Demander la charité ? Réflexions sur des droits sociaux universels - Fondation Jean-Jaurès

Demander la charité ? Réflexions sur des droits sociaux universels

La société française est en crise, aggravée par les attaques toujours plus fortes contre notre système de protection sociale et son universalité. Pour le protéger et redonner corps à la Nation, Lamia El Aaraje, adjointe à la maire de Paris en charge de l’accessibilité universelle et des personnes en situation de handicap, propose de s’appuyer sur la notion d’accessibilité universelle aux droits sociaux.

Introduction

Notre société française est en crise. Crise climatique, économique, démocratique : à qui faire confiance quand le sentiment d’un effondrement global prédomine ?

80% des Français sont inquiets de l’avenir de la protection sociale et 40% en sont même « très inquiets1Enquête « Carnet de santé – France édition 2023 », Mutualité française, septembre 2023. ». Si les angoisses et les colères ont été exprimées pendant la réforme des retraites et lors du mouvement des « gilets jaunes » en 2019-2020, le ressentiment manifesté par certaines personnes vis-à-vis des soi-disant « assistés », la prétendue « paresse » des chômeurs (50% des Français estiment que le chômage est d’abord la responsabilité des chômeurs eux-mêmes«2 Baromètre Unédic – volet 5 : quels regards les Français portent-ils sur le chômage et l’emploi », Unédic, 6 décembre 2023.) et le coût jugé exorbitant des prestations sociales continuent d’être au cœur de nombreuses conversations.

Des signaux faibles le traduisent également : le sentiment de déclassement d’abord, avec 82% de nos concitoyens qui estiment que la société française est en déclin, pessimisme qui augmente depuis quelques années3Enquête « Fractures françaises 2023 », Ipsos Sopra Steria pour Le Monde, la Fondation Jean-Jaurès, le Cevipof et l’Institut Montaigne, 10 octobre 2023. ; le pouvoir d’achat, les précarités et la pauvreté en hausse ensuite, première préoccupation des Français, alors que les prix de l’alimentaire, par exemple, ont augmenté de 20% en deux ans4« Conjoncture : filière alimentaire », Fédération du commerce et de la distribution, septembre 2023. et que la pauvreté atteint désormais 14,5% des Français, niveau jamais atteint depuis 20185« En 2021, les inégalités et la pauvreté augmentent », Insee, n°1973, 14 novembre 2023. ; le changement climatique qui inquiète huit Français sur dix6Enquête « État de la France 2023 », Ipsos pour le CESE, septembre 2023. et particulièrement les adolescents, dont presque 50% se déclarent « stressés par l’état de la planète et la nature7« Un adolescent français sur deux souffre de symptômes d’anxiété ou dépressifs », Ipsos, 28 novembre 2022. », soit la définition même de l’éco-anxiété ; un avenir fait d’incertitudes, avec les nombreux conflits internationaux, ou la baisse du niveau à l’école8Enquête PISA 2022, 2023., et notamment en français et en mathématiques.

La gauche a, dans ce contexte, une responsabilité majeure : se relever pour reconstruire une alternative crédible et audible. Cela passe par un retour aux fondamentaux : le système de protection sociale aujourd’hui menacé.

Ainsi, notre système de protection sociale et son universalité subissent des attaques très fortes depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017, remettant en cause son existence même, en touchant à ses fondamentaux, c’est-à-dire son caractère universel (tentative d’insertion par la loi de la préférence nationale sur certaines allocations), la remise en cause du droit inconditionnel à l’hébergement d’urgence, l’abandon d’une partie des critères de pénibilité pour ouvrir un droit anticipé à la retraite ou encore le paritarisme dans l’assurance-chômage… Ces droits ne sont donc pas acquis, et doivent être en permanence défendus.

Car la fragilisation de ce système, organisé par les partenaires sociaux et l’État pour responsabiliser les citoyens sur leurs conditions d’existence, pourrait relever d’une des injustices évoquées par Pierre Rosanvallon dans ses travaux9Pierre Rosanvallon, Les épreuves de la vie. Comprendre autrement les Français, Paris, Seuil, 2021. sur l’avenir de la démocratie. Pour le dire plus simplement, le maintien de ces droits sociaux est une condition primordiale pour la santé de notre démocratie. En effet, ce qui nourrit les « épreuves » que l’historien décrit, c’est en partie cette déconstruction du modèle social qui nuit à l’échelle des vies de nos concitoyens et qui induit un facteur d’engagement multiple qui va désormais plus loin que le vote : les mouvements sociaux récents, l’activisme sur les réseaux sociaux, la signature de pétitions, etc.

Nous sommes conscients des difficultés auxquelles notre modèle de protection sociale fait face aujourd’hui, d’un système ayant besoin de retrouver un cap et des perspectives face à des objectifs qui se sont diversifiés au cours des décennies et qui sont devenus parfois contradictoires (assurance ou solidarité ; universalité ou ciblage pour réduire les coûts). Au-delà, comme le souligne Robert Castel, de grandes transformations du monde du travail depuis le milieu des années 1970 (augmentation massive du chômage et du taux d’emploi des femmes, etc.), ainsi que de l’État en matière de régulation économique et sociale, conduisent à une évolution progressive de la protection sociale10Robert Castel, « La citoyenneté sociale menacée », Cités, vol. 35, n° 3, 2008, pp. 133-141..

Globalement, les débats sociétaux assimilant ce filet de sécurité à de l’assistanat et au conditionnement de plus en plus important de la protection sociale renvoient davantage à une forme de charité que d’inclusion dans une société organisée autour des besoins et des risques de ses concitoyens. Or, la charité provient des sphères cultuelles et désigne ce don à effectuer aux personnes les plus démunies, au contraire de la République sociale qui s’est construite sur cette sécularisation de l’action sociale11Axelle Brodiez-Dolino, « La sécularisation des valeurs de l’action sociale depuis la fin du xixe siècle : du principe de charité au principe de solidarité », Informations sociales, vol. 196-197, n° 1-2, 2018, pp. 28-36..

C’est donc en redonnant du sens aux communs, en réfléchissant à un modèle de société bienveillant et protecteur permettant de prendre soin, d’émanciper et de protéger tout un chacun, et donc en renforçant notre modèle de protection sociale, qu’on donnera corps à la Nation et qu’on consolidera l’unité du pays.

Pour le faire, la notion d’accessibilité universelle semble être un concept particulièrement intéressant.

Si cette notion est surtout associée à celle du handicap, qui constitue encore la première des discriminations, elle concerne pourtant tout un chacun en situation de vulnérabilité, temporaire (une fracture, une grossesse, une perte de mobilité ou d’aisance) ou permanente (un handicap physique ou mental, des discriminations liées à l’origine, l’identité de genre, l’âge), à tous les âges de la vie. Prenons un exemple : combien de situations de vulnérabilité sont vécues par jour par des personnes qui se trouvent empêchées d’accéder à un lieu ou à un service, malgré leur volonté ? Cette exclusion n’est pas acceptable et, en droit, il n’y a pas de citoyen de seconde zone.

Le mot « handicap », qui trouve son origine sémantique dans l’expression anglaise hand in cap (« main dans le chapeau »), était pourtant porteur de la promesse d’égalité : dans le cadre d’un troc, une somme d’argent était ajoutée pour l’échangeur qui obtenait l’objet d’une valeur moindre afin de rétablir un équilibre dans la transaction. Dans certaines compétitions sportives, un « handicap » peut être affecté aux joueurs les meilleurs afin d’instaurer une certaine égalité de chances entre les compétiteurs dotés de différents niveaux. Ce doit être malheureusement les seuls instants où détenir une différence est valorisé, car le « handicap », terme abondamment utilisé dans le champ médical pour définir des déficiences et des pathologies invalidantes, assigne à l’infériorité des personnes en raison de leur condition et, par extension, de leur situation.

Ainsi, le handicap n’est pas par essence une barrière, mais c’est l’inadéquation de l’environnement à tout un chacun qui fait que l’on met les personnes porteuses de singularités en situation de handicap. Pourtant et à tout âge de la vie, chaque citoyen est susceptible d’être en situation de vulnérabilité.

Mais l’accessibilité universelle d’une société n’est pas uniquement une histoire d’adaptation matérielle. Elle prend sa part dans l’organisation des mobilités sociales et du pouvoir de vivre dignement. Des inaccessibilités cumulées organisent la société des renoncements. Au moins 1,6 million de personnes en France hexagonale renoncent à des soins médicaux faute d’argent ou parce qu’habitant un désert médical. 25% des jeunes de 18-24 ans sont en situation de précarité monétaire12« Mesurer le niveau de vie et la pauvreté des jeunes adultes de 18 à 24 ans », Les dossiers de la Drees, n°106, 10 février 2023., les Restos du cœur ont constaté une hausse de 20% des bénéficiaires dans les files alimentaires en 202213« Patrice Douret : la vague ne faiblit pas », Restos du cœur, 22 novembre 2023., et les associations d’aides alimentaires connaissent de grandes difficultés financières sous les effets de l’inflation et du désengagement de plus en plus important de l’État. 20% des personnes en situation de handicap vivent sous le seuil de pauvreté, neuf familles monoparentales d’enfants en situation de handicap sur dix sont gérées par des mères seules, cumulant les difficultés14Guillemette Buisson et Gabriel de la Rosa, « Parents d’enfant handicapé : davantage de familles monoparentales, une situation moins favorable sur le marché du travail et des niveaux de vies plus faibles », Drees, Études et résultats n°1169, novembre 2020.. 12,8% des jeunes de 15 à 29 ans ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation en 202115Flora Vuillier-Devillers, « Après un pic dû à la crise sanitaire, la part des jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation repart à la baisse », Insee Focus n°285, 10 janvier 2023.. 13 millions de Français seraient en situation de précarité mobilités, c’est-à-dire coincés avec une voiture thermique consommatrice et polluante ou contraints à de longs trajets en voiture, se retrouvant à la merci des prix à la pompe16Baromètre des mobilités du quotidien, Fondation pour la Nature et l’Homme, mars 2022..

