Colette et Philippe Bouvard : 70 ans de mariage, c’est possible !
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Colette et Philippe Bouvard : 70 ans de mariage, c’est possible !

Philippe Bouvard pose chez lui en compagnie de son epuse lors de la fete donnee en l'honneur de leur 70 ans de mariage. Cannes, FRANCE-28/10/2023
Chez eux, à Cannes, avec le yorkshire Toutou, troisième « enfant » du couple, lors de leur fête d’anniversaire de mariage, le 28 octobre. © Vincent Capman / Paris Match
InterviewJerôme Béglé

Avec Colette, le journaliste Philippe Bouvard, vient de célébrer ses soixante-dix ans de mariage. L’occasion de confesser un couple comme on n’en fait plus à l’occasion de ces noces de platine.

Le 31 octobre 1953, Colette ­Sauvage et Philippe Bouvard se sont embarqués pour une aventure qui dure depuis soixante-dix ans. Venez fêter avec eux cet anniversaire ­exceptionnel. » Le carton d’invitation est sobre. Nul besoin d’en rajouter lorsqu’on célèbre ses noces de platine.

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Une quarantaine de personnes ont répondu à l’appel. Les deux filles du couple, Dominique et Nathalie. Hugo, Théo et ­Lancelot, les trois fils de cette dernière. Hadrien, celui de ­Dominique, désormais installé en ­Californie, n’avait pas fait le déplacement, pas plus que les deux arrière-petits-enfants Bouvard.


Autour de la grande famille, des amis : le cardiologue Serge Assouline qui, il y a sept ans, a sauvé la vie de l’inventeur des « Grosses têtes », les journalistes Cyril Viguier et Denis Carreaux, le patron de « Nice-­Matin », à qui Philippe ­Bouvard a donné une chronique quotidienne pendant quatorze ans.

« Il envoyait son texte tous les jours à la même heure, dans le bon format, sans que nous ayons le moindre mot à ­changer », s’émerveille encore Denis ­Carreaux.

En France, √† Paris, sur le plateau, en septembre 1986, lors de l'émission Le Nouveau thé√¢tre de Bouvard, l'équipe posant avec Philippe BOUVARD, animateur, de gauche √† droite, Yvan BURGER, une personne non idnetifiée, Olivier LEJEUNE, et d'autres personnes non identifiées, au centre Philippe BOUVARD, porté par des hu
Porté en triomphe par l’équipe de son émission « Le nouveau théâtre de Bouvard », en 1986. © REDACTION

Jacques ­Mailhot, humoriste, chansonnier et ­propriétaire du théâtre des Deux Ânes, n’a pas manqué le déplacement à Cannes. David Lisnard, maire de la ville où résident désormais Colette et ­Philippe ­Bouvard, est passé saluer ses prestigieux administrés. Mais le vrai héros de la soirée ne prononça pas un mot : Toutou, 5 ans, un yorkshire que son maître qualifie de « chien le plus intelligent que j’ai rencontré. Il comprend tout ce que je lui dis ».

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Les conseils d’un couple qui dure


Après l’apéritif servi dans un appartement-terrasse d’où l’on domine toute la ville, direction Les Canailles, un restaurant du centre-ville. Avant de dîner, un discours du nonagénaire jamais avare d’un bon mot, d’une espièglerie. Il y remercie notamment patience et science. La première est à mettre au crédit de Colette. La seconde lui permet d’afficher encore un tonus et une mémoire intacts alors qu’il soufflera en décembre ses 94 bougies…

Ultime confidence avant que le dîner commence, l’épitaphe que l’auteur d’« Un oursin dans le caviar » (390 000 exemplaires vendus) s’est choisie : « Toujours impatient, il a réussi à perdre la vue avant qu’on ne lui ferme les yeux ».
Le lendemain, une fois dissipées les vapeurs de la fête, Colette et Philippe se sont ­prêtés aux confidences. Voici les conseils d’un couple qui dure…

 Il m’est arrivé de lui ­déposer ses valises devant la porte… 

Colette Bouvard


Paris Match. Comment vous êtes-vous ­rencontrés ?
Philippe Bouvard.
Au début de l’année 1953 dans un train qui reliait Paris au ­Pecq-Vésinet, ville que nos familles respectives habitaient. Cela fut assez immédiat. À l’époque, les hôtels refusaient ­d’accueillir les mineurs, nous avons abrité nos premières amours sous les vieux chênes de la forêt de Saint-Germain-en-Laye. De nos promenades sylvestres où nous regardions la feuille à ­l’envers est née notre première fille, ­Dominique.
Colette Bouvard. J’avais à peine 17 ans, la plupart de mes amis étaient descendus au Vésinet. Un seul d’entre eux poussait jusqu’au Pecq. Je lui ai demandé de me raccompagner chez moi. Il était flanqué de Philippe. Il me présente et, pour toute réponse, Philippe me dit : “Combien y a-t-il de filles dans cette famille ? C’est au moins la huitième qu’on me présente.” Je lui ai rétorqué : “Non, c’est toujours la même, mais vous ne la reconnaissez jamais.”


