, mouvements de la caméra, steadycam, etc.).

Sigourney Weaver a réussi à retenir son souffle pendant six minutes et demie sans bouger.

Sigourney Weaver, 70 ans à l'époque du tournage, redoutait-elle ce long entraînement imposé par son ami James Cameron ?

Oui, mais elle voulait quand même relever ce défi et a travaillé avec des plongeurs d'élite, dont un entraîneur des Navy Seals, Kirk Krack, pour bien apprendre la technique de l'apnée. Elle a même réussi à retenir son souffle pendant six minutes et demie sans bouger. Elle n'est plus très jeune, mais elle a joué le jeu au cours de cette longue formation. On l'a emmenée avec Kate Winslet et toute l'équipe à Hawaï pour répéter dans la jungle, marcher au milieu d'une faune et d'une flore impressionnantes. Lors d'une plongée de nuit au tuba, des raies mantas géantes sorties des ténèbres nageaient vers eux. Nos projecteurs éclairaient leur ventre blanc, c'était féerique. On était déjà à Pandora !

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James Cameron et vous-même voyez toujours plus grand. Que vous permet la technologie aujourd'hui ?

Nous croyons que la technologie a atteint un point où il n'est plus nécessaire de limiter sa créativité. Oui, tout est possible. Auparavant, vous aviez l'habitude de dire « je ne peux pas le faire parce que je ne peux pas le réaliser. Je limite donc mes rêves ». Aujourd'hui, la technologie vous permet de les réaliser. C'est génial pour nous, et tous les autres cinéastes, qui ne doivent plus limiter leurs rêves. Avatar a ouvert une brèche et avec Jim, il n'y a pas de limites !

Un des nombreux défis de James Cameron est d'imaginer pour Pandora un univers unique, jamais vu. Mais comment le concevoir réellement ?

Nous considérons Pandora comme un véritable personnage avec une flore et une faune extraordinaires. Nous avons embauché les meilleurs designers concepteurs au monde et nous les avons mis au défi de concevoir un tel univers avec un océan, des créatures géantes qui peuvent communiquer entre elles. Ce n'est pas une tâche facile. Et c'est tout à l'honneur de ces artistes, et de Jim, qui utilisent notre monde comme une métaphore pour regarder la nature et y rechercher l'harmonie. Pourquoi ressentons-nous un frisson quand nous voyons un lion ? Et pourquoi voyons-nous la beauté dans une girafe ? Le défi est de provoquer le même sentiment, la même émotion face aux créatures exotiques de Pandora et de rendre ce monde attrayant pour le public.

Pandora est une métaphore du monde dans lequel nous vivons et qui est violent.

Faut-il s'attendre à beaucoup de tensions et de combats ?

Oui, parce que Pandora est une métaphore du monde dans lequel nous vivons et qui est violent. Mais les personnages ne sont pas des super-héros aux superpouvoirs. Non. Ils ont des défauts. Mais à l'intérieur d'eux-mêmes, ils ont la capacité de se défendre. En fin de compte, c'est un message universel, plein d'humanité qui s'adresse à chacun de nous.

La logistique mise en place pour Avatar est impressionnante. Comment faites-vous pour contrôler une telle entreprise née il y a quinze ans ?

Vous savez, je gère les choses en embauchant des gens qui peuvent faire leur travail mieux que je ne pourrais jamais le faire et les habiliter pour ça. Il s'agit de leur confier des responsabilités dans leurs domaines et non pas simplement les mettre dans une position d'employés. Nous leur faisons confiance et nous les appuyons. Ainsi, nous confions des tâches à Richie Baynham, qui est coproducteur et superviseur d'effets visuels sur Avatar, et nous le laissons faire, sans perdre de vue l'ensemble du film. Quand une scène ou un effet ne fonctionnent pas, on étudie ensemble la solution pour être encore meilleur la prochaine fois.

Combien de personnes ont travaillé sur Avatar : la voie de l'eau ?

Actuellement, nous avons environ 300 personnes qui sont en postproduction pour la suite d'Avatar. Du côté de Weta FX, la totalité du personnel du studio, soit 900 personnes, a travaillé sur la haute résolution de quelque 3 000 plans à effets visuels, la plupart avec les personnages bleus, les Navi's, et sous l'eau. Ensuite, ILM (Industrial Light and Magic) réunit quelques centaines de personnes qui sont mobilisées pour superviser le tout et concevoir environ soixante prises. Il y a donc beaucoup de monde.

Comment investir chacun dans sa partie et lui donner une vision globale du projet final ?

C'est mon job de m'assurer que tous ceux qui travaillent connaissent notre vision du film. Parce que s'ils ne la connaissent pas bien, cela ne marche pas. Ils doivent donc savoir le processus du film et où veut aller James Cameron et quels sont leur rôle et leur contribution à l'ensemble. Ils doivent comprendre pourquoi on leur demande telle ou telle chose. S'ils ne le savent pas, ils ne peuvent pas faire du bon travail.

À LIRE AUSSI « Avatar 2 » : James Cameron craint le fiasco financierTreize ans après le premier Avatar, la crise du Covid a chamboulé le monde du cinéma en proie aux caprices du box-office et à la concurrence des plateformes, Netflix, Amazon, Disney+, Apple TV+. Comment James Cameron entend-il redorer l'image de la salle de cinéma qu'il défend ardemment ?