Cette réalité factuelle est celle de millions de Françaises et de Français qui, au quotidien, subissent difficultés, précarité, exclusions, sentiment d’abandon et injustices. Ne pas prendre en compte cette réalité fait le lit des populistes qui, nourris de ces difficultés, attisent rejets, haines et démagogie.

À l’occasion d’un colloque sur l’accès aux droits des personnes en situation de pauvreté, la Défenseure des droits17Discours de Claire Hédon, Défenseure des droits, prononcé en clôture du colloque « Précarité et pauvreté : l’enjeu de l’accès aux droits » organisé le 19 octobre 2023. rappelle que « le droit à la protection sociale n’est ni une faveur, ni un acte de charité. C’est un droit pour tous, et un enjeu majeur pour notre République qui refuse le déterminisme social ». Les termes sont posés : non seulement les personnes en situation de précarité rencontrent des difficultés dans l’accès à leurs droits essentiels, mais ces précarités sont tellement fortes qu’elles entravent les trajectoires sociales de ces mêmes citoyens et de leurs enfants.

Si une majorité de Français reste attachée18Les paradoxes et illusions perdues de la méritocratie en France, Enquête BCG/Ipsos, décembre 2021. au mérite, ils étaient en 2021 respectivement 46% et 42% à juger les discriminations ethniques et sociales comme les principales entraves à la réussite. Les déterminismes sociaux continuent de limiter fortement les circulations entre les classes sociales. De ces assignations résultent la reproduction des inégalités sociales et l’augmentation croissante – et insupportable – de l’injustice sociale, alors que tous les Français sont contributeurs au même système démocratique, censé offrir les mêmes droits.

Or, la question de l’accès à un socle de droits sociaux est fondamentalement politique, et l’a toujours été dans son histoire, malgré des consensus apparents : dans l’entreprise, au moment de la création de la Sécurité sociale par les ordonnances de 1945, dans l’arène politique et surtout dans la société où certains non-bénéficiaires s’expriment régulièrement sur des mécontentements ou non-bénéfices d’un droit (à tort ou à raison) ou d’autres sur la qualification d’un assistanat (et donc de personnes « assistées ») au motif que les aides sociales coûtent cher – 33% des dépenses du PIB français correspondent à des dépenses de protection sociale.

Nous devons y répondre en proposant des solutions concrètes, adaptées au quotidien que vivent ces Françaises et ces Français. Répondre à la paupérisation par plus de droits, redonner du sens à la République sociale, renforcer les dispositifs de lutte contre l’exclusion sont les solutions que la gauche doit apporter.

Par ailleurs, si le périmètre de la protection et des droits sociaux est toujours plus menacé, les défis des prochaines décennies, par exemple liés au vieillissement démographique ou au réchauffement climatique, interpellent sur la création de nouveaux droits.

Cette étude vise donc à poser un regard sur le lien prolongé entre l’organisation d’un système de droits sociaux et l’accessibilité universelle de notre société, à un moment où les inégalités croissantes sapent sa cohésion et son unité et où l’État protecteur et la Sécurité sociale subissent des tentatives suivies de démantèlement.

Il paraît donc pertinent de donner une dimension plus large à ce concept d’accessibilité universelle qui doit être au cœur du modèle de protection sociale : c’est l’organisation des mobilités sociales et du pouvoir de vivre dignement, au-delà des vulnérabilités et singularités que n’importe qui peut connaître, à n’importe quel âge de la vie, qu’elles soient temporaires ou permanentes.

Alors l’accessibilité universelle fait-elle partie de la panoplie des droits sociaux ? Car une société qui protège n’est-elle pas une société plus égalitaire qui encourage l’émancipation des citoyens et leur épanouissement ?

À partir de plusieurs constats articulés autour des droits et de leur effectivité, cette étude esquisse plusieurs pistes de réflexion autour de ce que devrait être la protection sociale et les droits qui doivent être au cœur du programme de la gauche sociale dans les années qui viennent.

Pour le dire autrement, pour aller vers une société pleinement accessible et qui a pour souffle premier un projet d’égalité réelle entre les personnes, qui lutte contre les assignations sociales, les non-recours et les stigmatisations, qui protège les personnes vulnérables, il faut universaliser les droits, octroyer de nouvelles prestations et penser les risques émergents pour imaginer les circulations sociales et effacer progressivement les situations de pauvreté.

Mais comment définir ces droits sociaux ? Il s’agit d’un ensemble de droits perçus par tous, auxquels tous contribuent par l’impôt (direct et indirect) et les cotisations sociales. Cesont ces droits sociaux qui permettent de garantir l’égalité réelle : ils existent pour prévenir toute forme de dépendance ou de sujétion, économique, sociale ou morale à une personne privée. Ils sont nécessaires pour la citoyenneté et plus globalement pour la République. Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 proclame la qualité fondamentale de droits-créances19Des droits économiques et sociaux, à l’instar du droit à la santé, à l’instruction ou d’appartenir à un syndicat. Ils sont qualifiés comme tels car impliquant une créance, c’est-à-dire une contribution. que sont le droit d’obtenir un emploi (article 5), les conditions nécessaires au développement de l’individu et de la famille (article 10), ainsi que le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence (article 11).

Dans notre ordre juridique, ces droits sont comparables aux libertés dites fondamentales20Les droits sociaux diffèrent cependant des droits-libertés qui ne nécessitent pas d’être adossés à une organisation ou un système économique pour être librement appliqués. parce qu’ils composent la matrice de l’organisation sociale de notre société. Au-delà, les droits sociaux sont l’incarnation même de la promesse républicaine, permettant à chacun de savoir qu’il peut compter sur la solidarité nationale à un moment où un événement quelconque pourrait fragiliser sa vie. Il est ainsi crucial pour faire société ensemble de savoir que si une difficulté arrive, un tissu social permettra de s’en relever et que l’individu ne sera pas laissé seul.

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L’assistanat n’existe pas. L’avenir de la protection sociale pour une vie digne à tout âge

La réforme du RSA le montre : le discours de culpabilisation des aides sociales en France reste fort. Ainsi, en 2021, 16% des Français considéraient que la principale raison du non-recours aux droits était « la volonté d’autonomie : s’en sortir par soi-même, ne pas dépendre de l’aide sociale ». Ce chiffre est en augmentation constante depuis cinq ans, ils étaient ainsi 12% en 201621Claudine Pirus, « Prestations sociales : pour quatre personnes sur dix, le non-recours est principalement lié au manque d’information », Drees, études et résultats n°1263, 12 avril 2023.. On peut donc estimer que le discours politique, et au-delà le chemin que prend notre modèle social, peut avoir un impact sur ce ressentiment.

À ce titre, une différence majeure existe entre la droite et la gauche sur cette question-là. Quand la droite et ses différentes composantes considèrent que la protection sociale est une série de mesures d’assistanat, de charité – comme le prouvent les réformes de ces dernières années, telles que la volonté de suppression de l’AME, la réforme du RSA conditionné à des heures d’activité, les réformes successives de l’allocation-chômage –, la gauche estime bien au contraire que la très grande majorité des gens souhaitent travailler et sont de bonne foi, mais que le système économique, comme tout marché, classifie et perçoit les individus comme pouvant être productifs ou non – le taux d’emploi des seniors, très faible dans notre pays, en est un bon exemple. C’est donc aux pouvoirs publics de venir remédier à ces freins à l’emploi et de faire du travail un outil pour une vie digne.

Renouveler la citoyenneté sociale par l’accessibilité universelle

Un constat se dégage : la citoyenneté sociale en France est en perdition. Celle-ci n’a pas toujours fait l’objet d’une définition claire. Pour le sociologue Thomas Humphrey Marshall22Thomas Humphrey Marshall et Thomas Burton Bottomore, Citizenship and social class, Londres Pluto Classics, 1950., elle renvoie à la garantie des droits sociaux, d’une sécurité économique et au droit au bien-être des individus dans le cadre d’une société donnée. Elle est liée à l’émergence d’une protection. Thomas Humphrey Marshall a, entre autres, considéré trois catégories de citoyenneté qui se sont développées successivement dans les démocraties occidentales : une citoyenneté civique (l’exercice des libertés) ; une citoyenneté politique (l’exercice de la participation et de la représentation politique) ; et une citoyenneté sociale (l’exercice d’une protection économique et sociale des citoyens qui correspond en partie au développement de l’État social à partir des années 1950 et qui permet l’émergence de droits protecteurs). Ces droits protecteurs ne peuvent être perçus comme des compléments à l’exercice de la citoyenneté civique ou politique. Au contraire, ils sont un préalable à l’exercice de celle-ci dans la mesure où la citoyenneté dépend de conditions sociales favorables permettant l’exercice des libertés et de l’autonomie individuelle.

En d’autres termes, c’est l’évolution d’un système qu’il faut pointer : si la protection sociale et les droits sociaux permettaient l’émancipation de toutes les personnes et ainsi l’exercice de la citoyenneté dans des conditions plus équitables, ce système tend désormais vers des prestations d’assistance demandant la justification d’engagements de citoyenneté pour pouvoir améliorer ses conditions de vie et de dignité.

La Défenseure des droits alerte cependant : cette tendance est malheureusement susceptible d’entraver le bon recours aux droits du fait d’une forme de suspicion, voire de stigmatisation, qui pèse sur les demandeurs et des discours sur la fraude sociale et les pratiques de contrôle des institutions opératrices. Pour cela, elle prend plusieurs exemples, dont le manque de construction de logements sociaux et un investissement supérieur dans l’hébergement d’urgence, la non-revalorisation des minima sociaux, mais des subventions aux associations effectuant des distributions alimentaires, ou « le recours à des emplois précaires pour aider les personnes précaires à effectuer leurs démarches23Discours de Claire Hédon, Défenseure des droits, prononcé en clôture du colloque « Précarité et pauvreté : l’enjeu de l’accès aux droits » organisé le 19 octobre 2023. » à la place d’un financement suffisant des services publics.