Le coup de foudre fut-il immédiat ?
P. B. 
Oui, Colette était jeune, six ans et demi de moins que moi, mais déjà très femme. Elle l’a prouvé en tombant enceinte ­immédiatement.
C. B. J’aurai dû avoir Dominique à 17 ans, mais comme mon accouchement a été ­difficile, je l’ai eu à 18 ans.

La naissance de Dominique, la première de leurs deux filles. Le Vésinet, 1954.
La naissance de Dominique, la première de leurs deux filles. Le Vésinet, 1954. DR / © DR


Quel est le secret d’un couple qui dure soixante-dix ans ?
P. B
. Un système que les auteurs dramatiques connaissent bien. Si l’on veut ­éviter que la comédie ne vire à la tragédie, il faut ménager des entractes. C’est-à-dire se voir moins, et même plus du tout pendant quelques semaines. Et parfois tenter d’autres expériences. Les enfants, puis les petits-­enfants aident à la conservation de cette cohésion conjugale.
C. B. Il faut fermer les yeux, sur beaucoup de choses, et avoir beaucoup d’abnégation. [Rires.]

 Le plus difficile ce sont les 69 premières années… La 70e est la plus agréable 

Philippe Bouvard


Vous ne l’avez pas regretté, Colette ?
C. B.
 Parfois si. Il m’est arrivé de lui ­déposer ses valises devant la porte…
P. B. Le plus difficile ce sont les 69 premières années… La 70e est la plus agréable. On a balayé les difficultés et tout le monde est très content de cet anniversaire de mariage. Les témoins savent qu’ils n’y parviendront jamais et que nous sommes devenus une référence du passé, un peu comme la bataille de Bouvines…

Paris, 6 avril 2010 : Philippe BOUVARD dans la salle de jeu privée qu'il a aménagée dans le sous-sol de son h√¥tel particulier du VIIe arrondissement : plan souriant de face posant assis √† sa table de jeu devant des cartes et des jetons de ca
Dans la salle de jeux privée aménagée dans le sous-sol de son hôtel particulier. Paris, 2010 © REDACTION


Qu’admirez-vous le plus chez l’autre ?
P. B. 
Les progrès qu’elle a faits dans la compréhension générale de notre époque. Elle s’intéresse à l’actualité, si bien que je peux bavarder d’égal à égal avec elle sur tous les sujets traités dans la presse, alors qu’autrefois cela ne l’intéressait guère. Elle est une excellente mère de famille, une très bonne grand-mère et arrière-grand-mère. Elle est devenue une épouse modèle. Non seulement vis-à-vis de moi mais également dans sa façon de faire marcher un intérieur bourgeois. Colette fait très bien la cuisine, elle sait organiser les réceptions, elle est adorée de tous, avec un sens social qui m’a toujours manqué. Elle a une infinité d’amis alors que moi, j’en ai très peu car la plupart ont disparu.
C. B. J’ai toujours admiré son intelligence, sa créativité, sa capacité de travail hors norme. Il a toujours eu des idées, souvent trop.

Philippe Bouvard pose chez lui en compagnie de son epuse lors de la fete donnee en l'honneur de leur 70 ans de mariage. Cannes, FRANCE-28/10/2023
Autour du couple, le 28 octobre. À droite, leur fille cadette Nathalie avec ses fils Hugo et Théo, et Emmanuel, son compagnon. Derrière, leur fille aînée, Dominique, le journaliste Cyril Viguier entouré de l’humoriste Jacques Mailhot et de sa femme, Lydie. À gauche, Lancelot, troisième fils de Nathalie, David Lisnard, maire de Cannes, avec, à sa gauche, Johanna, la fiancée d’Hugo. Paris Match / © Vincent Capman


Philippe est un personnage public que vous avez dû partager avec ses admirateurs et ­collaborateurs. Cela fut-il facile ?
C. B.
 Pas toujours, sauf à accepter que sa première femme était le travail. Il jouait ­également beaucoup, ce qui occupait les rares heures où il ne travaillait pas. Il était la cigale, j’étais la fourmi. J’ai géré le patrimoine, acheté quelques biens immobiliers et ­organisé l’intendance…
P. B. La période la plus difficile de ces sept décennies fut lorsque je l’ai trompée avec plus de dix employeurs simultanés. Le succès et la popularité dont je bénéficiais m’avaient un peu tourné la tête, tout le monde me faisait des propositions, y compris des jeunes filles un peu accortes. Ma profession a déséquilibré ma vie conjugale : je voyageais beaucoup, je dormais quatre ou cinq heures par nuit…


Avez-vous été meilleur grand-père que père ?
P. B. 
J’ai été aussi bon père que j’ai pu, mais toujours absent de la maison. Meilleur grand-père, oui. Arrière-grand-père je le voudrais, mais Jack et Luc habitent San ­Francisco et ne viennent en France qu’une fois par an. À 5 et 8 ans, ils se comportent comme s’ils m’avaient toujours connu.

