"Un p'tit truc en plus" : la complexité en moins

"Un p'tit truc en plus" : la complexité en moins

"Un p'tit truc en plus" - Artus - 2023 - Cine Nomine
"Un p'tit truc en plus" - Artus - 2023 - Cine Nomine
"Un p'tit truc en plus" - Artus - 2023 - Cine Nomine
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Alors qu'ouvre aujourd'hui le Festival de Cannes, petite réflexion sur cette comédie populaire sortie il y a quelques jours, succès immense au box office, et qui sera projetée sur la Croisette.

Sorti le 1er mai le film pourrait bientôt atteindre les deux millions d’entrées - c’est exceptionnel pour un film français sans grand nom à l’affiche, réalisé par Artus, connu surtout jusque-là pour son travail d’humoriste, et qui compte parmi ses acteurs une dizaine de personnes handicapées. C’est l’histoire de deux petits braqueurs - père et fils, qui fuient la police après avoir volé une bijouterie. Alors qu’ils sont cernés, ils ont tout juste le temps de grimper dans un car, un car de personnes handicapées qu’une association emmène, comme tous les ans, dans un gîte en montagne. Pris de court, le père intime à son fils de prétendre auprès de l'équipe qu’il est handicapé, qu'il est le retardataire qu’ils attendaient, et qui lui-même est son éducateur. Evidemment les deux hommes vont découvrir une communauté singulière et attachante, au sein de laquelle ils vont trouver des amis, des amours, et même apprendre deux trois leçons de vie.

Un P’tit truc en plus est un film gentil, ensoleillé comme une pub pour le jus d’orange, avec le “p'tit truc en plus” d’humanisme réduit en bon fond, un peu comme dans les comédies pseudo-sociales de Nakache et Toledano, avec lesquelles il partage la bonne volonté, les personnages d’escrocs qui épousent la bonne cause, et probablement un brin d’opportunisme, mais qui reste bon esprit. Un bon esprit tellement rabâché, en dedans et en dehors, qu’il est difficile de le regarder comme un film et pas seulement comme une cause : de ce point de vue le film d’Artus souffre en grande partie de ce qui l’accompagne - tous les discours parasitant une réception simple et portée sur la forme. Il se trouve qu’Un ptit truc en plus a été programmé à Cannes - il sera montré en présence de toute l’équipe le 22 mai prochain - une des nombreuses tentatives du festival pour annexer, ou du moins tenter d’annexer, le succès d’une comédie populaire, traditionnellement peu représentée dans le circuit cannois. Pari pas totalement réussi d’emblée, puisque Artus racontait il y a quelques jours qu’aucune maison de couture n‘avait accepté d’habiller ses acteurs. Saine révolte, probablement au départ, mais qui laisse planer immédiatement un soupçon : celui du bon sentiment facile et vendeur…

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L'édito politique
3 min

Continuum

Les personnages se disposent sur une espèce de continuum entre les gentils dès le début et les salauds jusqu’à la fin (qui sont peu nombreux, car tout finit bien) ; cette forme du continuum existe également pour envisager le handicap et ses représentations : on comprend vite que le film veut nous laisser entendre que nous avons tous “un p'tit truc en plus”, à savoir quelque chose qui nous rend absolument singulier et donc potentiellement gênant pour les autres : que ce soit un autisme doublé d’un syndrome de la Tourette, ou un goût prononcé pour la chasse à cour : idée qui part sans doute d’une intention louable, mais qui revient à établir une sorte de fil conducteur assez douteux politiquement entre l’excentricité et le handicap, et à rabattre ces enjeux sur une pure question individuelle, celle de la sacro-sainte différence.

Le bon sentiment est la règle, et tout est sans cesse prévu pour désamorcer les potentielles accusations qu’on pourrait porter contre le film d’exploiter les handicaps de personnes non valides pour en faire une matière comique à leur dépends. Cette règle prévaut sur tout, et corsette l’humour dans une espèce de filet sanitaire, un comique poussif qui joue sans cesse à deux coups : d’abord ce qui fait rire c’est le handicap - un jeune homme qui dit “bonjour connard” au propriétaire du gîte à son arrivée, c’est drôle ; puis après on nous montre comment le personnage en question s’approprie ce trait comique et le retourne contre les personnages valides du film : s’ensuit immédiatement une petite scène d’échange entre une éducatrice et le propriétaire, qui annonce qu’il va augmenter les prix de la location - donc oui c’était bien un "connard". Une mécanique de sûreté qui ne laisse guère de champ. Un p'tit truc en plus est un produit ultra-normé sur des personnes qui ne le sont pas.

Quinze
16 min

L'équipe