De plus en plus de Français ne se retrouvent plus dans ce concept de la citoyenneté sociale car ils sont en profonde difficulté pour finir leurs fins de mois et voient les inégalités se creuser. C’est donc par la justice que le modèle social se renouvellera et redonnera confiance à nos concitoyens. Pour cela, l’accessibilité universelle est un chemin à suivre.

Le travail, point d’équilibre de notre contrat social

Dès 1793, la première Constitution française proclame à son article 21 que la société « doit la subsistance aux citoyens malheureux soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler ». Elle va même plus loin en disant que cette obligation vaut « dette sacrée ».

Cette première construction politique alternative à la monarchie, cette première République qui n’aura, certes, pas duré longtemps, démontre que l’organisation de la protection sociale, de la solidarité nationale est constitutive de la République en France. L’un ne peut aller sans l’autre.

La question de la solidarité ne peut pas être mise en concurrence avec le travail. Le travail, c’est le fondement de ce contrat social, c’est ce qui permet à la société de faire bloc. Sans travail, il serait impossible de financer les actions de solidarité. Mais pour que ce contrat social continue de fonctionner, le travail doit être synonyme d’émancipation et non de souffrance.

Aujourd’hui, des signaux semblent avertir d’une crise du travail qui doit faire repenser notre rapport à celui-ci.

En effet, durant les dernières décennies, ces travailleurs précaires étaient jeunes et il ne s’agissait que d’une période amenant à un emploi stable. Désormais, comme le dit Robert Castel, il faut redéfinir la précarité : « Paradoxalement il peut y avoir une précarité permanente, une consistance de la précarité qui deviendrait non pas une exception ou un état transitoire, mais un régime de croisière, une sorte de zone de la vie sociale qui est encore dans l’ordre du travail mais qui n’est plus à proprement parler de l’emploi24Robert Castel, « La citoyenneté sociale menacée », article cité, 2008, pp. 133-141.. »

C’est ce qu’il a dénommé le « précariat » et que Guy Standing estime être « un groupe social émergent [pouvant] correspondre à une nouvelle classe sociale25Serge Paugam et Patricia Vendramin, « 24. Le précariat, une nouvelle classe sociale ? », dans Serge Paugam (dir.), 50 questions de sociologie, Paris, Presses universitaires de France, 2020, pp. 243-251. » dont le point commun est le rapport contraint au travail, qui ne devient qu’uniquement dédié à la survie au jour le jour, alors qu’il devrait non seulement permettre d’obtenir une protection sociale, mais aussi un certain nombre de loisirs importants pour l’émancipation individuelle, tels que la culture, le sport ou l’éducation populaire. Au-delà, c’est la notion d’insécurité sociale qui est de plus en plus regardée par les sociologues, témoignant d’une incertitude à être protégé devant l’ampleur des risques26Robert Castel, L’insécurité sociale. Qu’est-ce qu’être protégé ?, Paris, Seuil, 2003. – par exemple, la cherté du coût de la vie et des soins ; alors même que les dépenses sociales augmentent et représentent en 2022 plus de 33% du PIB français.

Un autre phénomène inquiète, c’est celui des burn-out, celui de la santé mentale au travail et du manque de reconnaissance. Ainsi, 22% des Français actifs ne sont pas épanouis au travail. C’est en particulier le cas de ceux ayant les niveaux de diplômes les plus bas, puisque 40% de ceux ayant arrêté leur formation au collège ne sont pas épanouis, contre 20% pour les diplômés de master. Les Français sont également inquiets des années à venir, notamment du fait de la crise écologique et de l’intelligence artificielle qui vient perturber un modèle qui a déjà été largement bousculé par la crise sanitaire et la mise en place du télétravail27Michel Debout et Antoine Bristielle, Prévenir la santé mentale au travail, un enjeu majeur de santé publique, Fondation Jean-Jaurès, 4 décembre 2023.. Par ailleurs, une hausse de l’absentéisme au travail a été constatée depuis la crise sanitaire avec 43% des salariés absents au moins un jour en 2022, chiffre en augmentation par rapport à 2021 (32%). Parmi ces personnes, 35% auraient été sujets à des risques psychosociaux (stress intense, burn-out…) contre 29% en 2021 et 14% plusieurs fois28Romain Bendavid et Sabeiha Bouchakour, « Les absents n’ont pas toujours tort » : analyse de la progression de l’absentéisme au travail, Fondation Jean-Jaurès, 30 août 2023..

En outre, et si pour bon nombre de Français le travail reste synonyme d’émancipation et a pu permettre de bénéficier de l’ascenseur social, force est de constater que ce dernier est, pour la majorité de la population, aujourd’hui en panne.

Une récente note de France Stratégie alerte sur l’interruption de la mobilité sociale depuis le début des années 2000 : tant en matière de hiérarchie sociale que de revenus, l’ascenseur social n’existe plus29Les politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes, France Stratégie, octobre 2023, rapport réalisé à la demande de la présidence de l’Assemblée nationale.. Les jeunes actifs sont condamnés à occuper la même position que leurs aînés. Cela signifie qu’en fonction de la qualification, des situations de pauvreté perdurent et se reproduisent. D’après les données de 2019 de l’Insee, 82% des personnes pauvres n’ont pas de diplôme supérieur au baccalauréat et près de 30% n’en possèdent pas du tout. Les non-diplômés seraient en moyenne 2,6 fois plus pauvres que les diplômés d’un niveau licence ou plus.

Pour redevenir audible, la gauche doit se saisir de la question du travail en y apportant des réponses concrètes et justes et refaire du travail cet outil émancipateur au cœur du contrat social.

Pour cela, il semble urgent de revoir l’échelle de valeur propre au travail. Comment se construit-elle aujourd’hui quand celles et ceux qui travaillent pour le bien commun, tels que les métiers majoritairement féminins de la seconde ligne, les métiers du care notamment, sont si peu rémunérés, alors que d’autres dits à forte valeur ajoutée, mais sans doute moins utiles pour la société dans son ensemble, le sont diamétralement plus ? Comment cette échelle de valeurs se construit-elle quand un dirigeant d’une entreprise comme Carrefour peut être payé 368 fois plus que le salaire moyen du groupe30Rapport Proxinvest, données de 2021. ou que le revenu salarial moyen d’une femme reste inférieur de 24% à celui d’un homme31« Dans le secteur privé, l’écart de salaire entre femmes et hommes est d’environ 4 % à temps de travail et à postes comparables en 2021 », Insee Focus, mars 2023. ?

Les réflexions pour répondre à cette crise du travail sont nombreuses à gauche et doivent porter sur la qualité du travail et sa juste rémunération en fixant, par exemple, un rapport de 1 à 20 entre les salaires au sein d’une entreprise et une grande conférence salariale réunissant syndicats et patronat ; sur la pénibilité qui fait du travail le principal facteur de baisse de l’espérance de vie chez les plus modestes et sur laquelle il est possible d’agir en amont et en aval en réintroduisant un départ à la retraite avancé de deux ans ; sur la santé mentale, enjeu trop longtemps ignoré par les pouvoirs publics et qui se révèle au grand jour auquel des mesures, telles que les revalorisations salariales des travailleurs du secteur, un objectif « zéro contention, zéro isolement » ou la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle sont nécessaires32Joël Aviragnet, Chantal Jourdan, Antoine Pelissolo, Santé mentale : dix grandes mesures pour une grande cause nationale, Fondation Jean-Jaurès, 9 octobre 2023. ; sur la place du travail dans notre société également.

Cet enjeu majeur, la question du travail, ne peut plus être pensé comme annexe, il est central à la pensée de la gauche, celle qui défend les travailleurs.

Déconstruire le discours sur l’assistanat

L’opposition entre ceux qui travaillent et ceux qui ne feraient rien est un vocable qui revient de plus en plus souvent dans notre société. C’est également l’un des facteurs du vote d’extrême droite, puisque 73% des sympathisants du Rassemblement national (RN) s’accordaient à dire « qu’il existe trop d’assistanat en France33Antoine Bristielle et al., Le dossier Le Pen : idéologie, image, électorat, Fondation Jean-Jaurès, 4 avril 2022. ». Pourtant, cette opposition n’existe quasiment pas.

En effet, la frontière est poreuse entre le monde du travail et celui des aides sociales.Ainsi, la prime d’activité qui vient soutenir les travailleurs précaires et dont 4,45 millions de foyers sont bénéficiaires est une aide sociale, alors qu’elle vient pourtant uniquement aider des personnes qui travaillent, mais dont la rémunération ne leur permet pas de vivre dignement.

De la même manière, un même individu à des périodes différentes de la vie peut travailler et bénéficier à un autre moment d’une aide sociale. De façon plus récente, de plus en plus de nos concitoyens cumulent désormais un statut précaire à celui d’un emploi complémentaire mal rémunéré pour pouvoir augmenter ses revenus. Les jeunes ou les étudiants, mais aussi les retraités pauvres semblent particulièrement concernés par cette situation qui doit nous alerter. Cette frontière poreuse entre aides sociales et travail fait alors apparaître le concept d’accessibilité universelle qui y trouve tout son sens.

En effet, s’il est encore trop rattaché à la notion de handicap, il peut concerner tout un chacun. Chaque être humain, dans sa chair la plus profonde, est fragile et vulnérable. Nul n’est à l’abri d’un accident de la vie, qu’il soit temporaire ou permanent. Cela peut être la perte d’un travail, une perte de mobilité temporaire à cause d’une chute, des discriminations, etc. Le terme « universel » rapporte donc, comme le disait Pierre Bérégovoy, ancien Premier ministre socialiste, non pas à une « charité pour quelques-uns » mais à une « solidarité pour tous34Pierre Bérégovoy, « Le revenu minimum au cœur de la solidarité », Nouvelle Revue socialiste, n°4, 1988, p. 15. ». Les aides sociales sont, par définition, pour chaque individu qui se retrouverait à un moment donné, de façon définitive ou temporaire, dans cet état de fait qui nécessite une solidarité de la part de la société.

