Le breakdance va faire vibrer les JO 2024
Née dans le Bronx des années 1970, la discipline se démocratise : elle sera à l’honneur des Jeux olympiques à Paris en 2024.
Un hall de gare, un centre commercial, un coin de rue… Pour breaker, il faut un sol solide, lisse et abrité de la pluie. Des cartons servent à amortir les chutes. Brahim Zaibat avait choisi le parvis de l’Opéra de Lyon. Il a passé son adolescence à s’entraîner sous les arcades. Vingt minutes en métro depuis le quartier Mermoz de sa banlieue lyonnaise. La sono posée dans un coin, il a enchaîné jusqu’à douze heures par jour les figures acrobatiques et les pas de danse. « Je disais à ma mère que j’allais à l’école, mais en fait je breakais… On se retrouvait entre jeunes des différents quartiers, on échangeait, c’était notre vie sociale. Avec le break, tu fais ce que tu veux, tu as le droit de créer tous les mouvements, il n’y a pas d’interdit », explique le champion de 32 ans.
Dans les années 1980, le mouvement débarque en France
Le breaking appartient au courant hip-hop né dans les années 1970 dans le quartier du Bronx, à New York. A l’époque, la drogue, les gangs et la violence gangrènent la ville. Cet art est une réponse pacifiste à la misère, au chômage et à l’insécurité. Le hip-hop intègre diverses expressions : le graffiti pour la peinture, le rap pour la musique, le break pour la danse. Des personnalités émergent, comme Kool Herc, un DJ d’origine jamaïcaine qui sillonnait la ville avec des enceintes sur le toit de sa voiture. Dans la rue, en bas des immeubles, sur les terrains vagues, il incite les habitants à se réunir pour faire la fête. Les gangs ne s’affrontent plus avec des armes mais à travers la danse. Déjà, à l’époque, on emploie les mots B-boy et B-girl pour évoquer les breakers. Dans les années 1980, le mouvement débarque en France. Même engouement, même état d’esprit : le breaking revendique la culture de la rue qui s’exprime et se confronte à travers des figures acrobatiques.
Comme beaucoup de jeunes, Brahim Zaibat a débuté avec les battles : des défis dansés où l’on s’affronte l’un après l’autre sur les « breaks » des morceaux de musique, c’est-à-dire les interludes instrumentaux où il n’y a pas de voix. Il faut improviser pour répondre à l’adversaire. Seulement quelques secondes pour convaincre avec des prouesses techniques. La coupole, le top rock, le footwork, les power moves, saltos, les enchaînements émerveillent. Pas de chute, un équilibre parfait, une fluidité. On pratique en équipe (les « crews »), on s’encourage, on applaudit. Brahim Zaibat a remporté à 17 ans sa première coupe du monde au Battle of the Year avec son équipe, Pokemon Crew. Il enchaînera les récompenses et les tours du monde. En 2012, il danse au Super Bowl aux côtés de Madonna. Son histoire d’amour avec la chanteuse fera le buzz. Puis il participera à « Danse avec les stars ».
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Il élargit ses horizons en intégrant des compagnies de danse contemporaine, devenant chorégraphe et même acteur. « Brahim est un exemple », dit Sarah Bee, 29 ans. Elle est l’une des meilleures B-girls françaises. La première fois qu’elle breake, elle a 11 ans. « J’étais entourée de garçons, je me suis dit : “Si eux arrivent à faire ces mouvements, pourquoi je n’y arriverais pas !” C’est dur physiquement, il faut être acharnée, ça fait mal et cela demande des sacrifices. Mais c’est le kif », résume-t-elle. Sarah appartient à la même génération que Brahim, Lilou, Junior, Abdel Mustapha… Tous sont devenus des stars. Ils ont fait de la France un acteur essentiel de l’univers du break.
Aujourd’hui, de nombreuses compétitions sont organisées partout dans l’Hexagone. Ce sport séduit. Les mairies et les communes ouvrent leurs salles pour pratiquer cet art. Les écoles de danse proposent presque toutes des cours de breakdance. « Le hip-hop est partout, constate Sarah Bee. A la télé, dans les clips, les pubs… C’est tendance, les gens veulent des médailles, cela s’est commercialisé. Lorsqu’on était jeunes, on ne le faisait pas pour ça. C’était juste un état d’esprit. La danse a sauvé beaucoup de jeunes. Moi, elle m’a sauvé la vie, sinon j’aurais peut-être mal tourné. Aujourd’hui encore, les gens associent l’image du hip-hop à des racailles, c’est dommage. » Sarah Bee s’astreint au régime des champions : elle ne fume pas, ne boit pas, se nourrit bio. Que penser de l’arrivée du break aux Jeux olympiques 2024 ? « C’est bien si cela ne dénature pas l’esprit », déclare-t-elle. Pour Brahim Zaibat, « cela va élever le niveau pour plus d’exigences ». Abdel Mustapha a été désigné entraîneur coordinateur de la délégation française de breakdanse au sein de la Fédération de danse ; il aura sûrement un rôle à jouer dans l’organisation des J.O.
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Aujourd’hui, il s’est spécialisé dans la transmission ; il intervient dans des espaces jeunes, des lycées, des écoles. Originaire de Grande-Synthe à Dunkerque, il s’est occupé de l’organisation des Jeux olympiques de la jeunesse, qui se sont déroulés à Buenos Aires en octobre 2018. « Cela nous a rassurés car cette compétition olympique a gardé les codes du break. Par exemple, les membres du jury étaient issus du hip-hop, le maître de cérémonie et le DJ aussi… Je pense que les J.O. de 2024 réussiront aussi à conserver l’âme particulière du break », explique-t-il. Il a accompagné Martin Lejeune, 16 ans, qui a décroché le titre de vice-champion olympique de breakdance en remportant l’argent. Martin pratique depuis ses 9 ans dans l’association KLA District. Il continue à s’entraîner pour se perfectionner à tourner sur la tête : « C’est une figure difficile que je n’ai pas complètement acquise. » Ce qu’il aime aussi, c’est l’ambiance : « Mon crew, c’est ma famille. » Sera-t-il au rendez-vous en 2024 ? « J’aimerais représenter la France. Si je suis sélectionné, je ferai tout pour rapporter une médaille. Et cinq ans, c’est loin, j’ai encore du temps pour m’entraîner. »