Une quarantaine de personnes ont reçu ce carton d’invitation.
Une quarantaine de personnes ont reçu ce carton d’invitation. © DR


Avez-vous aimé l’époque que vous avez ­traversée ?
P. B.
 Oui. Tout était plus simple. On pouvait réussir sans diplôme. Moi qui n’ai même pas le bac, j’en suis la preuve. Il y avait moins de lois, d’embarras réglementaires, de gouvernance, de problèmes. Mon seul drame fut de voir une partie de ma famille ­déportée pendant la guerre. C’est sans doute cette douleur qui m’a poussé à ­travailler plus que de raison.


Colette, comment avez-vous construit votre vie à côté de ­Philippe ?
C. B. 
J’ai travaillé. D’abord en ouvrant et en tenant pendant seize ans des ­boutiques de fringues, puis dans l’immobilier. Et ensuite, par la force des choses, j’étais la première lectrice, auditrice et spectatrice de ­Philippe…

J’ai tout de suite adoré cette ville et tout fait pour y venir souvent, à la moindre occasion professionnelle 

Philippe Bouvard


En quoi Colette vous a-t-elle aidé dans votre vie professionnelle ?
P. B. 
En m’accordant la plus grande liberté, en s’occupant parfaitement de mon bien-être quand j’étais à la maison, en élevant nos enfants. En suppléant un père plus ­accaparé par sa profession que par sa famille.


Au nombre de vos passions communes, on trouve le jeu…
C. B.
 Le poker et les jeux de casino pour Philippe. Moi, c’est plutôt le gin et le bridge, même si je ne déteste pas les machines à sous.

Le 21 juillet 1986. Rendez-vous avec Philippe BOUVARD et son épouse Colette, chez eux, dans leur maison de Valbonne.
Ici, Philippe BOUVARD au volant de sa voiture décapotable une Ferrari mundial roug
Une Ferrari pour l’homme pressé. Valbonne, 1987. © REDACTION


Pourquoi habitez-vous désormais à Cannes ?
P. B.
 J’avais 8 ans quand mes parents m’ont emmené pour la première fois ici. Nous sommes arrivés un matin par le train de nuit. Le premier souvenir que j’en garde c’est un monsieur très maigre qui venait de descendre d’une belle voiture conduite par un chauffeur en casquette. J’ai demandé à mes parents qui il était. “Le poète Jean Cocteau.” J’en ai alors déduit que les poètes étaient des gens très riches. Les palmiers, la mer, les habitants… J’ai tout de suite adoré cette ville et tout fait pour y venir souvent, à la moindre occasion professionnelle.
C. B. Nous avons d’abord eu une résidence secondaire à Valbonne, puis une maison sur les hauteurs de Cannes avant d’opter pour cet appartement sur le toit d’un immeuble. Philippe a très vite passé à Cannes deux ou trois jours par semaine, moi je préférais des séjours plus longs. Il nous a paru naturel de nous y installer il y a une dizaine d’années. Nos filles nous ont désormais rejoints.

Philippe Bouvard pose chez lui en compagnie de son epuse lors de la fete donnee en l'honneur de leur 70 ans de mariage. Cannes, FRANCE-28/10/2023
Ils se sont installés à Cannes depuis une dizaine d’années. DR / © Vincent Capman


Philippe, avez-vous un regret professionnel ?
P. B. 
Oui. En 1973, j’ai quitté « Le Figaro » pour une chronique quotidienne dans « France-Soir ». J’y ai remplacé Carmen ­Tessier qui tenait « Les potins de la commère ». Celle-ci a très mal pris son éviction. Quelques années plus tard, déprimée, elle s’est jetée par la fenêtre. Cela reste pour moi un remords.


Colette, quels conseils donneriez-vous à une jeune fille qui voudrait rester soixante-dix ans avec son mari ?
C. B. 
Je crois que maintenant, ce n’est plus possible. La vie va beaucoup trop vite. Les femmes travaillent presque toutes, elles ont acquis une indépendance qui les incite à ne plus supporter ce que nous supportions à l’époque.

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