De nouvelles vulnérabilités : réchauffement climatique et vieillissement

Comme cela a déjà été évoqué, le diagnostic est celui d’un modèle social qui s’est complexifié et restructuré en tentant de mieux cibler les populations vulnérables. Mais de nouveaux risques sociaux, de nouvelles situations de vulnérabilité semblent émerger et interpellent sur la création de nouveaux droits : le vieillissement important de la population ; la crise climatique et la multiplication des risques naturels.

Le vieillissement de la population

La société demeure peu préparée face à cette vulnérabilité qui menace notre société et qui nécessite une transition majeure. Ainsi, dans les années qui viennent et d’ici à 2030, la proportion de Français âgés de 75 à 84 ans va augmenter de 50%, passant de 4,1 à 6,1 millions de personnes. La proportion des plus de 85 ans va, elle aussi, suivre des bases similaires dans les vingt-cinq prochaines années35« Vieillissement de la société française : réalité et conséquences », Haut-Commissariat au Plan, n°13, 9 février 2023.. Enfin, en 2030, les seniors de plus de 65 ans devraient dépasser les jeunes de moins de 20 ans36Ibid..

Ceci est dû à deux raisons principales : une natalité en baisse, avec un taux en France en baisse de 16,5% entre 2011 et 2022 et un indice de fécondité à 1,68 enfant par femme, chiffre le plus bas depuis 194537« Bilan démographique 2023 », Insee, n°1978, 16 janvier 2024. restant largement supérieur à la moyenne des pays de l’Union européenne (1,53), mais en baisse constante depuis dix ans38« Fertility statistics », Eurostat, mars 2023. ; et les progrès réalisés grâce à la médecine avec une forte progression de l’espérance de vie en France malgré le recul en 2021 dû à la crise sanitaire et qui s’établit désormais à 85,7 ans pour les femmes et, pour la première fois, au-dessus de 80 ans pour les hommes39Ibid. ; « Bilan démographique 2023 », art. cité., 2024..

Cette transition importante et soudaine demande des modifications massives de notre société : comment l’adapter à ce vieillissement en matière de santé, de logement ou de mobilités ? Les demandes d’aménagements de la vie quotidienne vont se multiplier, alors que huit Français sur dix40Nicolas Fauveau, « Maintien à domicile ou maison de retraite, comment prendre les bonnes décisions ? », France Bleu, 23 octobre 2023. semblent plus enclins à rester à domicile que de rentrer dans des structures spécifiques, telles que des résidences autonomie, Ehpad ou maisons de retraite. Mais pour cela, il faut prévoir des chantiers massifs d’adaptation des logements sans laisser de côté les investissements nécessaires dans les établissements spécifiques, dont la demande devrait aussi fortement augmenter.

Concernant les politiques de mobilité, la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoyait la mise en accessibilité des réseaux de transport en commun d’ici à 2025, avec quelques exceptions, dont le réseau historique du métro de Paris. Ces investissements en cours dont la mise en accessibilité de 100% des lignes de bus parisiennes devront également bénéficier aux seniors, alors que 37% des arrêts de bus des réseaux de transport urbains français ne le sont pas encore41État des lieux 2022 de l’accessibilité des transports urbains, Ministère de la Cohésion des territoires, 2023., démontrant, là encore, le chemin restant à parcourir.

Enfin, en matière de santé, il paraît primordial de continuer à élargir le champ de la prévention face à une population potentiellement plus fragile et ainsi pouvoir traiter au plus tôt les pathologies via un suivi régulier des seniors.

Une telle transition se prépare pour qu’elle se passe au mieux car c’est tout un ensemble de politiques publiques qui doivent changer d’échelle.

La crise climatique et la multiplication des risques naturels

À mesure que ce phénomène s’accélérera, ses conséquences sur le système de protection sociale augmenteront également puisque les risques environnementaux auront une incidence sur la santé des individus. C’est d’ailleurs déjà le cas, puisque les risques naturels (inondations, cyclones, canicules, feux de forêt, sécheresses, etc.) ont provoqué 142 000 décès supplémentaires42Mathilde Viennot, « Vers une protection sociale écologique ? », Caisse des dépôts, les dossiers, 4 juillet 2023. et coûté 650 milliards d’euros à l’Europe depuis 1980, dont 17% sur les deux dernières années43« Economic losses from weather and climate-related extremes in Europe », Agence européenne pour l’environnement, 6 octobre 2023..

Un exemple : les canicules, phénomènes météorologiques jusque-là extrêmes, deviendront la norme sur une population vieillissante, provoquant inévitablement une hausse de la mortalité liée au réchauffement climatique. Dans le monde, les décès liés à la chaleur chez les personnes de plus de 65 ans ont augmenté de 70% en deux décennies44« Changement climatique et santé : principaux faits », Organisation mondiale de la santé, 12 octobre 2023.. En France, ce sont 33 000 décès qui peuvent être attribués à la chaleur depuis 2014, dont 70% de personnes âgées de plus de 75 ans45« Fortes chaleurs et canicule : un impact sur la mortalité important nécessitant le renforcement de la prévention et de l’adaptation au changement climatique », Santé publique France, 23 juin 2023..

Au-delà, la question des systèmes assurantiels privés est également à scruter de près. Ils doivent être strictement encadrés, notamment concernant les catastrophes naturelles, qui risquent d’augmenter du fait du réchauffement climatique. De plus, s’ils sont utiles dans la prévention et l’indemnisation de certains risques, ils participent à la fragmentation du système de protection organisé par l’État et les partenaires sociaux et ne doivent pas organiser, y compris de manière déléguée, les conditions d’équité de l’exercice de la citoyenneté des individus.

Un nouveau socle de droits sociaux

Le but ici n’est pas de porter une réforme globale et prête à l’emploi du système social, mais plutôt de faire émerger des principes et des pistes à explorer pour enrichir cette réflexion. Ainsi, il est proposé de travailler à un nouveau récit commun de la protection sociale autour de trois grands principes : garantir à chacune et à chacun un bouclier à tout âge de la vie en vue d’atténuer les inégalités qui assignent les individus ; créer de nouveaux droits sociaux sous le prisme de l’accessibilité universelle ; anticiper pour protéger des risques à venir.

Garantir à chacun un bouclier à tout âge de la vie

Cet objectif est partiellement rempli par notre système de protection sociale qui compte douze minima sociaux non contributifs permettant d’assurer un revenu minimal à une personne ou à un foyer. Ce sont les prestations suivantes :

  • Revenu de solidarité active (RSA) majoré et non majoré ;
  • Revenu de solidarité (RSO), allocation spécifique aux DROM ;
  • Allocation de solidarité spécifique (ASS) ;
  • Allocation aux demandeurs d’asile (ADA) ;
  • Allocation veuvage (AV) ;
  • Allocation supplémentaire invalidité (ASI) ;
  • Allocation aux adultes handicapés (AAH) ;
  • Allocation des travailleurs indépendants (ATI) ;
  • Aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants (AVFS) ;
  • Minimum vieillesse (Aspa) ;
  • Allocation équivalent retraite remplacement (AER-R) ;
  • Allocation temporaire d’attente (ATA).

Fin 2021, 6,9 millions de personnes, soit 10% de la population, étaient couvertes par les minima sociaux en France. Ils contribuent à réduire le taux de pauvreté de 7,6 points : 14,6% des personnes vivant dans l’Hexagone se situaient sous le seuil de pauvreté en 2019, ce serait 22,2% sans redistribution46« Minima sociaux et prestations sociales – Ménages aux revenus modestes et redistribution », Les panoramas de la Drees, 29 septembre 2023..

Toutefois, un grand nombre de ménages pauvres ne recourent pas à leurs droits, de façon partielle ou totale. La complexité des aides y est pour beaucoup. Ainsi, une personne ne disposant d’aucun revenu pouvait toucher en 2020 jusqu’à 820 euros mensuels de prestations sociales si elle était bien accompagnée avec 539 euros de RSA et 281 euros d’aides au logement47Ibid..

Par ailleurs, et au-delà du non-recours, des catégories de la population sont exclues de ces minima sociaux. Les jeunes de moins de 25 ans ne peuvent ainsi pas faire appel au RSA. Les étudiants sont couverts par les bourses universitaires toutefois encore trop insuffisantes et dont les critères sont trop restreints. Ce sont eux, selon le sociologue Camille Peugny, qui viennent grossir les rangs des distributions alimentaires48Camille Peugny « Précarité étudiante : “Il est temps de mettre en place une allocation d’études universelle” », Le Monde, 4 janvier 2023.. Même ceux bénéficiant de bourses sont souvent obligés de travailler pour subvenir à leurs besoins, parfois au détriment de la réussite dans leurs études. Cette situation est injuste et doit être réparée. Les rustines, telles que celles proposées par le gouvernement en augmentant les moyens aux associations de solidarité organisant des distributions alimentaires, sont clairement insuffisantes et indignes de notre système de protection sociale.

Les jeunes n’ayant ni emploi ni formation peuvent faire appel au contrat d’engagement jeune (CEJ), mais, là encore, il faut connaître le dispositif et faire la démarche de se rapprocher d’une Mission locale. Le non-recours est en effet beaucoup plus marqué chez les jeunes, c’est le constat du Conseil d’orientation des politiques de jeunesse dans un rapport datant de 202149La garantie jeunes de demain : un droit ouvert à tous les jeunes, Conseil d’orientation des politiques de jeunesse, 17 décembre 2020.. L’une des raisons est la démultiplication des démarches administratives, avec des changements réguliers de lieux de vie et de statuts, un manque d’information, le nombre important d’acteurs proposant des aides (France Travail, Missions locales, CAF, collectivités locales, etc.), mais aussi une défiance marquée envers les institutions chez une partie des jeunesses.

