Sandrine Bonnaire : "Il m'a strangulée au point que je me suis évanouie"
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Sandrine Bonnaire : "Il m'a strangulée au point que je me suis évanouie"

La comédienne française Sandrine Bonnaire revient sur l'agression qu'elle a subie il y a 20 ans. Son compagnon, Pierre, l'avait alors rouée de coups et lui avait fait croire qu'elle était tombée. Aujourd'hui, elle n'est toujours "pas guérie".

La comédienne raconte comment son compagnon l'a strangulée et rouée de coups il y a 20 ans.
La comédienne raconte comment son compagnon l'a strangulée et rouée de coups il y a 20 ans. Capture d'écran France 24
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Près de 20 ans après les faits, Sandrine Bonnaire a accepté de revenir pour France 24 sur cet épisode traumatisant qui l'a laissée meurtrie, pour soutenir les autres femmes.

"Je suis très touchée parce que ça m’est arrivé il y a 20 ans. J’en ai très peu parlé. J’en ai parlé dans un livre que j’ai coréalisé avec deux journalistes que j’aime beaucoup, Tiffy Morgue et Jean-Yves Gaillac. C’est un livre sur mon parcours artistique, de femme. J’avais parlé de ce que j’avais subi, mais je n’avais pas dit qui c’était. Je voulais surtout parler de réparation à l’époque. Je me sentais très fragile, mais je voulais rester discrète et me protéger des médias. Je n’avais pas envie d’étaler ma vie. Je l’ai dit dans le livre de Catherine Ceylac qui est sorti au mois d’octobre "À l’amour à la vie" (Flammarion)".

C’est un livre sur l’amour. On a parlé d’amour, toutes sortes d’amours et puis j’ai parlé d’un amour toxique. J’ai révélé que c’était un ancien compagnon avec lequel je vivais depuis quatre ans, qui m’a strangulée. Nous avons eu une dispute, il m’a attrapée contre un mur. Il m’a strangulée au point que je me suis évanouie.

Je me suis réveillée, je ne sais pas combien de temps après, avec une triple fracture de la mâchoire – j’ai tous les os du visage qui sont cassés –, avec la langue déchiquetée, 8 dents cassées, et avec une ouverture sur le menton. Je saignais énormément.

Il m’a aidée à me réveiller. J’ai craché des morceaux de dents, je saignais énormément. La première réaction a été de lui dire "qu’est-ce que tu m’as fait ?".

Il m’a dit que j’étais tombée. Je l’ai cru bien sûr puisque ça faisait trois ans et demi que je vivais avec lui. Il n’y avait jamais eu de prémices de violences, c’était quelqu’un d’assez calme. Aucun signe alarmant dans le passé. Et donc je l’ai cru.

Je suis allée me regarder dans le miroir et j’ai vu mon visage. J’avais le visage complétement déplacé. J’ai appelé une de mes sœurs pour garder ma fille, qui à l’époque avait 7 ans mais heureusement dormait. Ma sœur est venue avec mon beau-frère, et c’est lui qui m’a emmenée à l’hôpital avec cet homme qui s’appelait Pierre. Sauf que ce Pierre n’a pas eu la présence d’esprit de m’emmener tout de suite ou d’appeler les secours. J’ai demandé à cet homme de quitter mon domicile.

J’ai été opérée en urgence dans la nuit. Les conséquences de tout ça, c’est que je suis restée paralysée pendant un mois et demi avec toute la mâchoire attachée. Je n’avais plus d’ouverture de bouche et toutes les semaines je devais voir le chirurgien.

Au bout d’un mois et demi, la mâchoire ne se redressait pas et j’étais toujours dans la même situation. Et là, les médecins ont parlé de chirurgie esthétique. Là j’ai eu très très peur. Je me suis dit que j’avais été mal prise en charge. Le tournage s’est arrêté deux mois et demi, le temps de récupérer mes capacités. Je tournais un film avec Jacques Dutronc et avec sa compagne ils m’ont conseillée un chirurgien maxillo-facial.
Ce médecin m’a dit  : "Ce n’est pas une chute, vous avez reçu un coup".