C'est important pour nous. On fait des films pour le grand écran. Chaque plan que Jim conçoit, chaque performance qu'il obtient sont destinés au grand écran. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons décidé de retourner en salle avec le premier Avatar, remastérisé en 4K et haute définition pour mieux rappeler au public pourquoi il a raison d'aller au cinéma.

Il y a dans le premier Avatar un parti pris sur la beauté de la nature, les dangers qui la menacent, la nécessité de préserver ses ressources naturelles. Autant de préoccupations écologiques. Les retrouve-t-on dans Avatar : la voie de l'eau  ?

Écoutez, ce sont des préoccupations qui ont toujours été celles de Jim. Ce qu'il décrit dans ses films reflète le monde dans lequel nous vivons. Et c'est ce qu'il continue de faire dans ce nouvel Avatar. Là, les Sully doivent fuir leur maison et chercher refuge dans les forêts tropicales de Pandora. Ils deviennent des réfugiés. Les humains reviennent piller les ressources de la planète Pandora, c'est quelque chose qui est toujours très actuel et pas seulement des thèmes politiques. Je préfère les définir comme des thèmes de vie. Il s'agit de saisir ce qui est important dans notre vie et de comprendre que nos actions ont un impact sur les gens autour de nous et le monde autour de nous.

Les patrons des studios n’ont jamais été virés pour avoir hésité sur le choix d’un bon film, mais pour avoir produit le mauvais film.

Redoutez-vous déjà les réactions ou les critiques sur les réseaux sociaux à propos de ce nouvel Avatar ?

Le consensus est toujours difficile, voire impossible. Aujourd'hui, les États-Unis sont divisés entre deux partis politiques et il y a beaucoup de pays dans le même cas. Mais quand nous faisons Avatar, notre objectif est d'abord et avant tout de divertir. Je pense que quand vous divertissez, vous divertissez les deux parties. L'une des choses que j'ai apprises du premier Avatar est que tout le monde voit un film à travers son propre objectif, sa propre vision. Et tant que vous n'offensez personne dans sa vision, vous avez des chances de plaire…

Considérez-vous Avatar comme une sorte d'héritage de James Cameron ?

Je crois que l'héritage d'un cinéaste ne peut être défini par un seul film. Il est plutôt défini par une carrière entière. Jim n'est pas aussi prolifique que Steven Spielberg qui a une filmographie formidable. Pour Spielberg, vous ne pouvez pas dire que c'est juste Les Dents de la mer ou juste La Liste de Schindler ou encore Indiana Jones  ? Impossible. C'est un tout, bien sûr. Et c'est pareil avec Jim. Je pense que son héritage ne sera pas seulement axé sur ses films, mais aussi sur tout ce qu'il fait autour. Par exemple, il est très impliqué dans les questions de développement durable et dans les progrès de la technologie pour permettre à d'autres cinéastes de réaliser les films dont ils rêvent. Jim a aussi la volonté de protéger le monde pour les générations futures.

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Beaucoup de grands cinéastes critiquent la politique frileuse des grands studios de Hollywood plus enclins à produire des films de super-héros que des projets ambitieux et personnels. Qu'en pensez-vous ?

Je pense qu'Avatar prouve que les exceptions peuvent gagner. James Cameron a réussi à imposer un projet artistique d'une ampleur inédite à la 20th Century Fox (propriété de Disney aujourd'hui, NDLR). Mais d'autres cinéastes peuvent le faire aussi. Il y a toujours une hésitation à faire du contenu original bien que le public aspire toujours à quelque chose de nouveau, de différent. Et il faut des financiers pour s'engager sur des terres inconnues. Vous savez, les patrons des studios n'ont jamais été virés pour avoir hésité sur le choix d'un bon film, mais pour avoir produit le mauvais film.

James Cameron est-il une sorte de visionnaire du cinéma ?

En tous les cas, il est un pionnier. Invente-t-il une nouvelle forme de cinéma ? Peut-être, je ne sais pas. En tout cas, il fait évoluer un art déjà existant et il le fait mieux que tout le monde. Je suis très impressionné par sa puissance de travail sur un projet si long, si ambitieux dans lequel il est impliqué à chaque étape. Il prend aussi le temps de se consacrer à d'autres sujets comme les documentaires sous-marins qui sont sa vraie passion. Vous savez qu'il est allé lui-même au Mariana Trench, la partie la plus profonde de l'océan Pacifique.

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Parce que ce n'est pas seulement un film d'aventures et de fantasy. Il ouvre des horizons nouveaux et éveille notre imaginaire. Jim a l'art de bâtir des univers cinématographiques et d'inventer des personnages profonds, très humains. Ses films ont une philosophie, un ethos qui peuvent avoir un impact sur le public et son regard sur le monde. Ils évoquent des thèmes universels comme la famille et la défense de notre planète. Mais bon, le but d'un film n'est pas d'influencer les goûts du public. Il doit d'abord divertir, ce qui ne l'empêche pas de diffuser quelques bonnes idées et de balayer les fausses informations.

Avatar : la voie de l'eau, en salle le 14 décembre 2022.

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