Il est donc primordial de porter une réforme de ces minima sociaux pour offrir véritablement un bouclier à chacun, dans une logique d’universalisation de la protection sociale, c’est-à-dire d’ouvrir à toutes et tous des dispositifs jusque-là limités à certaines catégories.

Les débats ont été intenses sur cette question de 2015 à 2018. Du revenu universel de Benoît Hamon en 2017 à l’allocation sociale unique proposée par Emmanuel Macron durant son premier quinquennat, mais jamais mise en œuvre, les dispositifs proposés et mis sur la table ont été nombreux. Depuis lors, rien n’a jamais vu le jour et cela ne semble pas être une priorité du gouvernement actuel.

Dans l’immédiat et dans cette logique d’universalisation des aides sociales, il semble urgent d’ouvrir aux jeunes le RSA. Il n’y a pas de raison pour laquelle un jeune ne puisse bénéficier de ce minimum social. Le CEJ est à ce titre une imposture qui voudrait faire penser que, parce que jeune, un individu chercherait d’abord l’oisiveté avant d’être actif. De même, il n’y a absolument rien qui empêche un conseiller d’une Mission locale d’accompagner un jeune qui serait au RSA vers l’insertion, il suffirait pour cela de transmettre les informations des CAF aux Missions locales. Par ailleurs, beaucoup de jeunes ont souffert des réformes successives de l’assurance-chômage et ne peuvent pas non plus avoir accès au RSA, tombant de facto dans une précarité inacceptable. Enfin, le RSA est un dispositif bien plus connu que le CEJ et est une porte d’entrée qui limiterait le non-recours. Une étude de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) publiée en 2022 montrait ainsi que seuls 37% des jeunes avaient entendu parler du CEJ50Baromètre DJEPVA sur la jeunesse 2021, INJEP, 21 janvier 2022..

Sur le plus long terme, une réforme d’ampleur de simplification des minima sociaux semble déterminante pour limiter le non-recours et permettre à tout un chacun de pouvoir accéder à ses droits. Comme le disait le député Christophe Sirugue dans son rapport de 2015, « Clarifier l’architecture des minima sociaux, c’est donc renforcer son acceptabilité et fonder le consentement de tous à l’effort de solidarité51Christophe Sirugue, Repenser les minima sociaux : vers une couverture socle commune, Ministère des Solidarités, 18 avril 2016.. » Il est temps de fusionner ces douze minima sociaux afin de simplifier les démarches administratives et permettre de limiter au maximum le non-recours.

Mettons donc en place un revenu minimum de solidarité dès 18 ans ! Venant remplacer les douze minima sociaux, cette allocation serait sous condition de ressources et permettrait de répondre à toute situation de vulnérabilité temporaire ou permanente (les personnes en situation de handicap, par exemple, qui touchent aujourd’hui l’AAH) en facilitant l’accès aux droits.

S’il semble important que ce revenu minimum de solidarité soit sous condition de ressources, c’est parce qu’il est primordial que le travail garde une place importante dans notre système social. C’est le travail qui nous permet majoritairement de financer une protection sociale efficace (à travers les cotisations) et, ici, de financer la solidarité nécessaire à toutes les personnes pouvant se retrouver dans une situation de vulnérabilité. Il ne s’agit donc pas d’un revenu universel, mais d’un minimum social remplissant toutes les fonctions d’un minimum social.

C’est, par exemple, la position de nombreuses associations, dont l’alliance de syndicats et d’organisations Le pacte du pouvoir de vivre, qui propose « une revalorisation des minima sociaux et d’établir un minimum garanti d’au moins 50% du niveau de vie médian52« 1. Revaloriser les minima sociaux et établir un minimum garanti d’au moins 50% du niveau de vie médian », Pacte du pouvoir de vivre. ».

Le montant préconisé ici serait de 50% du niveau de vie médian pour assurer une sortie pérenne de la grande pauvreté alors que le RSA actuel ne permet que de survivre.

De façon plus concrète, cette proposition ne vise pas à mettre en place un revenu universel, l’objectif étant de lutter contre la pauvreté qui demeure en France beaucoup trop élevée. Par ailleurs et de la même façon que la déconjugalisation de l’AAH était une mesure attendue et juste, ce revenu minimum de solidarité se doit d’être individualisé pour permettre à chaque individu d’être doté des moyens de sa propre subsistance. Il devrait également être accompagné de l’octroi automatique de la Complémentaire santé solidaire (ex-CMU) à tous les bénéficiaires de ce revenu minimum de solidarité.

Pour s’assurer du taux le plus faible possible de non-recours, cette aide doit pouvoir être automatisée. Pour cela, il est nécessaire que les différents organismes d’aide sociale actuels mettent en commun leurs données. La CAF dispose ainsi des revenus des trois mois précédents suite à la réforme des aides au logement de 2019. Cette automatisation doit donc pouvoir être possible et est la seule garante de la fin du non-recours. Ce geste serait également puissant symboliquement puisque les démarches administratives souvent longues et complexes, parfois synonymes de honte pour les allocataires, seraient inversées. Ce serait ainsi l’État qui se soucierait des allocataires et qui s’assurerait que chaque personne puisse en bénéficier. Ce dispositif est aussi primordial pour les retraités pauvres alors que le minimum vieillesse est un dispositif méconnu et peu utilisé dont les taux de non-recours sont énormes (environ 50% des potentiels bénéficiaires n’en font pas la demande53Pauline Meinzel, « Le non-recours au minimum vieillesse des personnes seules », Les dossiers de la Drees, n°97, mai 2022.) et alors que ces retraités pauvres trouvent parfois un travail complémentaire éreintant et mal rémunéré pour compléter leur retraite.

Cette aide permettrait également de renforcer notre système de protection sociale pour les plus jeunes puisqu’elle serait disponible dès 18 ans.

Enfin, il semble également crucial de renforcer ce dispositif d’un mécanisme sur volontariat de suivi par des conseillers en insertion pour les personnes âgées de 18 à 65 ans. L’objectif n’est pas de forcer les allocataires à accepter n’importe quel travail, mais au contraire de les sortir de la grande pauvreté en les accompagnant vers l’insertion, une insertion durable qu’ils auront eux-mêmes construite en lien avec les conseillers.

Créer de nouveaux droits sociaux sous le prisme de l’accessibilité universelle

Les débats autour de la récente réforme des retraites ont ainsi mis en lumière les nombreuses difficultés que vivent les seniors s’approchant de l’âge de la retraite. Si des propositions bien insuffisantes, tel que l’index senior, étaient inscrites dans le projet de réforme, le Conseil d’État les a censurées puisque le gouvernement avait fait le choix de passer par un projet de loi de financement de la Sécurité sociale et non par le biais d’une loi classique. Toujours est-il qu’à l’heure actuelle, rien n’est venu prendre à bras-le-corps ce véritable problème de société qui condamne, et désormais pendant deux ans de plus, à la grande pauvreté les seniors. De façon encore plus surprenante, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, annonçait récemment réfléchir à réduire la durée d’indemnisation-chômage des seniors notamment, une nouvelle double peine en condamnant de nombreuses personnes à la grande pauvreté, dans le cadre d’une énième réforme prévue cette année54« Chômage : Bruno Le Maire propose de réduire la durée d’indemnisation des seniors », Le Monde, 23 novembre 2023..

En effet, les seniors, et souvent les plus précaires, peuvent se retrouver du jour au lendemain licenciés sans parvenir à retrouver un travail stable et bien rémunéré ensuite. Ainsi, 16% des seniors âgés entre 55 et 69 ans se retrouvent ni en emploi, ni au chômage, une situation qui est majoritairement subie, puisque 45% le sont pour des raisons de santé ou de handicap et 19% sont au chômage55Éliette Castelain, « En 2021, une personne de 55 à 69 ans sur six ni en emploi ni à la retraite, une situation le plus souvent subie », Insee n°1946, 11 mai 2023 ; Aurélien D’Isanto, Jérôme Hananel et Yoann Musiedlak, « Un tiers des seniors sans emploi ni retraite vivent en dessous du seuil de pauvreté », Drees, Études et résultats n°1079, 19 septembre 2018. en attendant l’ouverture de leurs droits à la retraite, de fait retardée par la récente réforme des retraites.

Par ailleurs, l’émergence des travailleurs des plateformes depuis quelques années soulève une autre question. Cette expression ne met pas en lumière le vide juridique dans lequel ils interviennent auprès de ces plateformes et il peut être préférable d’utiliser celle de « travailleurs ubérisés ». Le combat pour la reconnaissance de leur présomption de salariat a eu lieu ces dernières années dans les tribunaux avec un certain succès, mais de façon individuelle. Il se joue désormais à Bruxelles alors qu’une version a minima du texte a pu être adoptée, notamment du fait du forceps fait par la France pour en réduire la portée56Jade Grandin de l’Éprevier, « Travailleurs des plateformes : à Bruxelles, la France parvient à durcir les critères de requalification en salariat », L’Opinion, 24 janvier 2024..

Enfin, il nous faut mieux préparer la transition démographique et le vieillissement accéléré de notre population. Les emplois dits du care restent trop peu considérés dans notre pays et les employeurs publics comme privés ont du mal à recruter, notamment du fait des conditions de travail difficiles et des salaires faibles. L’État doit jouer son rôle pour accompagner et permettre la montée en charge nécessaire du secteur.

Afin de répondre à ces trois objectifs prioritaires de politiques publiques du social en France, l’État doit accompagner et mettre en œuvre de nouveaux droits : un service public de la perte d’autonomie et un service public de l’insertion professionnelle.

Ces deux nouveaux services publics auront vocation à répondre en partie aux problématiques décrites dans cette note. Ils devront être accompagnés de l’entrée en vigueur de cette directive européenne sur la présomption de salariat. 