J’ai porté plainte. Il reconnaissait qu’il m’avait strangulée parce que ça, je m’en souvenais. Il y a eu une enquête de police. Il y avait plein de choses étranges. On s’est aperçus que ce Pierre mentait parce que normalement on s’évanouit de toute sa hauteur, mollement et là où on a été agressé. Je me suis retrouvée plus de 2,50 m plus loin. Les médecins m’ont dit que des fractures comme celles que j’avais provenaient d’accidents de voiture, ou chez un enfant qui passe par-dessus un guidon sur du béton.

Il n’a pas assumé sa responsabilité. La police l’a convoqué à plusieurs reprises. Il ne s’est présenté que la troisième fois. Nous avons eu une confrontation au commissariat. Lors de la reconstitution, il a eu un argument terrible, qui revient souvent : " Elle était hystérique, j’ai dû la calmer".

Ce sont les premiers mots qui reviennent. Hélas, c’est arrivé aussi à ma nièce. Elle avait quatre dents cassées. Ils étaient mariés depuis un an et j’ai eu les mêmes arguments que cet homme : "Elle était hystérique, j’ai dû la calmer."

Aujourd’hui, je la raconte cette histoire parce qu’après le livre de Catherine Ceylac, j’ai eu des demandes de presse et je n’ai pas voulu en parler parce que je me méfie aussi des médias. Il y a aussi cette gêne d’étaler sa vie, je suis assez discrète sur ma vie personnelle.

Ce qui m’a décidé à parler c’est de voir que ça continue, de voir le nombre de femmes qui subissent ça. Sur une année, c’est déjà énorme. Sur 20 ans, on imagine ce que ça donne.

La campagne m’a aidée à parler. Je me suis dit que j’allais réellement en parler dans cette marche pour soutenir toutes ces femmes. Mais j’ai aussi envie de m’adresser aux hommes. Cette marche, tout ce qui se dit, ce n’est surtout pas contre les hommes. Ça concerne tout le monde, ça concerne l’humain. Il y a d’autres moyens de s’exprimer que par la violence. Il y a aussi des femmes qui frappent les hommes. J’ai connu un homme qui a été frappé pendant des années par sa femme. C’est beaucoup plus faible en pourcentage, mais c’est terrible que ça se termine comme ça. Il faut trouver d’autres moyens pour se séparer, discuter, se comprendre.

Il faut porter plainte. C’est indispensable. Il faut que la justice donne des sentences plus lourdes, pas que du sursis. Cet homme a pris deux ans de sursis, dans le cas de ma nièce 18 mois de liberté conditionnelle.

Je ne sais pas si c’est la prison qui permettra de faire comprendre à certains hommes. Il faut que la police et la justice, quand une femme vient porter plainte, n’attendent pas de traces et de preuves. Quand j’ai été strangulée, je n’avais aucune trace immédiatement. Les traces sont apparues le lendemain. Il faut prendre le temps d’entendre la victime.

Avant que je porte plainte, pendant un mois et demi, il avait peur. On a parlé de chirurgie esthétique. Pour moi c’était terrible, ça voulait dire mettre fin à ma carrière. J’ai fait de la rééducation pendant plus de six mois. J’avais un appareil qui m’aidait à ouvrir la bouche, et j’avais un zozotement. Je me suis dit ma carrière est foutue. C’était ciblé sur le sourire. Au niveau de l’emprise morale, il a visé ce qu’il y avait de meilleur chez moi.

Ça a été une décision très évidente de le quitter. L’amour s’est arrêté tout de suite. J’avoue avoir la chance d’être une femme indépendante, d’avoir de l’argent, un métier. Je suis reconnue. Je pense à toutes ces femmes qui ne peuvent pas partir, qui n’ont pas d’argent, qui n’ont pas ce luxe que j’ai. Je pense à elles.

Il y a des femmes qui restent attachées à leur bourreau. Moi, je n’ai plus aucun affect, mais je ne suis pas guérie physiquement. J’ai encore des douleurs. Les dents, ça dure dixans et il faut changer. À chaque fois, cette personne revient. Elle reste inscrite en moi que je le veuille ou non. J’essaye de la chasser cette personne. Il reste présent. C’est le plus dur à supporter".


 

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