Pour un service public de l’insertion professionnelle

Le service public de l’insertion professionnelle permettrait de rappeler que l’accès à la formation professionnelle tout au long de la vie, et quels que soient les parcours de chacun, que celui-ci soit jeune ou senior, inséré ou éloigné de l’emploi, devrait être un droit inaliénable. C’est également un pas vers l’accessibilité universelle en soutenant l’émancipation des personnes par une formation choisie et à leur initiative en rétablissant une égalité des chances et en garantissant l’exercice des mêmes droits de citoyens pour mettre fin aux discriminations. 

Mettons donc en place une allocation universelle de retour à l’emploi (AURE) dans le cadre de ce service public de l’insertion professionnelle ! Sans limitation de durée et sans condition d’âge, elle serait versée à la condition de justifier d’une recherche active d’emploi ou d’un projet professionnel en lien avec les conseillers en insertion. Les contrôles seraient renforcés, mais les demandeurs d’emploi auraient désormais toute la latitude en matière de durée de se projeter pour pouvoir se reconvertir quand certaines formations peuvent prendre jusqu’à deux ou trois ans pour être apte à l’emploi. L’objectif ici est de permettre à tout un chacun de bénéficier d’une mobilité sociale en cassant les plafonds de verre qui existent et viennent cloisonner la société.

Ainsi, cette allocation part du principe qu’il n’y a aucune raison qu’un individu perde ses droits à l’allocation-chômage s’il justifie d’une recherche active. Cette perte de droits met en situation de précarité et casse la confiance en soi alors même que le secteur peut être en crise ou que cette recherche n’est plus adaptée à l’individu. Il faut bien au contraire investir dans l’accompagnement des chômeurs pour éviter qu’un conseiller France Travail ne doive s’occuper de centaines de demandeurs d’emploi en même temps, comme c’est le cas aujourd’hui57Ainsi, les données de Pôle emploi de juin 2022 témoignent d’une moyenne par conseiller de 82 demandeurs pour l’accompagnement renforcé, 196 pour le mode « guidé » et 407 pour le mode « suivi ».. C’est d’ailleurs un non-sens économique que d’enfermer certains dans la précarité alors qu’ils pourraient travailler s’ils pouvaient bénéficier des mêmes chances.

Aujourd’hui, pourtant, ce droit est encore trop limité et demeure profondément inégal en fonction des situations et des trajectoires sociales. La validation des compétences et qualifications par l’expérience est une vraie chance pour beaucoup, mais les dispositifs trop complexes tels que la Validation des acquis de l’expérience (VAE) découragent celles et ceux qui voudraient en bénéficier. En matière de formation professionnelle, se met également en place une double censure : la première est interne, quand les individus n’osent pas forcément se former pour des raisons multiples, et la deuxième externe, quand des entreprises ou organisations ne vont pas à la rencontre des publics précaires et éloignés de l’emploi ou n’encouragent pas les salariés à faire ce pas vers la formation.

Concernant le travail des seniors, l’abolition de la réforme des retraites les condamnant à deux ans de travail en plus doit également être complétée par des dispositions d’urgence pour améliorer l’insertion de ces publics sur le marché de l’emploi en fin de carrière. Ce service public de l’insertion professionnelle y répond en partie.

Doté d’un budget et de personnels sanctuarisés avec une véritable démarche d’« aller vers » au centre de ses objectifs, ce service public aura pour mission de faciliter, via une simplification des différents dispositifs existants et un guichet unique, les reconversions, les valorisations d’acquis par l’expérience et les formations adaptées aux volontés de chacun. Il devra également mieux contrôler les organismes d’intérêt privé de formations face aux abus qui peuvent être commis.

Loin de l’idéologie ultralibérale des réformes proposées par le gouvernement avec France Travail et le RSA conditionné, la gauche doit être porteuse de mesures permettant de refaire du travail cet outil émancipateur. Ces mesures avancées ici s’inscrivent ainsi en faux avec une idéologie mortifère qui voudrait faire croire que les chômeurs ne sont chômeurs que parce qu’ils n’ont pas la volonté de retrouver du travail.

Le service public de l’insertion professionnelle nécessitera des moyens supplémentaires, mais est une réponse concrète aux problématiques énoncées ci-dessus. C’est une nécessité !

Pour un service public de la perte d’autonomie

Nous l’avons dit, la France n’est que trop peu préparée à la transition démographique qui l’attend. L’État doit accompagner cette montée en puissance. Pour le favoriser, il est crucial de mettre en place un service public de la perte d’autonomie, comme l’avait porté Anne Hidalgo, au nom des socialistes français, durant la présidentielle de 2022.

Cette mesure permettra d’abord à ce que l’ensemble des administrations et des politiques publiques portées, notamment le logement, les transports, la lutte contre l’isolement ou la participation démocratique, intègrent cette question dans leur cahier des charges et dans leurs réflexions, en lien avec les collectivités territoriales et les acteurs de terrain.

Les seniors sont une force pour notre société, ils remplissent un certain nombre de rôles sociaux non rémunérés qui leur sont attribués, car les actifs ont moins de temps pour le faire : le bénévolat dans les associations alors que l’État, depuis une quarantaine d’années, leur laisse de plus en plus de prérogatives via des appels à projet ou des subventions – politique qui doit nous interroger, puisque l’État se sert des associations comme rustines à son désengagement –, mais aussi, pour de nombreuses familles, le rôle de la garde des petits-enfants. Les seniors contribuent au lien social, c’est une force si cette transition est bien planifiée.

Il est donc important que chaque politique publique intègre cette dimension-là. Au-delà, ce service public de la perte d’autonomie aura vocation à orienter les familles via un guichet unique de l’ensemble des politiques publiques concernées. Pour préparer la société, il faut absolument simplifier les procédures.

Au-delà et vu la totale absence de considération de ce gouvernement sur la question, en témoigne le projet de loi grand âge, tant de fois annoncé mais jamais mis sur la table, ce service public devra être ambitieux et permettre de renforcer les moyens humains dédiés à la perte d’autonomie, que cela soit à domicile ou en établissements pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), et de réfléchir plus globalement à la transformation de la société (comment mieux accompagner à domicile ? Comment adapter au mieux les logements pour que l’accompagnement à domicile soit possible ?, etc.).

Il est tout aussi urgent de revaloriser les métiers du care, trop peu considérés dans notre pays et pour lesquels on peine désormais à recruter. Pour cela, il est urgent que l’État, en accord avec les départements, puisse mettre en œuvre une revalorisation salariale majeure pour ce qui concerne le secteur public et un plan de recrutement ambitieux en lien avec cette revalorisation. Concernant le secteur privé, il est proposé d’organiser une conférence nationale sur les salaires de cette branche d’activité pour encourager l’ensemble des acteurs à revaloriser leurs grilles de salaire. Cet enjeu est primordial pour fidéliser les personnels déjà présents en Ehpad ou à domicile et pour attirer de nouveaux profils. Ces mesures de revalorisation de ces métiers du care sont primordiales pour ne pas faire de la « silver économie » le nouveau modèle de la précarisation des travailleurs.

Le scandale Orpea a démontré que ce secteur était parfois trop peu surveillé et que les situations de maltraitance y étaient monnaie courante. Face à cela, il est crucial de renforcer via ce secteur public les contrôles dans les Ehpad privés comme publics et de donner aux personnels les moyens humains et matériels pour travailler au mieux. La présence humaine auprès des patients y est aujourd’hui encore trop limitée.

L’impératif de protéger des nouveaux risques interroge l’architecture et la soutenabilité du modèle français de protection sociale

La création des dispositifs de protection sociale pendant tout le XXe siècle se base à l’origine sur un référentiel productiviste avéré et dominant, réfléchi sur le seul prisme d’une croissance économique soutenue, notamment pendant les Trente Glorieuses. Ce référentiel adopté se fonde sur un modèle d’exploitation de la nature où l’humain recherche le rendement maximal et en tire un revenu et un confort. Aujourd’hui, nous faisons le constat d’une dépendance de l’équilibre des comptes sociaux sur la croissance économique, elle-même interrogée dans son modèle originel : ce modèle est-il durable dans un monde où les ressources sont finies et limitées, où les conditions d’habitabilité se dégraderont au fil des années ?

Cette interrogation pose une nouvelle question : un financement de la protection sociale est-il pérenne dans un contexte de faible croissance économique, voire de décroissance ? En d’autres termes, la protection sociale telle qu’elle est conçue et financée actuellement survivra-t-elle dans le cas d’un changement de système productif et réussira-t-elle à prévenir les risques, protéger suffisamment et rétablir une certaine équité entre les citoyens bénéficiaires de prestations ?

À long terme, les différentes projections semblent modéliser un scénario de croissance très faible. Leurs déterminants se fondent sur la tendance au vieillissement des populations et une plus faible natalité, la tertiarisation de nos économies (et donc de faibles gains de productivité liés aux services), les impacts du changement climatique affectant durablement notre modèle productif. Une interruption de la croissance sur une période courte de quelques années pourrait ainsi avoir des dommages quasiment irrémédiables sur notre système de protection sociale. Par exemple, une forte assise sur les prélèvements sociaux issus de l’activité et du travail permet aujourd’hui d’assurer le financement des dépenses sociales. Dans un contexte de faible croissance, de précarisation du travail, voire de chômage, les prélèvements sociaux sont difficilement augmentables, alors même qu’il existe une pression sur les dépenses sociales (chômage/santé), et posent la question de leur acceptabilité sociale.

Les questions de soutenabilité financière et sociale du système de protection sociale doivent être traitées ensemble. En d’autres termes, le système de protection sociale ne semble plus pouvoir se reposer de façon massive sur les prélèvements sociaux du travail. À l’avenir, il faudra donc s’interroger sur de nouvelles sources de prélèvements, non assis sur la croissance et équitables entre tous les citoyens, sans revenir sur les droits acquis, dans un contexte où l’augmentation des dépenses sociales peut être largement attendue, notamment au vu du vieillissement démographique.

Parmi les nouvelles sources de financement, sont régulièrement évoquées : (i) une fiscalité adaptée pour modifier les comportements des individus (augmentation des taxes sur les billets d’avion ; réflexion sur une TVA modulable : baisse de la TVA sur les produits fabriqués en Europe et les produits de première nécessité, mais augmentation de celle-ci sur ceux fabriqués ailleurs, nocifs pour la santé, etc.) ; (ii) la fiscalité assise sur le carbone redevable par les entreprises pour financer des dépenses de transition des ménages ; (iii) la contribution de ménages plus aisés au titre du rétablissement de l’impôt sur la fortune ou sur le patrimoine venant alimenter le budget dédié à la transition écologique ; (iv) l’affectation de recettes de certains impôts et niches fiscales vers la protection sociale.

Quelle que soit l’évolution du modèle, elle doit résulter d’une expression démocratique et surtout d’une organisation de la société susceptible d’imposer une certaine inertie à toute réforme d’ampleur du système. La protection a évolué en fonction de la prise en charge de nouveaux risques au cours de son histoire et qui n’étaient pas liés au travail – c’est le cas du logement, de l’exclusion et plus récemment de la dépendance – et, face à ces risques, de nouveaux droits acquis pour y pallier. Elle s’est construite également sur la base de compromis, or, face à l’apparition et au renforcement des inégalités environnementales, le modèle actuel doit être interrogé pour leur prévention et prise en charge alors que de nombreuses études démontrent la juxtaposition des personnes défavorisées et des lieux les plus exposés aux pollutions58Céline Guivarch, et Nicolas Taconet, « Inégalités mondiales et changement climatique », Revue de l’OFCE, vol. 165, n° 1, 2020, pp. 35-70..

Définir une Sécurité sociale écologique pour couvrir des risques sociaux et environnementaux

Une Sécurité sociale écologique doit pouvoir apporter une garantie aux citoyens les plus vulnérables et exposés à de fortes inégalités environnementales dont les effets se cumulent avec des inégalités sociales. Son objectif, très politique, doit être de démontrer la capacité de la République à répondre à un objectif : concilier urgence sociale et urgence écologique.

Cela suppose d’élever le risque environnemental au rang de risque social pour légitimer certaines dépenses et prestations.

Pour développer cette sixième branche de la Sécurité sociale, il semble important d’affecter de nouvelles recettes, notamment prélevées au titre de la fiscalité environnementale (65 milliards d’euros de recettes en 2019 en France), sur des investissements durables. Elle pourrait ainsi couvrir les risques liés aux vulnérabilités environnementales, en étant dotée d’une gouvernance propre associant institutions, acteurs économiques et citoyens. Il s’agit, en effet, de politiques transversales, puisque c’est par la modification des modes de transport que l’on réduira les risques liés à la pollution de l’air, par exemple.

Une autre question qui devra être débattue est celle des bouleversements attendus dans le monde de l’assurance privée. En effet, avec les difficultés de modélisation des risques environnementaux et de la prévision des catastrophes naturelles notamment, les assurances verront probablement leurs prix augmenter ou être différenciés en fonction des zones habitées, faisant courir un risque puisque les inégalités sociales sont souvent superposées à ces inégalités environnementales. La République doit se tenir aux côtés de tous ses citoyens, une méthode pour cela pourrait être, sur le modèle de la Couverture maladie universelle (CMU) de 2000, de créer une couverture minimale prise en charge par l’État pour les risques environnementaux.

Par ailleurs, l’institution d’une Sécurité sociale écologique paraît davantage reposer sur une forte logique de prévention des risques que de remédiation ou de dédommagement qui pourrait constituer d’autres types de dépenses, notamment quand les risques se traduisent par des conséquences nécessitant des soins médicaux. Considérant d’autres dispositifs existants qui relèvent également d’aides publiques incitatives pour des dépenses de transition écologique, une Sécurité sociale écologique devrait avoir un champ d’intervention bien circonscrit pour éviter une dispersion de moyens et de résultats.

Orienter progressivement les dépenses sociales et les dispositifs d’action publique en faveur du développement durable et écologique

S’il y a un consensus pour définir un volet écologique de notre modèle de protection sociale, celui-ci peut être imaginé à partir des prestations actuelles en prenant en compte les enjeux propres à chaque dispositif et politique publique. Quelques exemples non exhaustifs : (i) la transformation et l’abondement du chèque-énergie pour financer des dépenses de rénovation ou d’autonomie énergétique ; (ii) un renforcement de l’accompagnement des personnes sans emploi vers les métiers qui se transforment sous l’impulsion de la transition écologique, y compris dans l’industrie.

Comment financer ces mesures ?

Le revenu minimum de solidarité, les services publics de l’insertion professionnelle et de la perte d’autonomie ou la Sécurité sociale écologique nécessiteront des moyens budgétaires supplémentaires, même s’ils permettront d’en gagner à terme sur d’autres (une meilleure insertion professionnelle peut réduire à plus long terme les coûts de l’assurance-chômage, par exemple). Ces moyens sont nécessaires et importants à mettre en œuvre. Il s’agit d’objectifs cruciaux pour notre État social qui permettront de préparer les transitions à venir et d’aller vers plus de solidarité grâce à l’accessibilité universelle.

Pour les financer, plusieurs pistes sont évidemment possibles. Tout d’abord, un consensus émerge sur l’impossibilité de financer le modèle social uniquement sur le travail alors que la part des cotisations continue de décroître au fur et à mesure des années. Le système économique global doit être mis à contribution des droits sociaux de manière plus forte. En effet, puisque le capital, notamment via les innovations technologiques liées à la transition numérique, risque de freiner les augmentations de salaires et de diminuer le travail – notamment pour les métiers dits à faible valeur ajoutée (les pompistes, caissières, métiers qui sont en voie de disparition) –, il semble important que le capital puisse être mis au service de l’humain et participer ainsi plus fortement à la protection sociale dans des conditions à déterminer tant le débat relève de complexités liées à un système fiscal difficile à appréhender, mais qui se doit de taxer plus fortement les flux financiers.

Ensuite, les débats sur la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu dans un « grand impôt citoyen sur le revenu » proposé par Martine Aubry en 2011 restent d’actualité et permettraient d’engranger des moyens supplémentaires par le biais de taux plus progressifs. Par ailleurs, l’impôt contribuerait ainsi encore davantage à la redistribution, car la CSG, même si elle contient différents taux en fonction des catégories de revenus (plus élevé sur les revenus du capital et plus faible sur les revenus de remplacement), reste peu redistributive. Cette réforme serait plus simple à mettre en place désormais avec le prélèvement à la source.

D’autres sources de revenus pour notre protection sociale sont possibles : le retour de l’ISF qui viendrait financer ces efforts supplémentaires, et notamment la Sécurité sociale écologique, permettrait de financer à la fois la question sociale et la question climatique et de démontrer que l’une ne va pas sans l’autre.

Conclusion

Dans un contexte d’attaques permanentes contre les fondements de notre République, quelques mois après l’adoption de la réforme des retraites et quelques semaines après l’adoption de la loi mettant en place la conditionnalisation du RSA à au moins quinze heures d’activité hebdomadaire, il paraissait important de témoigner dans cette note que notre système de protection sociale est notre bien commun le plus précieux, le seul à même d’endiguer la montée, en apparence inexorable, de l’extrême droite.

Si notre modèle a souvent été menacé, fragilisé, détricoté au cours de ces quarante dernières années, il reste un puissant outil de réduction des inégalités et de solidarité entre citoyens. Il demeure une source d’inspiration pour de nombreux pays.

Parce que profondément attachés à ce système, il nous faut être lucides sur les failles existantes et ambitieux sur les perspectives à dessiner pour permettre à la gauche de revenir en responsabilité.

C’est ainsi une contribution modeste à ce travail de fond qu’il est important de continuer à mener pour répondre à l’évolution récente de la société et aux discours démagogiques qui voudrait voir chaque individu comme étant de mauvaise foi et souhaitant s’enrichir sur le dos des autres. Un fil rouge, l’accessibilité universelle, pourrait être le garant d’une société plus émancipatrice qui se rend compte que les vulnérabilités, qu’elles soient temporaires ou permanentes, existent et peuvent concerner l’ensemble des individus.

Les inégalités explosent depuis 2017 – notamment concernant le patrimoine, où désormais les 10% les plus riches possèdent près de la moitié du patrimoine brut total en 202159Rapport sur les inégalités en France, Édition 2023, Observatoire des inégalités, p. 64. – et l’arrivée d’Emmanuel Macron a contribué à détricoter réforme après réforme ce modèle auquel, pourtant, les Français sont si attachés.

Ces propositions, développées dans ces travaux, ce sont le revenu minimum de solidarité, véritable filet de sécurité pour l’ensemble de la population qui viendrait revaloriser les minima sociaux existants et simplifier drastiquement les démarches pour mettre fin au non-recours qui accentue les situations de vulnérabilité.

Ce sont aussi deux nouveaux services publics, dont celui de l’insertion professionnelle, afin de dynamiser le marché de l’emploi et rendre le travail émancipateur à nouveau, mais aussi le service public de la perte d’autonomie dans un pays qui connaîtra dans les toutes prochaines années une transition démographique avec un vieillissement de la population auquel il faut absolument se préparer. Ce vieillissement peut être une chance si et seulement si le pays est en capacité de renforcer notre modèle de prise en charge de la dépendance et de la perte d’autonomie en recrutant et en revalorisant ces métiers qui n’attirent pas assez et qui restent mal vus dans notre société.

Enfin, c’est la Sécurité sociale écologique, avec pour objectif de concilier l’urgence sociale et l’urgence écologique, en prenant en compte la santé environnementale et notamment les enjeux de prévention, puisque les connaissances là-dessus restent encore limitées.

Au-delà des sujets abordés ici, la réflexion doit également être ouverte concernant notre système de santé, qui traverse une crise très importante depuis quelques années, avec des urgences surchargées ou des déserts médicaux retardant les prises en charge et les inégalités territoriales. Les questionnements autour du « 100% Sécu » sont intéressants et doivent être approfondis, car ils permettraient sans doute une réduction des frais de gestion, qui représentent 15% à 20% du budget des mutuelles contre 5% pour la Sécurité sociale60Anne-Laure Chouin, « La “Grande Sécu”, ou comment adapter notre système de protection sociale », France Culture, 19 décembre 2021..

Ces pistes de réformes que nous présentons ici, nous devons en discuter avec ces partenaires que sont les corps intermédiaires. Pour cela, nous proposons la mise en place d’États généraux réunissant toutes celles et ceux qui, dans la gauche politique, écologiste, associative, syndicale et citoyenne, souhaitent bâtir une nouvelle union démocratique et populaire, claire sur ses valeurs, solide sur ses fondements, afin de pouvoir discuter demain du projet que la gauche doit porter lors des futures échéances.

  • 1
    Enquête « Carnet de santé – France édition 2023 », Mutualité française, septembre 2023.
  • 2
     Baromètre Unédic – volet 5 : quels regards les Français portent-ils sur le chômage et l’emploi », Unédic, 6 décembre 2023.
  • 3
    Enquête « Fractures françaises 2023 », Ipsos Sopra Steria pour Le Monde, la Fondation Jean-Jaurès, le Cevipof et l’Institut Montaigne, 10 octobre 2023.
  • 4
    « Conjoncture : filière alimentaire », Fédération du commerce et de la distribution, septembre 2023.
  • 5
    « En 2021, les inégalités et la pauvreté augmentent », Insee, n°1973, 14 novembre 2023.
  • 6
    Enquête « État de la France 2023 », Ipsos pour le CESE, septembre 2023.
  • 7
    « Un adolescent français sur deux souffre de symptômes d’anxiété ou dépressifs », Ipsos, 28 novembre 2022.
  • 8
    Enquête PISA 2022, 2023.
  • 9
    Pierre Rosanvallon, Les épreuves de la vie. Comprendre autrement les Français, Paris, Seuil, 2021.
  • 10
    Robert Castel, « La citoyenneté sociale menacée », Cités, vol. 35, n° 3, 2008, pp. 133-141.
  • 11
    Axelle Brodiez-Dolino, « La sécularisation des valeurs de l’action sociale depuis la fin du xixe siècle : du principe de charité au principe de solidarité », Informations sociales, vol. 196-197, n° 1-2, 2018, pp. 28-36.
  • 12
    « Mesurer le niveau de vie et la pauvreté des jeunes adultes de 18 à 24 ans », Les dossiers de la Drees, n°106, 10 février 2023.
  • 13
    « Patrice Douret : la vague ne faiblit pas », Restos du cœur, 22 novembre 2023
  • 14
    Guillemette Buisson et Gabriel de la Rosa, « Parents d’enfant handicapé : davantage de familles monoparentales, une situation moins favorable sur le marché du travail et des niveaux de vies plus faibles », Drees, Études et résultats n°1169, novembre 2020.
  • 15
    Flora Vuillier-Devillers, « Après un pic dû à la crise sanitaire, la part des jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation repart à la baisse », Insee Focus n°285, 10 janvier 2023.
  • 16
    Baromètre des mobilités du quotidien, Fondation pour la Nature et l’Homme, mars 2022.
  • 17
    Discours de Claire Hédon, Défenseure des droits, prononcé en clôture du colloque « Précarité et pauvreté : l’enjeu de l’accès aux droits » organisé le 19 octobre 2023.
  • 18
  • 19
    Des droits économiques et sociaux, à l’instar du droit à la santé, à l’instruction ou d’appartenir à un syndicat. Ils sont qualifiés comme tels car impliquant une créance, c’est-à-dire une contribution.
  • 20
    Les droits sociaux diffèrent cependant des droits-libertés qui ne nécessitent pas d’être adossés à une organisation ou un système économique pour être librement appliqués.
  • 21
    Claudine Pirus, « Prestations sociales : pour quatre personnes sur dix, le non-recours est principalement lié au manque d’information », Drees, études et résultats n°1263, 12 avril 2023.
  • 22
    Thomas Humphrey Marshall et Thomas Burton Bottomore, Citizenship and social class, Londres Pluto Classics, 1950.
  • 23
    Discours de Claire Hédon, Défenseure des droits, prononcé en clôture du colloque « Précarité et pauvreté : l’enjeu de l’accès aux droits » organisé le 19 octobre 2023.
  • 24
    Robert Castel, « La citoyenneté sociale menacée », article cité, 2008, pp. 133-141.
  • 25
    Serge Paugam et Patricia Vendramin, « 24. Le précariat, une nouvelle classe sociale ? », dans Serge Paugam (dir.), 50 questions de sociologie, Paris, Presses universitaires de France, 2020, pp. 243-251.
  • 26
    Robert Castel, L’insécurité sociale. Qu’est-ce qu’être protégé ?, Paris, Seuil, 2003.
  • 27
    Michel Debout et Antoine Bristielle, Prévenir la santé mentale au travail, un enjeu majeur de santé publique, Fondation Jean-Jaurès, 4 décembre 2023.
  • 28
    Romain Bendavid et Sabeiha Bouchakour, « Les absents n’ont pas toujours tort » : analyse de la progression de l’absentéisme au travail, Fondation Jean-Jaurès, 30 août 2023.
  • 29
    Les politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes, France Stratégie, octobre 2023, rapport réalisé à la demande de la présidence de l’Assemblée nationale.
  • 30
    Rapport Proxinvest, données de 2021.
  • 31
    « Dans le secteur privé, l’écart de salaire entre femmes et hommes est d’environ 4 % à temps de travail et à postes comparables en 2021 », Insee Focus, mars 2023.
  • 32
    Joël Aviragnet, Chantal Jourdan, Antoine Pelissolo, Santé mentale : dix grandes mesures pour une grande cause nationale, Fondation Jean-Jaurès, 9 octobre 2023.
  • 33
    Antoine Bristielle et al., Le dossier Le Pen : idéologie, image, électorat, Fondation Jean-Jaurès, 4 avril 2022.
  • 34
    Pierre Bérégovoy, « Le revenu minimum au cœur de la solidarité », Nouvelle Revue socialiste, n°4, 1988, p. 15.
  • 35
    « Vieillissement de la société française : réalité et conséquences », Haut-Commissariat au Plan, n°13, 9 février 2023.
  • 36
    Ibid.
  • 37
    « Bilan démographique 2023 », Insee, n°1978, 16 janvier 2024.
  • 38
    « Fertility statistics », Eurostat, mars 2023.
  • 39
    Ibid. ; « Bilan démographique 2023 », art. cité., 2024.
  • 40
    Nicolas Fauveau, « Maintien à domicile ou maison de retraite, comment prendre les bonnes décisions ? », France Bleu, 23 octobre 2023.
  • 41
    État des lieux 2022 de l’accessibilité des transports urbains, Ministère de la Cohésion des territoires, 2023.
  • 42
    Mathilde Viennot, « Vers une protection sociale écologique ? », Caisse des dépôts, les dossiers, 4 juillet 2023.
  • 43
    « Economic losses from weather and climate-related extremes in Europe », Agence européenne pour l’environnement, 6 octobre 2023.
  • 44
    « Changement climatique et santé : principaux faits », Organisation mondiale de la santé, 12 octobre 2023.
  • 45
    « Fortes chaleurs et canicule : un impact sur la mortalité important nécessitant le renforcement de la prévention et de l’adaptation au changement climatique », Santé publique France, 23 juin 2023.
  • 46
    « Minima sociaux et prestations sociales – Ménages aux revenus modestes et redistribution », Les panoramas de la Drees, 29 septembre 2023.
  • 47
    Ibid.
  • 48
    Camille Peugny « Précarité étudiante : “Il est temps de mettre en place une allocation d’études universelle” », Le Monde, 4 janvier 2023.
  • 49
    La garantie jeunes de demain : un droit ouvert à tous les jeunes, Conseil d’orientation des politiques de jeunesse, 17 décembre 2020.
  • 50
    Baromètre DJEPVA sur la jeunesse 2021, INJEP, 21 janvier 2022.
  • 51
    Christophe Sirugue, Repenser les minima sociaux : vers une couverture socle commune, Ministère des Solidarités, 18 avril 2016.
  • 52
    « 1. Revaloriser les minima sociaux et établir un minimum garanti d’au moins 50% du niveau de vie médian », Pacte du pouvoir de vivre.
  • 53
    Pauline Meinzel, « Le non-recours au minimum vieillesse des personnes seules », Les dossiers de la Drees, n°97, mai 2022.
  • 54
    « Chômage : Bruno Le Maire propose de réduire la durée d’indemnisation des seniors », Le Monde, 23 novembre 2023.
  • 55
    Éliette Castelain, « En 2021, une personne de 55 à 69 ans sur six ni en emploi ni à la retraite, une situation le plus souvent subie », Insee n°1946, 11 mai 2023 ; Aurélien D’Isanto, Jérôme Hananel et Yoann Musiedlak, « Un tiers des seniors sans emploi ni retraite vivent en dessous du seuil de pauvreté », Drees, Études et résultats n°1079, 19 septembre 2018.
  • 56
    Jade Grandin de l’Éprevier, « Travailleurs des plateformes : à Bruxelles, la France parvient à durcir les critères de requalification en salariat », L’Opinion, 24 janvier 2024.
  • 57
    Ainsi, les données de Pôle emploi de juin 2022 témoignent d’une moyenne par conseiller de 82 demandeurs pour l’accompagnement renforcé, 196 pour le mode « guidé » et 407 pour le mode « suivi ».
  • 58
    Céline Guivarch, et Nicolas Taconet, « Inégalités mondiales et changement climatique », Revue de l’OFCE, vol. 165, n° 1, 2020, pp. 35-70.
  • 59
    Rapport sur les inégalités en France, Édition 2023, Observatoire des inégalités, p. 64.
  • 60
    Anne-Laure Chouin, « La “Grande Sécu”, ou comment adapter notre système de protection sociale », France Culture, 19 décembre 2021.

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